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Sacha Ashton Awyer

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MessageSujet: Sacha Ashton Awyer Sacha Ashton Awyer  EmptyMar 27 Déc - 5:49

Frostbitten Requiem to a Forgotten Elegy
Masculin

S. Ashton Awyer

S. Ashton Awyer
S. ASHTON AWYER



Sexe : Mâle, bien que la ligne se brouille aussi facilement qu'elle s'éclaire. Il a la certitude d'être un homme à part entière, mais les monologues chimériques de Kohaku viennent parfois tordre son jugement en ce qui concerne l'importance de telles affirmations.

Âge : 19 ans. Du moins, c'est l'âge qu'il avait avant sa cryogénisation. Ashton a vu le jour en Avril 2019. Je vous laisse additionner les chiffres ~ Toutefois, considérant qu'il a passé deux ans en ermitage chez le Docteur Alan Oliver, il dit avoir 21 ans.

Origine : Né dans la patrie des Royaume-Unis, en Angleterre, il faut tout de même noter qu'il a passé de grands moments de sa vie au Canada, plus précisément au Québec. Après tout, la graine qu'il est a germé de la dualité de ces deux contrées.

Nationalité : Aucune. Dans le monde présent, Ashton ne possède aucun papier d’identité et n’est en somme qu’un être anonyme sans appartenance à une quelconque région ou pays. Le monde qu’il a connu n’existe plus et toute notion de nationalité s’est envolée avec son éveil dans la demeure d’Oliver.

Langues parlées : Étant un fils de riche patron d'entreprise des années 2000, ce jeune homme parle les langues du commerce de l'époque, c'est-à-dire l'anglais, le japonais, l'allemand, l'espagnol et le mandarin. Toutefois, sa maitrise n'est pas parfaite et il serait loin d'être apte à rédiger un texte de niveau correct dans la plupart de ces langues. Disons qu'il sait comment se sortir des ennuis et conclure un marché fiscal ( et encore là pour le marché, il nécessite l'aide d'un traducteur. ) Les langages dans lesquels il communique avec aise sont ; l'anglais, sa langue maternelle, le français, appris de part l'intermédiaire de sa mère et de ses oncles, ainsi que le japonais que Kohaku s'est égosillé à lui enseigner.


Votre Pseudo HJ ?
Clumsy.

Avez-vous bien lu les règles ?
Hin. Hin. Hin.

Où avez-vous découvert Terra ?
Ici.

Comment trouvez-vous le forum?
*regarde les pingouins qui batifolent sur le côté.* Et vous ?



CRACKED MIRROR

Maintenant, qui peut bien savoir ce que la sauvagerie indomptée du Nouveau Monde, de Terra, infligera sur l’apparence du jeune fils de riche, cryogène ayant quitté son monde avec une cuillère en diamants enfoncée dans la gorge. Il changera certainement, l’absence de produits de beauté menaçant d’assécher sa peau, l’absence de shampooing promettant d’enlever le lustre synthétique animant ses mèches. Ces dernières redeviendront d’un brun clair, perdant l’éclat caramel que la teinture leur conférait et seront coupées irrégulièrement, laissant disparaitre leur soigneux dégradé. Sacha Ashton Charlesteer Awyer descendra de son trône bienséant pour retourner marcher parmi les manants, parmi tous ces gens n’ayant jamais profité du luxe dans lequel il a baigné, dans lequel Kohaku l’a noyé sous le regards inanimés de ses proches. Tous des pantins, des aveugles, des gens qui ont cessé d’être perturbé par la psychopathie humaine.

« Such a pretty plaything just for me. You like it, right, darling Ashton ? »

Avant. Avant. Considérant que nul ne peut décrire ce que le futur amènera, il faut parler d’avant et consigner tout ce qui était de la pointe de cette plume tremblante que le Docteur Oliver lui a déniché. Une plume pour la poésie. Oncle William aurait adoré, n’est-ce pas ? Une plume pour la poésie et la noblesse dont il provient, une plume pour perdre un portrait duquel les anciennes représentations ont été cachées hors de portée ou impitoyablement brûlées. Une plume pour écrire, car il ne faut pas oublier.

Jamais.

J’ai hérité de toute la magnificence contenue dans mes gènes, du moins, c’est ce que le compagnon de mon oncle Lawrence me répétait constamment. « Avec des yeux bleus, tu serais parfait, honey. », répétait-il constamment de ses airs moqueurs et joueurs, la provocation de ses mots perturbant mon estime personnelle. J’ai longtemps douté de la beauté de mon regard caramel, brun des noisettes enflammées par les flammes du soleil d’été. Prunelles perdues dans de grands yeux innocents, bordée d’une forêt de cils sauvages. J’ai longtemps jalousé le ciel animant les yeux de Lawrence, car ceux qui ne le possédait pas lassait rapidement le regard de Chess. Du moins, c’est ce que je croyais, c’est ce que j’ai toujours cru. Soit, nous parlions de mon apparence et non de l’aliéné qui a dicté ma vie de la fascination qu’il imposait. J’écris ceci, installé en biais d’un piètre miroir qu’Oliver m’a emmener de peur que ma mémoire défaille. Il affirme que cela m’aidera à soutenir l’étrange lubie qui me pousse à rédiger cette étrange biographie. Je crois qu’il se moque de moi . . . Je m’en fiche.

On m’a toujours répété que j’avais tout de mon père, que je lui ressemblais comme deux gouttes d’eau . . . avec des traits plus doux, écho excessivement féminin de ce que qu’avait été ma mère de son vivant ; une femme sublime, féminine et affirmée. Une mutation de mon père ayant évolué dans le liquide amniotique de ma mère. Voilà ce que j’étais, ce que je suis toujours. Un visage à la finition douce, pommettes élevées soutenant mes larges iris, une poupée masculine, lèvres rosées, charnues et pulpeuses à souhait, l’ultime pantin. Grand, élancé, avec des muscles finement dessinés que la vie ne m’a jamais contraint d’utiliser de force, silhouette aux attraits naturels dissimulés sous le prix des tissus de qualité qui décoraient jadis mon corps. Je respire cette santé que ceux de lignées similaire à la mienne se sont toujours vu forcée d'afficher, teint de pêche, dents claires. Là ou je parais en santé, j'ai l'air vaguement fragile, facile à briser, l'absence d'un taux nomal de virilité me faisant paraître sans défense. Heureusement, je sais me battre, je sais faire tout cela. Même si ce je-sais-tout d'Oliver semble croire le contraire. Je vais lui prouver . . .

Le miroir dans lequel je m’observe est craqué, ligne sinueuse rampant le long de sa surface à peu près limpide. Brisé, craquelé, comme ce reflet que je viens de décrire le sera bientôt. Irréel.



ANIMALISTIC FOOL

Sacha. Oh comme ce nom laisse de douloureux frissons lui parcourir l’échine.

Un sourire évasif renfermant les pulsions d’un démon. Je suis une graine émergeant de sa coquille écailleuse, cultivée avec soin depuis ma tendre jeunesse, l’héritage laissé à l’humanité par la poupée mangeuse d’âme, le souhait porté dans le vent par la fleur féérique et le rayon déviant, reste de l’hypocrisie de l’astre lumineux.

Il parait que j’ai un assez mauvais caractère, le genre de disposition froide et bougonne qui fait en sorte que les autres ne m’approchent pas trop, paroles mordantes, regard de braise apposant les fondements de mon intimidation. Pourtant, il ne s’agit pas de la méchanceté gratuite la plupart du temps, bien que parfois l’opportunité d’user de cynisme et de sarcasme se fait trop tentante pour que je lui résiste. Un plaisir sournois que j’ai appris aux côtés de mon Oncle le plus ‘normal’ dira-t-on. Une hypocrisie discrète et empreinte de classe, me laissant profiter d’atouts princiers simulés. Bref, comme je disais ; je ne suis pas méchant, je n’aime simplement pas qu’on m’énerve. Étant d’un général plutôt irritable et considérant qu’un bon nombre de choses m’exaspèrent ( Alan Oliver en l’occurrence ), je préfère me soustraire à la socialisation coutumière des gens. Ces blablas chargés de faux-semblants qui amusent tant mon Cheshire adulé. Mais les gens, même si je les évite, prouvent être cons, horriblement stupides. Ils s’avèrent tout bonnement incapable de voir l’écriteau rouge fluo placardé sur mon front où on peut lire « DO NOT BUG ME. » et tente tout de même de s’inclure dans mon cercle social, généralement pour profiter de mes relations et de mes circonstances. Avant, il s’agissait de s’approcher d’une part de ma fortune familiale et de l’influence de cette dernière, maintenant c’est plus une question d’approcher Doc. Dieu et son phénomène de foire. Je les emmerde. Quoique d’un autre côté, quand ils ne parlent pas, ils peuvent se montrer très intéressants. Kohaku m’a appris à m’attacher aux détails, à m’éprendre des effluves suaves de la vérité et des secrets, à me fasciner de la nature même des choses. Pourtant, contrairement à lui, je ne trouve que rarement la force et l’envie de me perdre dans leur réactions diverses, d’interagir directement avec eux, préférant les observer évoluer tranquillement dans leur monde. Hors de ma bulle et de ma vie. M’enfin . . . ça ne fonctionne jamais de cette manière. Il parait que mon ‘’charisme’’ génétique, comme adorait le répéter Swan, m’empêche de pouvoir me retrouver seul, incitant les gens à m’approcher, à tenter de m’apprivoiser. Nan, mais, j’ai l’air d’un animal ? À en voir les raisons qui m’ont poussé à finir glacé pendant trop longtemps dans un cocon de métal, sans parler des regards louches que s’amuse souvent à me lancer Oliver, j’oserais presque croire que j’en suis un. Un renard dont on aurait réussi à déjouer la ruse . . . Ou un corbeau qui se serait jeté dans la gueule du renard. Ou plutôt du chat.

Malgré la douceur que laisse présager ses traits et la contenance noble qui anime généralement ses mouvements, stéréotyper Ashton avec le reste de la ligue des gentlemans relève de l’erreur monumentale. Son impassibilité coutumière, frigidité empreinte de sarcasme et de regards noirs, va de coutume avec l’imprévisibilité drastique qu’il a directement copiée de sa plus grande fascination. Arrogant et fier, vous ne le verrez que très rarement admettre la moindre faiblesse, laisser l’impuissance barioler son visage de poupée. Il préfère se débrouiller et avoir l’air risiblement con que de s’abaisser à avouer que, bah, non, il ne gère pas du tout. Il se l’admettra mentalement, chuchotement moqueur au fond de son cerveau, mais à voix haute ? Non, il refuse. Sauf en cas d’extrême nécessité. Sa cryogénisation est un coup suffisant à son orgueil pour lui durer une vie . . . L’ultime projet de Kohaku Joshua Mitsumasa ne tolère pas être rabaisser par quiconque et vous le verrez très certainement s’opposer férocement à ceux qui tenteront la chose. Vaguement susceptible et ayant du mal, parfois, à gérer ses émotions, le jeune homme affectionne le silence. Il peut réfléchir dans le silence, se perdre dans la contemplation de sa matière-grise . . . Penser à ce père englouti par le ciel, à cette mère violée par le métal, penser à cet oncle pluvieux parlant d’améthyste et de lilas, à cet oncle ensoleillé de secrets et de fierté et, par-dessus tout, penser à ce fantasme opalins, diable l’ayant condamné à défier le temps. Ashton n’aime pas particulièrement parler en profondeur de son être, trop incertain de ce qu’il est réellement pour désirer s’attarder sur le sujet. « Qui es-tu ? » s’avère probablement être l’une des pires questions que vous pourriez vous adonner à lui poser, car elle le contraint à se remettre en question. Au final, Ashton ne sait pas trop qui il est, ni pourquoi il est comme il est. Et ça lui fait trop mal d’y penser, car ça lui rappelle à quel point on l’a utilisé.


Dernière édition par S. Ashton Awyer le Sam 3 Nov - 13:30, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: Sacha Ashton Awyer Sacha Ashton Awyer  EmptyMer 6 Juin - 15:24

Frostbitten Requiem to a Forgotten Elegy
Masculin

S. Ashton Awyer

S. Ashton Awyer
FALSE FAIRYTALE



BLOC NOTE MOMENTANÉ. ~
MediumPurple - Will
SteelBlue - Law'
Indigo - Ku
DarkSlateGray - Ash'
#872657 - Sacha I
darkgoldenrod- Oliver
#8B5A00- Alex
#CD6090- Cindy
#9ACD32 - Lena
grey- Carter
* Considérant que l'espace temps du pensionnat fonctionne différemment que celui du monde réel, Will et Kohaku ont très bien pu passer 10 ans enfermés, alors que seulement quelques mois se seraient écoulés sur Terre. [ Note de cohérence. ]
William >> Disparu en 2012
Chess >> Disparu en 2017
Retour mutuel >> 2018
** Leur vieillissement naturel a été stoppé, les laissant paraître plus jeune que leur âge réel, alors que Lawrence et Sacha, eux, ont vieilli naturellement.
** Cryogénisation d'Ashton en 2038. [ 19 ans. ]
** La boîte donnée par Chess à Ashton contient : Les journaux de Kohaku, une peluche de chat,un pendentif de Cindy, une chemise de Sacha, les lunettes de William, ainsi que l'une des montres de Lawrence. Il laissera la peluche sur le Premier monde et la donnera à une orpheline.

L’épopée indigne de la poussière d’étoile de l’invertébrée noblesse.

- 1 -
–The Malevolent Bloom : Sacha Ashton Charlesteer Awyer


Et les murs polis et striés de blanc javellisé laissent les rayons aveuglant du soleil ricocher contre leurs parois dénudées. Quatre hommes rôdent près d’une porte fermée, large, à la peinture légèrement écaillée, depuis ce qui semble être des heures, d’interminable dédalles de minutes s’enchevêtrant les unes sur les autres. Un quatuor incongru qui attrape l’œil des régulières familles et patients visitant le triste lieu qu’est l’hôpital anglais. Des infirmières vont et viennent à toute vitesse dans les couloirs, l’effervescence de l’anxiété et de l’habitude marquant leurs traits. On peut entendre, si on s’adonne à laisser son esprit divaguer vers une concentration auditive relative, les gémissements éplorés de la femme dont on s’occupe actuellement dans la chambre d’à côté. Une autre porte, affichant un numéro différent de celle devant laquelle se tiennent les mâles. La pièce qu’ils guettent parait, en surface, plus calme, mais ce il ne s’agit là que d’une apparence trompeuse. Les cris stridents et enroués, respirations saccadées explosant telles un déluge de vitre reçu par du béton, leur rappelle que peu importe la portée de la douleur, ce qui ce passe de l’autre côté de la série d’entrées closes picorant le couloir relève de l’horreur. Un ovule qui bourgeonne, un placenta qui explose et la litanie de notes, sonores et faussées qui s'en extirpent.

Elle hurle fort, songe distraitement, entre nonchalance nonobstante et curiosité paresseuse, l’un des hommes du petit groupe en glissant tranquillement l’une de ses phalanges sur la surface trasparente de l’une des fenêtres. Sa chevelure opaline, irréelle, attrape les rayons fuyards de l’astre solaire de la même manière que les murs le font, le laissant paraitre un brin plus illuminé que le autres, faisant de lui, et cela est dit avec un humour tout aussi ironique qu’onirique, l’apparition fantasque et marginale du troisième couloir de l’aile des accouchements. Ses yeux noirs tentent d’élucider les expressions affichées par ses confrères avec une curiosité enfantine qui s’agence de concert avec son visage clair aux traits anguleux et fins. Il s’interroge au sujet des pensées qui parcourent les esprits de ses compagnons, se demande de quelle manière ces derniers réceptionnent l’arrivée prochaine d’un bambin écervelé, beuglant l’affirmation de son existence.

« Un minuscule bourgeon . . . », entend-t-il l’une des bouches du quatuor murmurer aux autres, relevant la tête, mèches opalines venant brusquer son front, alors que ses yeux onyx détaillent le locuteur avec curiosité. Le premier mot prononcé depuis ce qui semble être des heures naît entre les lèvres de William Mary Hufflestring, un gros numéro de l’économie anglaise réapparu de nulle part suite à une longue disparition depuis un ans. Tout comme lui. D’entre les morts ils sont revenus ayant vaincu les supplices d’une séquestration marquante et inexplicable. Et maintenant, ils poirotent devant dans l’aile des accouchements d’un hôpital anglais aux côtés de visages familiers ; deux cousins de William dont l’un s’avère être l’un des très bons amis de l’illusion fantasque. Lawrence Evelynn Swanster lance un regard exaspéré à son cousin, s’écœurant très certainement du dramatisme, de la poésie, dont fait preuve ce dernier. Les jolies métaphores ne sont pas particulièrement adaptées à la situation, ne reflète en rien l’explosion d’un placenta sanglant. Il souffle une mèche, blonde et rebelle, hors de son front avant de se retourner vers le quatrième membre de la bande ; Sacha Charlesteer, sans rien dire. Ce dernier, père en devenir, tapote son pied sur le parquet du couloir, mordillant sa lèvre avec une nervosité lui étant caractéristique. Il ne semble pas se formaliser du commentaire de William, trop préoccupé par celle se trouvant de l’autre côté de la cloison filtrant les gémissements de douleur. Lawrence s’approche de lui, posant une main réconfortante sur son dos, son aura légère diffusant mille promesses de naissance sans trouble.

L’illusion fantasque étouffe un gloussement, fasciné par l’effet de changement qu’apporte son ami sur ceux qu’il côtoie, magnétisme certain envoutant les gens de sa gentillesse simple. Mais Lawrence Swanster est nettement plus qu’un doux personnage, car même les bons cachent leur part de vilain. L’attente se poursuit, égrainant les minutes de la journée et la patience de chacun. Des grands-parents viennent les rejoindre à un moment, ainsi que d’autres membres de cette famille dont l’homme aux mèches opalines n’a que faire. Il attend, las d’entendre le sable qui coule dans son sablier s’abattre vers le bas. Ses phalanges pianotent sur la vitre de la fenêtre, insistantes, stressantes.

Puis, un jour, plus tard, la porte s’ouvre à la volée, dévoilant une infirmière et son tablier blanc souillé. Une scène de film d’horreur, pense-t-il entre deux rires silencieux, contemplant l’expression anxieuse et plein d’espoir de Sacha, suivie de près par la mimique bienveillante de son adoré Lawrence.

« C’est un garçon, Monsieur Charlesteer. »

La remarque fait vite son effet, laissant le visage du noble s’effondrer en un empressement éploré. Sans demander son reste, le frais paternel s’engouffre dans la pièce pour rejoindre sa dulcinée sous les expressions négligemment surprises des présents spectateurs. Enfin. Le temps recommence à tourner, les aiguilles d’une horloge fictive s’activent dans leur bruit strident. Tap. Tap. Tap. Au rythme de ses phalanges qui cognent contre la vitre. Personne n’a osé l’interpellé, lui susurrer d’arrêter et personne ne le fera, right ? Il fixe la porte laissée entrouverte, admire mesquinement le portrait que peint la toute nouvelle famille.

« C’est touchant, ce genre d’instants, ne crois-tu pas, Kohaku ? »

Lawrence s’approche de lui, paroles chargées d’innocence lui arrachant une expiration hilare.

« Absolument fascinant, Swan. »

Fascinant. Fascinant. Si horriblement, écoeurament fascinant.

-

Et ce n’est que bien plus tard qu’une infirmière l’entend susurrer d’inquiétantes douceurs à l’oreille du nouveau né, alors que la mère épuisée a enfin trouvé le sommeil et que le père soulagé s’est fait traîner à l’extérieur par son jeune frère pour prendre l’air. Lawrence et William, son quelques part, ailleurs, laissant out le loisir à Kohaku d’observer le sujet de l’une des naissances du jour. Un prototype humain de plus, aux paumes potelées et frétillantes. Le sourire de l’homme, horrible moue évocatrice du chat de Cheshire, plane au-dessus de l’enfant telle une malédiction. Une promesse sordide, mais ô combien solide. Doigts minuscules viennent s'enrouler autour de son index, gazouillements explosent hors de la petite bouche.

« Tu veux jouer avec moi, petite créature ? Bien sûr que tu veux, of course, obviously. Je te promets d’être doux, de jouer gentiment, de te cultiver comme une graine avant de te tuer. »


- 2 -
–The Warm Memories : Cindy Awyer


Mains potelées s’attardent avec douceur sur les rouages d’un train de plastique, alors qu’un regard ingénu se perd dans la fixation insistante de l’accomplissement des tâches ménagères les plus sordides. Menue, splendide cascade de blé solaire nouée en une longue et impressionnante natte, Cindy Awyer, les paumes plongées dans un bac d’eau, nettoie avec acharnement les jouets d’extérieur de son fils. Fils qui l’observe posément admirant la manière dont la terre se détache de ses possessions. Il aime le monde qui s’étend dehors, adore s’éparpiller dans le petit boisé qui borde la demeure dans laquelle il réside avec sa mère et ses babioles en pâtissent toujours, salies et craquées par ses lubies diverses. Du haut de ses huit ans, Sacha Ashton est un gamin pétillant de vie avec lequel il faut se battre verbalement durant des heures pour réussir à le forcer à retourner à l’intérieur.

« Mother, will I be allowed to take them back outside when you are done ? »

« Of course, sweet heart, but be careful this time ? »

Elle lui lance un sourire douillet auquel il répond avec empressement, laissant tomber son jouet sur le sol pour aller à la rencontre de sa génitrice. Il agrippe le tablier qu’elle porte avec insistance et lui demande si elle compte faire des cookies pour dessert ce soir. Elle rit, lumineuse, en lui répondant qu’elle en fera uniquement s’il prend son bain sans se salir après. L’entente ne met que quelques secondes à s’ancrer dans le crâne du garçonnet et il se propulse hors de la cuisine en retirant ses vêtements. Cindy soupire, souriante, mais exaspéré. S’occuper d’un enfant n’est pas une tâche simple surtout lorsque l’on doit l’élever seule. Bien sûr, la pension alimentaire que lui envoie son ex-mari couvre amplement tous les frais imaginables qui pourraient être liés à Sacha Ashton, mais l’énergie a dépenser reste toujours la même.

Soit l’enfant est impossiblement heureux et ne manque de rien. Il reçoit des visites de son père une fois tous les six mois. Sacha préfère garder ses distances pour ne pas lui imposer la réalité d’un mariage échoué et d’un père absent. Doux jusque dans la moelle, cet homme. Et un peu mou aussi. Soit, la dame suit son fils jusque dans la salle de bain, mains sur les hanches.

« I hope you did not forget your duck this time, young man ! »

Il rit, présentant le dit jouet tout en secouant la tête, nu comme un ver. Cindy active l’eau de la baignoire, laissant un liquide tiède et hospitalier la remplir. Elle compte terminer le nettoyage des jouets pendant qu’il sera occupé dans la baignoire, s’assurant de temps en temps que tout va bien. Le gamin patauge gaiement, si innocent, si pur. Semblable à n’importe quel enfant de son âge, s’armant d’une honnêteté désarmante et d’une curiosité débordante. L’eau éclabousse modiquement les murs, la mère soupire affectueusement.

Un après-midi banal dans la vie du jeune Sacha Ashton.



- 3 -
– The Quiet Watcher : Sacha Charlesteer

Ongles enfantins grattent la surface d’un meuble verni, en arrachant lentement la pellicule transparente, laissant de vigoureuses stries marbrer une petite part de la surface de la table. Dents d’une blancheur perlée viennent tirailler une lèvre inférieure gercée par l’abus, alors que des yeux noisette rougis par les larmes fixent un visage se voulant rassurant, mais pourtant voilé, lui aussi, par une indéniable tristesse. Sacha Charlesteer ne sait comment réceptionner la situation, ne sait comment réconforter ce fils qu’il n’a vu grandir que par l’intermédiaire de rares coups de téléphone distancés. Le bambin de huit ans laisse les larmes coulés sur ses joues prenant le trentenaire au dépourvu, le laissant en proie à un fulgurant sentiment d’impuissance, de vide. Comment peut-on rassurer un enfant qui a conscience d’avoir perdu à jamais l’unique figure maternelle dont on l’avait pourvu ? Sacha n’a jamais été très doué avec les enfants et la situation le dépasse complètement. Le complet-cravate du petit garçon se voit inonder de larmes, forçant une boule de malaise dans la gorge de son père. Il ne doit pas pleurer de concert avec l’enfant pourtant la tentation est si forte. Sa main droite est parcourue de spasmes qui se chargent de laisser transparaitre sa nervosité, son désarroi. Ils devraient déjà être sur la route menant au salon funéraire. Le silence dure d’interminables moments, lourds, chargés de tant de paroles muettes que les têtes respectives des deux mâles de même sang se perdent dans des méandres, dans des souvenirs. Des moments passés en compagnie de cette femme à la tignasse dorée qu’ils respectaient et chérissaient tant. Ashton se remémore le goût de sa cuisine, l’intonation de ses berceuses chantées, tout bas, dans le noir, la fragrance de tous ces petits détails que cet homme quasi-inconnu qui prétend être son père ne pourra jamais imiter. Il n’a pas la même odeur, pas la même texture que sa maman et cette nouvelle vie qu’on le force à mener depuis une semaine lui fait terriblement peur. Il veut sa mère pour le rassurer, pour lui susurrer mille promesses de joie, pas de cet homme crispé et mal à l’aise qui ne semble pas savoir quoi faire. Il ne peut stopper les larmes de faiblesses qui ravagent ses joues rebondies par la jeunesse, car il est trop difficile d’intelliger le départ définitif d’une personne d’une importance si capitale. Il ne comprend pas ce qui s’est passé, pourquoi ce jour à été meurtrier, alors que les autres ne l’avaient jamais été. Il hoquète, misérable et désorienté. Perdu dans la cruauté de la réalité.

Sacha, plus vieux, plus expériencé, finit par vaincre momentanément ses démons intérieur et l’attrape en une puissante étreinte. Il serre ce fils presqu’étranger dont la garde lui a été confié avec toute cette affection maladroite dont il sait faire preuve. Il regrette de ne pas avoir été plus présent dans la vie de sa progéniture jusqu’à maintenant, car il est évident que la situation serait moins difficile si elle ne se voyait pas partager entre deux presqu’inconnus. Son jugement l’avait poussé à laisser son fils à son ex-femme pour que ce dernier puisse vivre une vie loin des faux semblants de la noblesse moderne, loin de la contamination de l’avarice que cause l’argent. Peut-être aurait-il dû endosser ses responsabilités parentales autrement. Peut-être . . . Ses larges paumes viennent caresser le dos de l’enfant sanglotant, qui malgré tout, se presse contre son paternel désespérément. Pour l’instant rien ne va, mais éventuellement, peut-être que ça s’arrangera. Le temps efface les blessures qu’engendre l’existence. Lentement, mais sûrement.

« On va s’en sortir . . . On va s’en sortir Ash’. »

-

« Je doutais presque de vous voir montrer le bout de vos nez. Bon après-midi, jeune Sacha, mes plus sincères condoléances. Je sais parfaitement à quel point il est ardu de perdre une mère. »

Ashton se tient rigide, larges prunelles détaillant le duo étrangement agencé s’offrant à sa vision, phalanges venant essuyer pour une énième fois ces paupières enflées. Il ne doit pas pleurer, il ne doit plus pleurer. Surtout pas devant des inconnus. Le contraste entre les deux hommes l’aurait habituellement fait rire, on dirait un duo de dessin-animé, l’un est tout petit et tout sombre, alors que l’autre est tout grand et tout brillant. Brun foncé versus blond blé comme les cheveux de sa mère. Toutefois, il n’a pas la tête à l’humour des programmes télévisés qu’il regard lors des week-ends et se contente de les détaillé platement du regard. S’il les regarde eux, il n’a pas besoin de fixer le cercueil ouvert contenant sa maman, yeux fermés et halo vénitien saupoudrant l’oreiller sur lequel est posée sa tête. S’il les regarde eux, il n’a pas a affronter la situation. Il se mord la lèvre, accorde un regard de biais à son père dont les prunelles sont embuées avant de le reporter sur l’impressionnant blond.

« Will arrête avec tous ces longs mots ! Tu veux l’assommer ? »

Il ne comprend plus trop ce qui se passe. Deux bras viennent l’encercler, chaleur certaine et rassurante. Il laisse la sensation épouser la moelle de ses os, désirant s’enfoncer plus profondément dans cette étreinte inconnue, mais ô combien rassurante, ô combien tendre. Nettement différente de celle échangée avec son père biologique, les bras de cet homme respirent le soleil et l’aise. Il s’agit visiblement de quelqu’un de fort, d’un piller dans l’adversité qui inspire une confiance immédiate.

« Tu veux venir la voir avec moi ? »

Non, il ne veut pas vraiment, la peur mordant ses connections nerveuses, impitoyables. Pourtant, il se laisse guider, tout comme Sacha, son père, jusqu’au contenant mortuaire. Le charisme doucereux de l’individu a raison de lui et il lui agrippe la main tout au long de la courte marche avant de se retrouver face à face avec le visage de sa mère. Le cercueil n’est que partiellement ouvert, refusant de dévoiler le bas de son corps aux yeux des gens en deuil. L’accident d’auto a dû faire trop de ravages . . . Pourtant, il est soulagé de pouvoir effleuré ses pommettes de ses doigts, de pouvoir profité du confort maternel de sa peau une dernière fois. Les larmes se remettent à couler, mais protéger par les remparts que forment Sacha et l’inconnu lumineux, Ashton décide de se laisser aller. It’s ok to cry in moments like these . . . Maybe. Il glisse ses doigts dans les mèches blés de sa maman, contemple les traits devenues durs comme de la porcelaine en explosant ses veines oculaires par l’intermédiaire des larmes. Des lames semblent lui transpercer tout le corps, affirmant ce désarroi innommable qui l’assaillit. Il ne veut pas, il refuse qu’elle soit morte ! Son père se penche, le prend de nouveaux dans ses bras pour larmoyer de concert avec lui, pour extérioriser tout ce mal qui le ronge. Une si belle femme ne devrait pas partir si vite. Les photos qui entourent la tombe la montrent souriante, toujours en compagnie de son bambin. Il pleure longtemps, il pleure intensément, sans porter attention aux regards chargés de pitié qu’on lance dans sa direction. Ses yeux s’assèchent et ses deux protecteurs finissent par l’éloigner de la sépulture, lui promettant avec douceur qu’ils retourneront la voir plus tard. Les heures défilent, le forçant à entendre les condoléances de trentaine d’inconnus dont il n’a que faire. Sa mamie vient le serrer dans ses bras et il passe un long moment à discuter, murmures secrets et affectueux, ensemble.

Un buffet est organisé par la famille directe de la défunte et la foule se retrouve dans une nouvelle annexe du salon funéraire. Ashton ne tient pas en place dans son siège, n’ayant absolument pas la tête à ingurgiter de la nourriture. Il annonce à son paternel, qui porte un sandwich aux œufs à sa bouche sans grande conviction, qu’il doit aller aux toilettes et file sans demander son reste, petites jambes le portant jusqu’à la salle où est exposée sa mère. Il se remet à pleurer sans le vouloir, sanglots et hoquets déchirant sa gorge. Il s’approche de la tombe, la fixe un long moment, murmurants des aurevoirs et des supplications insensées à l’oreille de la morte avant de se reculer, traumatisme évident.

Dans le brouillard de ses larmes, il ne peut que remarquer le visage consterné du petit homme surnommé Will en bordure du mur, lorgnant les albums photos destinés aux yeux des visiteurs. Il trottine jusqu’à ce dernier qui se met à le fixer à l’ouïe de ses pas.

« . . . why aren’t you eating with the others, young Sacha ? »

« . . . why aren’t you ? »

L’homme de petite sature soupire vaguement avant de rouler ses yeux améthyste. Avec élégance, il ferme l’album dont il regardait les photos et se fait immédiatement réprimander du regard par Ashton. Il lève un sourcil, échange silencieux se profilant entre l’enfant et lui. Nouveau soupir. Un brin plus amusé que le précédent. Il s’empare de l’album et enfile des claquements de chaussures jusqu’au canapé le plus près, suivis de près par le plus jeune. Ils se lovent tous les deux dans les coussins pour confortablement observer les photographies.

« What’s your name ? »

Une page tourne.

« William Mary Hufflestring. Apparently, I am your uncle. »

L’échange se poursuit entre des commentaires concernant les images qui défilent au fil des pages et des questions lambda. Paisibles. Ashton apprend que l’homme blondinet est lui aussi son oncle, dénommé Lawrence Evelynn Swanster. William lui raconte une foule de souvenirs incluant sa mère et Ashton ne voit pas le temps passé ne se rend pas trop compte des gens qui reviennent posément dans la sale après avoir mangé. Son père et Lawrence sont les premiers à venir les voir, ce dernier annonçant à contrecœur qu’il va bientôt devoir partir. Saisi d’un étrange sentiment de perte à cette idée, Ashton proteste avec véhémence. Il suit Swanster jusque dans le lobby où ce dernier attend qu’on passe le prendre. Il promet au jeune homme de repasser le voir bientôt, flatté par l’attachement instantané que le gamin parait éprouver. Quoique . . . comment ne pas s’éprendre de la luminosité chaleureuse de Lawrence Swanster ?

C’est un homme grotesque aux allures excentrique qui se présente aux portes du salon funéraire en quête de Law’, sourire en coin, yeux noirs pétillants d’une espièglerie mauvaise. Il accorde une brève poignée de main à Ashton, ainsi qu’à Sacha sans leur souhaiter les moindres condoléances. Il empoigne Lawrence par le bras et l’entraîne à l’extérieur, paroles venimeuses déboulant hors de ses lèvres.

« Alors, Swan, on a survécu aux effusions de larmes ? Je t’en veux encore de ne pas m’avoir laissé venir observer la foule. ~ L'observer, lui. »

Ashton le fixe, presqu’effrayé, enfonçant ses doigts dans l’une des cuisses de son père qui s’est contenté de contempler la scène, une main caressant le crane de son garçon.

« Father . . . I want to go back to Mother . . . »

« Yes, let's go back. »


- 4 -
– The Melancholic Flower : William Mary Hufflestring


En bordure de la vaste demeure des Hufflestring s’étendent des vestiges naturels sans pareil. Les lubies étranges d’un mari ayant souhaité cacher sa femme au monde se remarquent dans ce manoir perdu au beau milieu d’un petit village entouré de forêts et de champs. Un ruisseau serpente tout près de la richissime et excentrique propriété, s’égarant dans les décombres d’une ancienne fausse sceptique, bouche d’égout malodorante reconvertie en lac par l’héritier de la demeure. Ou plutôt le futur héritier, dirons-nous. Grand-Oncle Stephen parait encore jeune et ne semble pas du tout près à mourir, William ne prendra certainement pas sa place avant un bon moment. Soit, Sacha ne sait trop comment agir aux alentours du quinquagénaire taciturne et ressasse sans-cesse les formules de politesse que son père lui à apprise lorsqu’il se retrouve en sa présence. Sourire calme, vouvoiement et paroles discrètes. L’homme lui fait un peu peur, pour tout dire, trop rigide, trop froid. Un peu comme s’il sondait les profondeurs de votre esprit, se préparant à vous les recracher sous forme d’acide à la figure. Sa carrure masculine ne fait que renforcer l’effet de danger qu’il impose à autrui, épaules fortes, posture militaire, tout le contraire de Will. C’est certainement un businessman accompli, mais Sacha Jr. à du mal à l’imaginer sourire. C’est pour cela que, lorsque son paternel, aux prises avec un contrat ou un autre, ( Ashton a du mal à s’y retrouver dans l’emploi de son père, beaucoup de nombres et de clients, beaucoup de contrats et de coups de téléphone )l’envoi passé quelques jours sous la surveillance des Hufflestring, le jeune garçon s’arrange pour fuir dehors. Il fuit son grand-oncle pour retrouver le réconfort posé de son oncle. Il débusque souvent William, replié près d’un arbre, canne à pêche ou livre quelconque à la main, perdu dans ce monde érigé au cœur de sa matière grise. Ashton se surprend souvent à détailler les différences qui séparent le père et le fils, autant physiquement que mentalement. William, dans tous les aspects du terme, parait plus doux, sa neutralité s’apparentant davantage à la mélancolie, à la résignation qu’à la froideur taciturne de Hufflestring Senior. Quoique, Ashton pense certainement ainsi, car William lui porte une gentillesse infinie. Chaque fois qu’ils se rencontrent sous le couvert de la verdure de la campagne anglaise, William se charge de jouer le rôle d’un professeur. Entre deux conversations métaphoriques de questions/réponses, l’homme de petite sature farfouille dans ses livres pour éduquer son neveu. Beaucoup de sujets y passent. Le théâtre, évidemment, grande passion de l’aristocrate, s’ensuivant des plantes et de leur propriétés, ainsi que tout un arsenal de cours de survie donc l’utilité primaire échappe totalement à Sacha Jr. Mais tout cela amuse bien le gamin, alors il ne s’en formalise pas et rampe à plat ventre pour dénicher des plantes, solidifie sa poigne sur la canne-à-pêche pour sécuriser une prise frétillante. Il adore les jours passés en compagnie de William, ces jours lents qui semblent s’étendre dans l’infinie avec la douceur des pétales des fleurs qui Mary parait tant apprécier. Il dit que les plantes lui rappellent sa mère de la plus jolie des manières. Une telle innocence baignée de si poignante mélancolie, laisse toujours l’enfant en proie à des pincements au cœur. William semble toujours s si perdu lorsqu’il est question du passé, comme si les décennies précédentes s’étaient vu remplies d’événements si innommables que le brun n’avait pu passer par-dessus. Ashton aimerait effacer sa douleur, lisser ses traits tourmentés. Après tout, il apprécie William, son confident, son enseignant. Alors il parle pour distraire cette homme aux traits trop jeunes, pour emmener l’esprit de son ongles loin des catacombes éplorées de son intérieur. Bouche en cœur, yeux pétillants, il demande un jour ;

« Why are you showing me all these things, Uncle Will ? »

Ashton se mordille la lèvre de défaitisme, déçu par le regard lointain qui illumine les prunelles irréelles de son oncle. William se lisse un sourcils du doigt, main se glissant son épaisse tignasse indomptable, avant de répondre, d’une voix chargée d’un miel vaguement nostalgique, alarmé.

« I think that they may be useful to you, eventually. You never know what could happen to you, where you could end up . . . »

Sacha deuxième du nom ne saisi pas vraiment l’argument de son oncle qui pourtant semble croire que ses paroles sont aussi claires que de l’eau de roche à en juger par son air entendu. Il pianote ses doigts sur sa version papier de L’école des Femmes et plissant le nez, indécis. Parfois, les adultes semblent lui débiter de telles âneries. Le jeune homme ne sait pas trop s’il doit les prendre au sérieux. Tout de même, Oncle William fait rarement de l’humour, ce faisant, il doit sincèrement croire en ses propos. Bien que le fait reste que Sacha Jr ne les pige pas. Pas du tout. Bien sûr, il comprend que tout peut arriver, la mort de sa mère, cicatrice permanente, lui ayant appris cela, mais . . . comment se retrouver dans un endroit où o ne veut aller, sans comprendre comment ? Serait-ce comme dans ces films d’horreurs où les gens se font séquestrer par des psychopathes ?

« Where I could end up ? Father told me that anything could happen . . . but he never told me I couldn’t decide where I go ! Don’t grown-ups have that choice ? »

William esquisse un rire aérien, qui a vite fait de se perdre parmi les coups de vent légers qui laissent l’eau se rider. Il attrape un brin d’herbe entre ses fins doigts, contemplant la sensation de la verdure sur son épiderme. Il se souvient de la respiration empoisonnée d’un vaste bâtiment sombre, ombrageux, laisse l’odeur douteuse de l’endroit lui emplir oniriquement les narines, dégouté. Il revoit son entrée dans ce lieu chimérique, dévalant des escaliers nauséabonds jusqu’à un grenier souillé, rencontrant une demoiselle pour ensuite l’arrachée des griffes de la mort. Dramatique. Et d’autres péripéties s’ensuivent dans la tête du dramaturge, créant un long silence qu’Ashton soutient, intrigué.

La réponse vient, lente, trop réfléchie pour réellement l’être.

« Not always. See, there are things that no one can control in this world. Be it a place or a person. »

Éclairs d’orange transpercent la vison de William, le désorientant. Une bibliothèque qui s’effondre, un fantôme lilas qui valse dans une forêt, un portail de stainless. Et cette ombre fantomatique, blanche, vengeresse qui scandait le nom de Lawrence, niant une humanité certaine. Est-il fou de se laisser encore tourmenter de la sorte ? Est-il aliéné de croire en la tangibilité de ces faits irréels ?

Fou. Fou. Fou. Et il y a son neveu, portrait d’une innocence révolue qui le regarde avec de grands yeux de biches, se demandant certainement ce qui se passe. William ne compte pas vraiment lui répondre. Tout cela est . . . trop horriblement complexe. Tout de même, un avertissement est de mise. Kohaku est, Chess est . . .

« Take Lawrence’s friend as an exemple when you’ll meet him. You’ll understand what I mean. »

« D’accord . . . Alors, can we swim today ? »

Dépassé par les paroles, l’enfant cherche la certitude de l’interaction. Et William roule des yeux, rassuré. Il est libre maintenant.

- 5 -
– The Blinded Sunshine : Lawrence Evelynn Swanster


Analogie solaire.

Constellation majestueuse, astre irrigué par des douches stellaires clémentes, brillant de mille feux, abattant son glaive poétique sur la Reine Lune, dominant de la luminosité chaleureuse toutes les autres étoiles en fusion de l’univers. Voilà, en quelques mots imagés, comment Sacha Jr. Considère l’atmosphère vénérable entourant son oncle Swanster. Princier, revêtant des manières d’aristocrates tout en dégageant une simplicité mitigée d’une volatilité tout particulière, le laissant paraitre agréablement abordable, mais ô combien radieux, majestueux. Homme fier, sans reproches apparents et à la méchanceté adroitement dissimulé, il s’attire généralement les bonnes grâces et les affections des gens qu’ils croisent, sauf exceptions, et son jeune neveux de huit ans n’est point exclu de la règle. Là où il se sent plus en confortable en compagnie de William, l’étrange homme silencieux lui procurant une rassurance détendue, Ashton a du mal à retirer son regard de la forme souriante qu’est Lawrence. On dirait un roi soleil nouveau genre barbouillé de parures charmeuses. Et ainsi drapé sous les lumignons de Noël, discutant posément avec Alexander Charlesteer, son oncle direct, il n’en parait que plus fascinant. Complaisance innée, beauté indéniable. Une œuvre d’art classique, qu’on retrouve dans les annales vénérées de l’histoire. Ashton esquisse quelques pas vers ses deux oncles, s’accrochant à la jambe de Lawrence. Il laisse la linguistique de la romance prendre le contrôle de sa langue. Swanster sourit toujours lorsqu’il s’adonne à communiquer en français, et son sourire est si valorisant. Qui n’en voudrait pas ?

« Joyeux Noël ! Tu . . . tu n’es pas venu me dire bonjour ! »

Lawrence lui décoche un sourire radieux, tel que prévu. Sourire que Sacha Jr. s’empresse de lui rendre, mignon à souhait, avant de se tourner vers Alexander qui observe la scène, vaguement amusé.

« Et on ne me dit pas bonjour à moi, petite fripouille ? »

Ashton lui tire la langue, faisant non de la tête. Alexander Charlesteer est loin d’être un homme susceptible, ce faisant le jeune garçon ne ressent pas le besoin de se maniérer devant lui. Pour une fois que quelqu’un à excessivement le sens de l’humour, il compte bien en profiter. Alex lui renvoi son tir de langue, esquissant une grimace honteuse qui arrache un léger rire à Swanster. Ashton s’esclaffe un court moment, avant de continuer le manège. Une grimace loufoque, une riposte tordue. Près du sapin de Noël coutumier, à côté des présents habillés de couleurs riches, ces deux mâles liés par le sang s’égarent dans une lutte grotesque qui n’amuse qu’eux. Effectivement, Lawrence guette la porte d’entrée qui mène au salon d’un air absent et ce depuis le début du jeu. Ashton, complètement absorbé par ses mimiques ne remarque pas que son oncle s’éloigne lentement, comme tétanisé, pour franchir cette porte qu’il fixait, un air dur flanqué sur ses traits angéliques. Quoiqu’il ne faut pas non plus une éternité avant que le môme se désintéresse du jeu, s’interloquant de la ‘’soudaine’’ disparition de Swanster. Il abandonne Alexander près de l’arbre illuminé, demandant aux convives de sa voix la plus mignonne s’ils n’ont pas aperçu Lawrence. Une dame lui indique la porte sous le regard courroucé d’une autre qui déclare ‘que ce n’est pas une bonne idée, cet homme n’est pas une bonne influence’. Ashton s’en contrefiche et passe le cadre de la porte sans remords ou soucis. Il n’a aucun mal à repérer celui qu’il cherche, mais se heure toute de même à une bien étrange scène.

Parmi les rayons solaires qui se dégagent de Lawrence, il l’aperçoit lui. L’homme blafard de l’enterrement, créature filiforme à la voix hilare qui s’approche de son oncle, à pas feutrés, incalculés, l’enlaçant douteusement, lui soufflant des paroles inaudibles à l’oreille. Swanster se raidit, sa contenance paisible s’estompant totalement, pour laisser place à une drôle de tension qui échauffe et refroidit l’atmosphère. Il tourne la tête vers l’homme pressé dans son dos, mèches blondes entrelaçant des filaments opalins, lèvres frôlant une peau d’ivoire.
Tapis dans le cadre de la porte, à l’orée d’un couloir désert, Sacha Ashton observe leur échange. N’est-ce pas dans les normes de voir un homme et une femme s’éprendre de la sorte ? Pourtant, il n’y a aucun doute là-dessus, la donnée ‘femelle’ manque à l’équation. Le gamin pince les lèvres, incertain, obnubilé. Les normes. Il s’agit de ce qu’on voit dans les journaux et à la télé, mais son père ne lui a-t-il pas enseigné de ne pas trop se fier aux médias ? Car, souvent, ce qui sort de leur bouchene se résume qu’à une liasse de mensonges questionnables. Peut-être qu’ils sont normaux, ces deux là, après tout. Ashton ne se sent pas particulièrement dégouté par leur vision, pas plus qu’il ne l’est lorsqu’Alexander embrasse sa copine.

Ce doit être normal. En quelque sorte. De l’amour n’est-ce pas ? Il s’approche silencieusement, désireux d’entendre les mots échangés entre les deux hommes. Glissements de lèvres, main aux ongles turquoises qui se ramène dans une tignasse dorée. Ashton est maintenant au beau milieu du couloir, toujours silencieux. Le ton de l’étrange monsieur rappelle une rose, jovial, chaud comme de la soie, mais dissimulant certainement de douloureuses épines. Il parait mesquin, amusé aux dépends de son oncle, allant jusqu’à se moquer à voix haute, tiraillant des sections de cheveux blonds de ses doigts arachnéens.

« You love me so much, Lawrence Evelynn Swanster. »

La phrase ne possède pas la moindre étincelle de romance, semblant plutôt chargée d’une domination hautaine. On énonce les faits qui expliquent le pouvoir, on affirme la force qui nous propulse vers les étoiles. L’inconnu attrape la lèvre inférieure de Lawrence entre ses dents, une seconde, puis deux, sourire effrayant, avant que l’autre ne brise le contact. Ils demeurent toutefois trop près, intimité remplies de sous-entendus.

« Je t’avais dit de ne pas embêter les domestiques. »

Changement de sujet abrupt aux yeux de Sacha Jr. qui fait certainement référence à la conversation d’avant. L’individu embêtait-il les employés du manoir Swanster ? Ashton plisse le nez, dérangé. Pas étonnant. N’importe qui pouvait déceler l’aura questionnable qui s’échappait à grand flot de lui, effluve de danger imminent. Qu’est-ce que Lawrence, si bon, si brillant, fichait avec un type dans ce genre, grotesque et louche ? Type qui répond du tact au tact, sans donner la moindre impression de regret ou d’inconfort. Nonchalant.

« Et ? »

« Qu’est-ce que tu fais avec quelqu’un comme lui, Uncle Law’ ? »

Ashton les interromps de sa voix flutée et prépubère, levant ses larges iris noisettes sur les deux hommes, forçant indirectement Swanster à s’écarter brusquement de l’étreinte, visiblement embarrassé. L’autre ne parait pas perturbé par l’arrivée soudaine de l’enfant, affichant plutôt un sourire vicieux, larges, dément. Dantesque portrait d’un humain défiant l’humanité. Il pose une question, hilare, sans prendre soin de contrôler son rire sonnant. On dirait une hyène . . . ou quelque chose d’autre de tout aussi inquiétant, voir plus.

« Hello, toi. Tu veux jouer avec nous ? »

« Kohaku ! »

Affront et nonchalance. Le feu et la glace qui combattent, tournoyant l’un autour de l’autre à la vitesse du son. Ashton ne sait pas s’il doit être fasciné ou inquiet, songe presque à aller chercher William ou son paternel pour lui prêter main forte. La situation n’a rien de violent, pourtant l’atmosphère lacère la cognition. L’enfant demeure droit, immobile, orifices oculaires écarquillés et l’individu, Kohaku apparemment, entrouvre de nouveau les lèvres. Créature à l’aspect nacré, à l’accoutrement sordide, il présente un portrait dont on ne sait trop quoi faire. Un instant une hyène agressante, l’autre, un mystère enchantant.

« Hm ? What ? Tu veux pas qu’on joue avec les bonnes, t’veux pas que je m’amuse avec toi. Celui là est tout petit, ce ne serait pas une grande perte. Je suis sûre que je pourrais le changer. À ma façon . . . »

Lawrence lui saisit la main avec force, sourcils froncés, visage crispés. On peut y lire des émotions contraires, des émotions qu’Ashton, du haut de ses neuf ans, n’arrive pas à interpréter, mais qui se résument à un mélange d’affection, de désir, de culpabilité, de dégout, de rage. Trop de facettes contenues sur ce même visage hypocrite. La face cachée du soleil à défaut d’être celle de la Lune.

« Kohaku. Tu gardes ma famille hors de tes batifolages ! »

« Ta famille ? »

Le sourire s’élargit improbablement, adoptant des proportions surréalistes. Il s’écarte de Swanster pour se rapprocher du garçon, démarche féline, expression folle. Que se passe-t-il ? Ashton sent son cœur arrêté de battre, il se perd dans le velours de ses prunelles sombres. Que se passe-t-il ? Il a peur, mais il ne veut pas bouger. Il implore Swanster, de part l’intérieur de ses parois crâniennes, de venir l’aider, mais rien ne se produit. Tout va trop lentement.

« Eh bien, it’s been a while little tree. Sacha Ashton, right ? »

Voici l’avènement d’une obsession qui s’ancrera au plus profond de l’âme du garçon. Oubliez les fleurs, oubliez le soleil, ce sourire seul peut mener vers la perte. Après tout, comme le lui a dit William, il y a des choses qu'on ne peut contrôler dans ce monde, des choses qui nous propulseront contre notre gré vers l'insoupçonné. Cet étrange personnage, ami ambigu de Lawrence, par exemple.

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– The Obscene Psychopath : Kohaku Joshua Mitsumasa


Douze ans. Cela fait deux années consécutives qu’Ashton passe ses étés entiers au Québec et cela n’est pas pour lui déplaire. Les apprentissages qu’il fait lorsqu’entouré de Lawrence, Joshua et leur fréquentations diverses ajoute du piment à sa culture. Sans parler du fait que toutes les sorties qu’il peut bien faire avec l’ami de son oncle, se soldent toujours pas une foule de constats intéressants en ce qui concerne l’humanité. Cheveux blancs, iris changeants, le jeune Mitsumasa a une manière bien particulière de réceptionner le monde et, là où il le craignait au début, Sacha Jr. ne ressent maintenant qu’une admiration sans borne pour cet homme que rien ne peut définir, que nul ne peut contenir. Il ne pourrait expliquer très exactement le magnétisme qui le pousse vers Kohaku, la manière dont ces commentaires aléatoires et hilares le percutent, la façon dont il jalouse presque Swan pour toute l’attention que l’autre lui porte. Parfois, il aurait aimé naître avec les yeux bleus. Kohaku adore se perdre dans les regards qui lui rappelle le ciel. Malheureusement, en regardant Ashton, il n’arrive qu’à percevoir, selon ses propres mots enjôleurs, l’ambre de son prénom. Plus jeune, Ashton avait été ravi d’apprendre cela lors d’un de leur nombreux cours ‘maison’ de japonais. Il avait cru obtenir une connexion plus solide avec cet homme qu’il admirait tant, uniquement pour se percuter à un mur en comprenant que ça ne lui vaudrait jamais un intérêt particulier. Combien de temps avait-il boudé Swanster après cela, frustré d’être né différemment de lui ? Et Kohaku n’avait rien dit, n’avait pas tenté de remédier à la situation, observant les jours se déroulés, sourire mesquin scotché sur ses traits. Un spécimen ô combien enchantant, ô combien dangereux. Son père lui a dit de se méfier, à priori son ‘’oncle favori’’ ne serait rien d’autre qu’un vulgaire meurtrier. Il n’en croit rien. Peut-être est-il un brin imprévisible, bizarrement volatile, vaguement inquiétant, présence si puissante qu’on n’ose pas voir autre que lui, mais il n’est pas un meurtrier. Et même s’il le serait . . .

Il fixe créature hantant ses moindres pensées, l’observe un moment en silence.
Kohaku ne cesse de tourner, tourner, révolution antihoraire, sur l’un des tabourets bordant le bar principal du DAILY DOSE. Le pub, à la fois propriété de Joshua et de Swanster possède un aspect disloqué, entre partouze victorienne et alléchante modernité. On y remarque aussi quelques intonations purement québécoise, tout ce bois qui n’est là que pour intensifier les apparences, ainsi que ce petit drapeau bleu et blanc que Kohaku a fiché dans un coin, mitigé, entre fierté et moquerie. Bien que la nuit l’endroit grouille d’habituer et de jeunes curieux, la journée laisse le large endroit ridiculement vide. Tout comme maintenant, silence et vide, ponctué des éclats de rire aléatoire de l’être opalin qui virevolte sur son perchoir.
Puis, sa voix résonne dans le pub, écho se cognant joyeusement contre les murs.

« Y’know . . . J’crois que t’es assez vieux maintenant. »

Il quitte la surface de son siège, pour grimper, pieds nus, sur le bar, contournant les verres qui se dresse dans son chemin pour atteindre le bout de se dernier. Ashton, regard, toujours silencieux, violant l’image que lui présente sa fascination des yeux, prunelles dévorant cette démarche inimitable, ce sourire dantesque. Kohaku s’empare du sac qu’il a laissé trainé à l’extrémité du bar, mettant fin à son petit spectacle loufoque. Ça lui plaît de lire les réactions de son ‘neveux’ inscrite sur son visage de porcelaine, ça l’amuse horriblement de constater que l’homme aimera toujours plus le danger que la monotonie. Quoique, n’est-il pas encore une fois question de nuance ? Il glousse, laissant le sac tomber devant Ashton, sourire s’élargissant, contenance se brouillant de psychotisme.

« C’est un auteur d’ici, tu sais ? Une inspiration. Tu veux savoir pourquoi on m’apelle Chess ? Lis ça. »

Et comme Ashton veut tout savoir, il saisi le bouquin à la reliure bleutée sans la moindre hésitation, accordant un sourire en guise de réponse aux prédispositions extatiques de Joshua qui parait soudainement survolté, léger. Sa réaction semble satisfaire Kohaku qui s’accorde tout le même le droit de commenté sur les similitudes reliant le caractère de son jeune protégé à celui de William. Ashton pince les lèvres. Cela fait partie des nombreuses choses que les adultes refusent de lui raconter. Là où Lawrence lui a raconté au moins une centaine de fois sa leur rencontre dans un quartier malfamé de la ville où ils étudiaient ( sans parler du sang, ça, Kohaku s’en est chargé ), William et Joshua restent impossiblement discret en ce qui concerne la leur. Ils mentionnent parfois un pensionnat, une séquestration et alors que les prunelles de William se perdent dans le vague, celle de Kohaku s’empreigne de folie et il se met à chantonner, chantonner, une mélodie difforme.

« Sénécal . . . Uncle will told me you loved this author. I read one of his books already. 5150 rues des Ormes. »

Kohaku sourit de plus belle, et n’importe qui aurait l’impression qu’il s’apprête à ajouter quelques chose, mais il ne dit strictement rien et se contente de sourire tel un rescapé de Pinel. Il pianote ses phalanges sur le haut de ses jeans délavés, laissant le regard de Sacha alternés entre ces dernières et le visage de leur possesseur. Il se met à fredonner cette mystérieuse litanie, disloquée et dépourvue d’esthétisme. Tournant le bouquin entre ses mains, Sacha ne peut s’empêcher de demander une énième fois d’où provient cette drôle de chanson. Peut-être aura-t-il des réponses que l’habituel « De loin. » qu’il récolte.

Kohaku dépose un regard pesant sur sa petite forme, le jaugeant d’un regard sans pitié. Et c’est sûrement la faute du livre, certainement car il était trop jeune auparavant, car cette fois, bien qu’incomplète, une ébauche de réponse lui est offerte.

« De mains grotesques aux couleurs impossibles. En plus d’être repoussantes, elles chantaient, sans répit. »

Ashton plisse le nez, incrédule, suspicieux.

« Des mains qui chantaient . . . ? »

« Des mains. », confirme Kohaku sans l’ombre d’une hésitation sur ses traits. Son sourire aliéné s’est amenuisé et sa bouche ne décrit maintenant qu’un arc fin, presque nostalgique. Pas comme William. Plus doux, plus curieux. Ashton a l’impression d’assister à un spectacle privé et regrette presque d’avoir interrogé son ‘’oncle’’. De toutes les réponses qu’il avait imaginé pouvoir obtenir un jour, plus tard, celle-ci ne s’était jamais adonnée à lui traverser l’esprit. Trop incongrue, trop étrange. Pourtant, bien que fin acteur, les émotions inscrite sur le visage de Joshua ne figurent pas dans sa palette coutumière et, malgré l’impression horrible de s’introduire dans un moment de réminiscence précieux, Ashton poursuit ses questions.

« Pourquoi des mains ? »

Kohaku fait-il référence à une quelconque paire de gants musicaux ou a une de ses sculptures originales que Swanster aime bien acheter et donner en cadeau à tout va ? Il ne peut signifier de réelles mains de chairs, cela est très évident. Tout de même, pourquoi des mains auraient-ils laissé entendre à Kohaku cette mélodie qui le hante tant, toujours perdue au bout de ses lèvres lorsqu’il ne porte pas attention.

« Who knows ? L’humour local, peut-être. Mais Aliss s’est débarrasser de la chanson pour moi. Pourtant, je n’arrive toujours pas à me la sortir d’la tête. Comme le bruit des aiguilles d’une horloge. Hmm . . . »

Humour. Aliss. Horloge. Voilà d’autres données sans issues qui débouchent sur une foule de nouvelles questions. Et une mauvaise question pourrait mettre fin à toutes ces révélations. La moindre parcelle d’information cachée intéresse Ashton et il ne veut pas que cela cesse. À chaque réponse, il a l’impression de se rapprocher un tantinet plus de l’autre, de partager un lourd secret. La prochaine question doit porter fruit, elle aussi. Et considérant que Kohaku aime les ‘humains’, Sacha décide de d’abord s’attarder sur le prénom mentionner dans la phrase. Sa question ne comporte qu’un seul mot, imprécise.

« Alice ? »

Kohaku sourit à nouveau, doux, venimeux. Rire doucereux, comme s’il déplorait l’intérêt de son ‘neveu’, comme s’il s’amusait de l’innocence de ce dernier. Il est si difficile de réellement définir quelqu’un. Les gens qu’il a rencontrés durant son enfermement là-bas sont encore plus durs à décrire, bordant la transcendance, l’irréel. Il se passe une main dans les cheveux, l’argent de ses nombreuses bagues attrapant les faisceaux lumineux de la lampe suspendue au-dessus de leurs têtes.

« Une vieille amie. Je l’ai rencontré un peu avant de rencontrer Willy. Une gentille fille. Horriblement normale. Comme Aliss se doit de l’être. . . »

Et il lui fait un clin d’œil, mauvais, suffisant, arrogant, inquétant, avant de monter à l’étage où Swanster dort encore, lui rappelant d’une voix mielleuse lire le livre qu’il lui a confié et, par-dessus tout, d’y faire attention.

Oh. C’était la mauvaise question.

- 7 -
– The Cryogenic Institution : Known


Quinze ans. Et un été de plus dans le monde déformé de ses oncles, contexte social outrageant, logique bancales et tordue. Lorsqu’il se rappelle avoir été projeté dans ce monde, tranquille en Angleterre, loin de William, loin d’Alexander, Ashton trouve la vie horriblement longue. Les sujets que ses camarades de classe proposent lui paraissent dépourvus du moindre intérêt et les filles le désespèrent catégoriquement. Aucune n’arrive à se comparer à Kohaku, voir même à Lawrence ou à William, toute obnubilé par une vision d’amour peu profonde qui ne présente aucune perspective intéressante. Bien sûr, il a quelques amis, histoire d’occupés ces week-end où il ne peut aller embêter Will, où il ne peut aller squatter chez sa tante Anita. Bien sûr, ses potes le font parfois marrer, arrivent à lui arracher un sourire, car, après tout, Ashton est un adolescent. C’est simplement lorsqu’il songe à la complexité de la vie, lorsque ce sourire aliéné vient frôle sa matière cervicale qu’il soupire, vide, désintéressé de tout. L’été n’arrive jamais assez vite et ne dure jamais assez longtemps.

Soit. Il compte bien profiter de ses vacances au maximum.

Mur métallique, écho d’un vulgaire stainless se voulant futuriste, stries immaculée, des individus en blouses blanches se promènent dans le bâtiment, certains pressés, d’autres lents. Il s’agit de la nouvelle acquisition financière de Kohaku. Lui-même fils de riche, bien que beaucoup moins pressé de montrer sa fortune que les autres avec qui Ashton a grandi, l’homme a arrêté son choix vers une entreprise boiteuse. Un tout petit centre de recherche. Il parait que l’ancien fondateur s’est heurté a une faillite lorsque les commanditaires finançant ses projets se sont retirer en l’absence de résultats prometteurs. Puis Kohaku s’était manifesté un beau matin de printemps, avait sauvé la droit à la seule et questionnable condition que les travailleurs se chargent, en plus de leur recherche approuvées, des siennes. Sacha a presque envie de rire de l’ironie. Les élans de curiosité de Kohaku partaient généralement dans tous les sens, revêtant des couleurs transcendantes, affirmant avec un peu plus de férocité les constats dont il était friand. Ashton lui accorde un regard amusé, avant de s’en retourner à son observation modique des lieux. La plupart des portes affichent une transparence certaine, exposant au jour le contenue des pièces qu’elles définissent. Dans l’une, un duo de sexe opposé se penche au-dessus d’une foule de conduit électrique à l’aspect fragile et minutieux. Hmm. Bien que possédant une culture générale assez vaste, Ashton n’a pas la moindre idée de ce qu’ils peuvent bien être en train de faire. Il n’a pas non plus la curiosité suffisante pour s’éparpiller dans des questions. Il regarde, c’est suffisant.

Et puis, il préfère questionner Kohaku, arpenté de ses empreintes digitales les mystères de cet homme fantasque et fascinant. En acceptant l’offre de son ‘oncle’ les gens de science de cette firme ne se sont point achetés une vie facile. Si Ashton ne se trompe pas, Kohaku doit davantage vouloir entamer ses propres expériences privées sur son personnel, se préparant à s’accaparer leurs moindre réactions.

« C’est pour que tu puisses jouer ? This place, I mean. »

Il sourit, entendu, mystique.

« Entre autre. »

Aucun n’ajoute quoique ce soit, habitués à leurs présences mutuelles, défilant sans se formaliser de la silhouette de l’autre. Joshua le conduit dans une sale de recherche située en retrait des autres, saluant quelques uns de ses employés au passage. Une machinerie méticuleuse et à l’aspect futuriste s’impose au regard d’Ashton qui ne sait trop s’il doit rire ou s’éprendre de curiosité. Il choisi évidemment de rester dans les bonnes grâces de Kohaku, opte pour le jeu qui dandine sous ses yeux, obnubilant. Il pose une nouvelle question, mieux dressé qu’un chien.

« Qu’est-ce que cet endroit ? »

Le sourire de son obsession se dessine telle une vile caricature, dantesque. Il vient glisser une paume dans les mèches caramel de Sacha, tentateur. La gorge du jeune homme s’assèche et il se perd dans la contemplation hormonale de chacun des cils noirs qui trahissent la couleur naturelle de la pilosité de Kohaku. Cette voix veloutée lui fait tourner la tête, si bien qu’il ne reconnait pas la lueur qui brille au fin fond du regard d’encre du proche de son oncle, ce petit vacillement carnassier qui ne présage rien de bon, promesse silencieuse, certaine. Il fait aller son crane vers l’avant dans un hochement simplet, concis.

« Ce n’est pas encore très au point, apparemment, mais ces hommes affirment qu’une forme de préservation s’rait possible. D’la cryogénisation ou cryonie, disent-ils. Interesting, huh ? La possibilité de préserver, de braver les limites temporelle. Un test dont le sacrifice en vaudra bien la chandelle. Échec ou réussite. Qu’importe. »

Car au final, tu n’es rien d’autre qu’un de ses cobayes qu’un j’aime tant, Ashton. Et, dans le meilleur des cas, je te lèguerai à l’humanité lorsque je laisserai enfin derrière. Oubli de cette enveloppe charnel étouffante qui ne me rend point justice. Comme je l’ai dis, il y a fort longtemps, à un adolescent qui rêvait d’un monde arachaïque « Qu’est-ce qui t’arrêtes ? On peut tout recréer en mieux. . . »

Et je me recrérai en mieux, avec toi, l’une des nombreuses ombres que je laisserai derrière.


- 8 -
– The Human and the Monster : Sophia Carter


This is a call, this is a call out
Cause everytime I fall down, I reach out to you
And I'm losing all control now


Et il n’aurait jamais cru voir Kohaku sincèrement s’inquiéter pour un autre être humain que Lawrence. Pourtant l’évidence se dévoile devant ses yeux d’ambre, magistrale et déroutante. L’homme, qui rappelle plus souvent un adolescent impulsif qu’un adulte, est courbé au-dessus d’un lit d’hôpital, couvrant la silhouette cireuse d’une vieille dame avec son corps. Ils sont à Montréal, dans un de ces lieux stériles qu’Ashton n’apprécie pas particulièrement, accompagnés de Lawrence qui guette Kohaku, tout près du lit blanc. Visages graves qui démontrent toute l’illustration courante de l’émotion qu’est l’inquiétude. Kohaku susurre des paroles rassurantes à un rythme effréné, s’égarant sur des théories concernant la fontaine de jouvence, psalmodiant des promesses loufoques de vie éternelle. La vieille loque étendue sur le lit stérile lui décoche un rictus bienveillant, croisement d’ironie mêlé à de l’affection qui fend son visage ridé en deux. Elle aime l’homme à l’aspect ridiculement jeune et elle est loin d’être la seule. Swan épie tel un faucon, paume flottant non loin d’une des deux épaules de son constant compagnon. Ashton observe silencieusement la scène de son coin, le vert de la jalousie s’immisçant dans ses entrailles. Oui, c’est évident qu’elle l’aime. Comme plusieurs. Ce qui déstabilise, c’est cette dévotion que Chess lui prodigue avec tant de ferveur, tendresse déguisée en de mignonnes insultes, désir palpable de voir la presque-cadavre s’épanouir dans l’éternité. On dirait un enfant. Sacha s’en voit dégouté. Horriblement.

« You shouldn’t worry about me, Joshua. It won’t do you any good in the future. »

Déclaration qui ne fait qu’amplifier la flamme animant la contenance de Kohaku. Il attrape les mains flétries de la vieille entre les siennes, glisse ses lèvres claires sur ses jointures creusées, adorateur. Ashton connait cette femme de nom, l’ayant souvent remarquée parmi les quelques photographies siégeant dans le domaine Mitsumasa/Swanster. Il s’agit de Sophia Carter, la vieille ménagère anglaise ayant élevée Kohaku au Québec. Considérant que les parents de l’aliéné parcourait généralement le monde pour des raisons professionnelles, c’est à elle que revenait la tâche d’éduquer, de nourrir et d’aimer le gamin.

On remarque aisément que quelque chose s’est mal passé, qu’un détail à été négligé. Kohaku Joshua Mitsumasa est un spécimen bien trop particulier pour que sa croissance se soit fait normalement. Something, somewhere, went wrong.

C’est qu’elle a bien fait son boulot, la vieille folle.

Sarcasme.

« I don’t care. I won’t let anything happen to you ! I’ll destroy reality if it means keeping you with me. I’ll find a way ! Absolutely. »

La main de Lawrence vient se perdre dans les mèches nacrées de son colocataire et copropriétaire, massant un scalpe pris d’effroi. Il tente visiblement de prodiguer du réconfort, de calmer la tempête qui rage au sein du cœur de son ami. Ou de son je-ne-sais-trop-quoi. Ashton se sent dissocié de cette réunion émotionnelle inconforme aux habitudes de son obsession. Sa maigreur devient réelle, ses lentilles sont absentes, Chess ne parait être qu’un simple humain dépourvu de son mysticisme habituel. L’unique exception qu’était Lawrence s’est vue dédoublée et comporte maintenant un second membre à sa clause. Une vieille femme à la voix aigre, décharnée. L’irréalisme qu’il manie généralement d’un claquement de ses doigts disparait dans la contemplation éplorée d’un monde fantastique. L’humain s’oppose au monstre, le monde matériel combat la transcendance.

De la bile noie le fond de la gorge du jeune occupant de la pièce. Jalousie effrontée, désir de reconnaissance. Pourquoi Kohaku ne remarque-t-il que quelques entités aléatoires et inintéressantes, pourquoi ne s’efforce-t-il à aimer que ces deux individus trop concret pour bien intelliger sa pensée.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Un monstre dans son humanité. Un dieu dans sa légèreté.

Damnation. Obession. Haine.

« . . . pourquoi ? »

Une faille grandit quelque part, dessein dédaigneux d’un avenir foireux, épilogue résultant de l’aveuglement d’un être noyé dans une cognition dangereuse.





Dernière édition par S. Ashton Awyer le Sam 3 Nov - 13:41, édité 16 fois
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MessageSujet: Re: Sacha Ashton Awyer Sacha Ashton Awyer  EmptyJeu 26 Juil - 15:45

Frostbitten Requiem to a Forgotten Elegy
Masculin

S. Ashton Awyer

S. Ashton Awyer
FALSE FAIRYTALE

- 9 -
– The Disappearance of the Watcher : Alexander Charlesteer


Une paume tiède dans la sienne, une journée d’automne tout ce qu’il y a de plus banal. Le ciel d’Angleterre tire sur le gris, nuages violents se profilant à l’horizon. Jane Edmont sourit simplement tout près de lui, heureuse dans sa contemplation modique de la réalité. Ça le rend malade, quoique vaguement flattée. Elle est sympathique, brillante, à vrai dire cette jeune femme de la haute société à beaucoup pour plaire. Et peut-être bien que s’il osait y mettre plus d’effort, s’il daignait s’impliquer corps et âme dans cette relation, que Sacha pourrait apprendre à en tirer du bonheur. Loin des détournements de mineurs douteux, voilés derrière un ton diablement mielleux. Kohaku est tout autant une malédiction qu’il est une bénédiction, proposant une affirmation de l’être si pure et mal jugée qu’elle en devient dangereuse. L’étrange personnage veut tout savoir. Ne serait-il pas presque noble aux yeux des chercheurs du temps des lumières, un apprenti érudit assoiffé de vérité, de concret, d’une métaphysique transcendante réfutant tout la société humaine. Ashton a souvent du mal à réellement saisir Kohaku, bien que son père le sermonne pour ses ressemblances de plus en plus nombreuses avec l’objet de ses moindres obsessions.

Objet goguenard qui se tient nonchalamment près de la grille de l’établissement scolaire où étudie son quasi-neveux, observant l’endroit comme s’il lui appartenait. La conversation que l’adolescent échangeait avec sa pseudo-dulcinée ( pseudo, car les apparences ne sont que ce que nous voulons qu’elles soient ) se voit sectionnée telle une corde raide sous une trop grande pression. Le jeune s’élance sur le chemin de pierre des champs, sculpture richissime dénotant une certaine classe, contourne rudement quelques élèves lambda avant de venir se planter, haletant de surprise, devant sa créature favorite. Sa copine le poursuit clamant bruyamment son nom. Il ne l’écoute pas vraiment, obnubilé par l’apparition soudaine de Chess. Qu’est-ce qu’il fout là celui-là, planté dans l’entrée, jubilant presque devant l’air ahuri de sa très chère pousse sans feuilles ?

« Qu’est-ce que tu fiches ici, Chess ? »

Respiration vaguement rocailleuse qui résonne de concert avec un rire suffisant. Comme si la réponse était inscrite dans un endroit évident auquel seul Sacha était aveugle. Les deux mâles s’échangent des regards d’intensités différentes, l’un essayant d’élucider, l’autre attendant calmement. La demoiselle, Jane, finit par rejoindre son petit ami du moment, plantant ses ongles dans l’épaule de ce dernier et soufflant, banshee sur le point d’exploser ; « Can you introduce us ? And don’t run like that again, Ashton ! »
Rires. Sacha frisonne, brusqué.

« Hum . . . He’s . . . »

Il ne sait trop comment présenter cet homme, ni comment il désire introduire Jane dans l’esprit de Kohaku. Tient-il réellement à ce que son obsession sache quelle genre de relation il entretient avec la jeune femme. Cela le ferait-il paraitre moins disponible aux jeux de Chess, cela le ferait-il être foutu dans un coin, usée et oublié. Il ne veut pas cela et, ce faisant, bégaie pitoyablement. Alors que Kohaku est une entité impossible à décrire pour lui, Jane est de celle qu’il voulait à tout prix tenir loin de son ‘oncle’. Ses prunelles balancent d’un personnage à l’autre, s’attardant craintivement sur les deux individus.
Puis, vraisemblablement, Chess perd patience et s’octroie le droit de diriger la danse. Danse métaphorique, cela va de soi. Humains se côtoyant dans des échanges sociaux récurrents. Il sourit, Cheshire reconfiguré.

« I’m Joshua, Ashton’s uncle best friend. So, I’m kind of family, y’see ? And who might you be, Raspberry ? »

« Jane. I am his girlfriend. »

L’esquisse d’un nouveau gloussement désuet qu’Ashton s’empresse de couper, venin poli suintant de ses mots, s’extirpe jovialement de la gorge de Chess. Ses yeux détaillent la silhouette de l’étudiante avec un intérêt hautin. Il ne faut pas laisser cette situation dégénérer. Et ça peut rapidement déraper.

« Oui, bon. Voilà. Qu’est-ce que tu voulais, Kohaku ? »

Encore un rire. Ashton sent un nerf résidant près de sa tempe sautiller.

« Huhuhu. T’veux pas qu’elle comprenne, ta copine. »

Ashton lève un sourcil dédaigneux, empruntant cet air distant qu’affiche généralement William lorsqu’une situation ne lui plaît pas. Le halo de mèches caramélisées obscurcissant son front cache en partie le tressaillement de sourcil qui accompagne l’expression, mais tout de même, l’essentiel passe. Irritation, incertitude, gêne.

« M’kay. La carte du silence. », soupire aigrement la créature, agitant une main agacée dans les air.

« Je passais te prendre. Something happened. Tes oncles sont dévastés. Quoique . . . Will réagit plutôt bien. M’enfin, t’devrais venir, boy. C’plutôt grave. »

« Q-Quoi ? Grave ? »

Mille pensées traversent l’esprit de Sacha, rythme fulgurant, cacophonie assourdissante. Il imagine le pire et s’empresse, sans le moindre aurevoir à sa dulcinée du moment, de s’engouffrer dans l’automobile opaline de Kohaku.

-

Incongru. Vacillant. Étrange.

Alexander, dos courbé, regard vague d’où s’écoule une pluie saline, siège dans le canapé principal de la salle de séjour de la demeure d’Ashton. Le tissu couleur vin agencé à son visage hagard donne l’impression qu’il fond dans une mare sanguine. Ses doigts, trapus, fermes, agrippent avec désarroi le bord du sofa. Il semble abattu dans l’extrême, toute trace de sa jovialité habituelle l’ayant déserté. Pourtant, Alexander est habituellement celui

« . . . une pièce fermée. Pas ressorti . . . c’quoi cette histoire . . . Unbelievable. »

Lawrence, lui, ne semble même pas avoir eu la force d’élire domicile sur le divan, croupit à même le sol, dans un état encore plus pitoyable que son cousin. Après, n’est-il pas celui qui accorde le plus d’importance à la toile familiale, à l’amour fraternel, n’est-ce pas lui qui s’est égosillé à garder contact avec tout le monde malgré la large distance qui sépare le Canada de l’Europe ? Bien évidemment, qu’il s’agit de lui. Altruiste grandiose, mèches blé plaquées contre son front, moue fiévreuse et désemparée. C’est horrible de voir le soleil ainsi imploser, de palper un astéroïde austère plutôt qu’une étoile enflammée. Ses mèches glissent dans ses cheveux, tactiles extrémités tentant de s’occuper. Il geint presque de douleur.

« . . . Sacha. Sacha. Sacha. »

William se tient debout non-loin du blondinet, petite sature paraissant étrangement grande lorsque mise aux côtés de ses congénères. Un calme orageux se dégage de lui, affaissant sa noblesse habituelle d’un brin. Il se tient immobile, soucieux, contemplatif. Son complet noir contrastant avec la blancheur blême de sa peau, ses phalanges frétillant sur ses boutonnières, il demeure l’être le plus en contrôle de la pièce.

C’est vers lui que Chess entraine Ashton d’un pas rapide. William ne tarde pas à les remarquer, les accueillant avec une mine grave. Sacha craint le pire. Où est son paternel ? N’étant présentement pas en voyage d’affaire, il devrait déjà être rentré . . . Il se mordille la lèvre, décoche un regard dans la direction générale de Kohaku qui ne le lui rend pas. Non. Il assomme William d’une question, tranchante, presque moqueuse.

« Et puis, de nouvelles hypothèses, Shadow ? »

Le binoclard lui lance un regard empoisonné, ses iris améthyste crachant des éclairs. Il secoue la tête, dérangé.

« Non. Mais cela ne veut absolument rien dire, Chess. Il ne s’agirait pas de la première fois que des gens de notre calibre se font kidnapper par des gens désireux d’une rançon. »

Kohaku mordille sa lèvre dans l’effort visible de camoufler un rire. Peu importe ce qui se passe, la situation l’amuse à un certain degré. Il fiche un coup de doigt sur l’arche des lunettes de William, réceptionnant les propos de son interlocuteur de manière dérisoire. Ashton n’arrive pas à détacher son regard des deux épaves, n’écoutant que distraitement la conversation qui évolue entre les deux autres.

« Kidnapper dans des toilettes dépourvues de fenêtres . . . ? That makes no sense at all. Tu sais aussi bien que moi où il se trouve. Admet-le. »

La phalange vient appuyer davantage sur les lunettes, puis les retire lentement, obligeant les iris invraisemblables de Will à se dévoiler à l’air libre. Le petit aristocrate tremble vaguement, colère contenue froissant sa froideur naturelle. Il s’énerve lentement, soucieusement. Peu importe ce que Kohaku tente de lui marteler dans le crâne, il refuse catégoriquement de l’accepter.

« Impossible ! Cela relève de l’impossibilité ! Sacha ne peut pas être dans cet horrible endroit . . . »

Joshua lève un sourcil, sourire dantesque picorant métaphoriquement l’épiderme et les organes internes de William. Il s’égare dans des souvenirs vides de sens, usant apparemment, encore une fois, de métaphores pour les illustrer à l’adresse de Mary. Ah. Certainement ce trou noir dans leur vie dont ils ne parlent jamais. Ashton se surprend à les écouter, délaissant la forme pathétique d’Alexander qui pleure, pleure et ne cesse de pleurer. Démoli.

« Et pourtant. Nous y avons bien mis les pieds, Fairy Boy. Tu te rappelles . . . ? Les murs mouvants, les placards sans fin et cette horrible infirmerie ! »

Will ne semble pas apprécier l’audacité des propose de Cheshire, alors qu’il arrache ses lunettes des mains de son interlocuteur. Emporté, il ne porte pas une grande attention à ses paroles et le nom de Sacha lui échappe. Et par ‘Sacha’, il n’entend visiblement pas ‘Sacha Ashton’, mais plutôt son cousin, père de l’enfant. La gorge d’Ashton s’assèche et son estomac fait un bond violent. Il ouvre la bouche pour les interroger, mais n’en sort un râlement faiblard que nul ne perçoit. Qu’est-il arrivé à son père ? Où est-il ? Pourquoi n’est-il pas en train de consoler maladroitement son petit frère, Alex ?

« Chess, stop your foolishness this instant ! Sacha ne relève pas des mêmes sphères que nous ! »

La simple élocution du prénom de l’absent à refroidi l’atmosphère déjà morne du salon, mais Chess ne semble pas particulièrement affecté. Il continue de sourire, horrible tortionnaire, pianotant ses longs doigts fin sur la ceinture de son jean. Il réfute certainement ou cherche à administrer un point. Voix veloutée qui attaque William d’une nouvelle question.

« . . . et t’en est sûr comment, WillyDunDun ? »

Mais plus personne ne veut rien entendre. William repose ses lunettes sur son nez et tourne enfin le dos à l’aliéné.

« Tais-toi. Tais-toi. »

« Évidemment. »

William Mary s’écarte pour aller rejoindre Alexander, trottinant posément jusqu’au plus jeune des oncles d’Ashton. Il pose une main se voulant réconfortant sur l’épaule de l’homme et frotte, silencieux. Kohaku s’impose le même manège, allant rejoindre Lawrence qui parait toujours agoniser à même le sol. Il le relève, le serre contre lui. Ashton sent une nouvelle vague de nausée lui remonter le long de la trachée.
Hagard, il s’empresse d’aller se blottir dans la chaleur d’Alexander. Il cherchera à comprendre plus tard. Pour l’instant, l’essentiel est que son paternel n’est plus là et ne reviendra certainement pas. Sacha Ashton Charlesteer Awyer rejoint les autres orphelins de la Terre.

-

Gouffre. Plaie. Néant.

Sacha Charlesteer, homme d’affaires, père de famille divorcé, doux vivant plein de bonnes intentions, a été déclaré disparu il y a de cela trois semaines. Il laisse dans l’incertitude, non-seulement sa famille et son entreprise, mais aussi son jeune fils ayant tout juste atteint la majorité. Les causes de sa mystérieuse disparition ne sont pas très claires. Semblerait-il que l’homme aurait fait un passage aux toilettes, endroit exigu et sans fenêtres ou autre sorti, lors d’une réunion dans sa firme d’Angletterre et n’en serait pas ressorti. Les autorités le recherchent activement, mais pour l’instant aucun indice n’a été déniché.

Ces nouvelles passent en boucle sans se lasser et Ashton les écoutes avec un masochisme évident. Prunelles ternes fixent le plafond et cherchent la raison à tout ce malheur qui l’enveloppe. Entre une obsession lancinante qui n’aboutira jamais à rien et l’absence de géniteurs vivants pour le supporter dans ses choix de jeunesse, il se sent perdu et démuni. Bien sûr, Lawrence a décidé d’emménager provisoirement avec eux, le temps que la peine s’évapore un brin et William l’a accueilli à bras ouvert dans son manoir, mais . . . mais . . .
Il revoit les funérailles de sa mère et sait pertinemment que son père n’en aura pas. Personne ne désire faire le deuil sans corps ou preuve de décès. Tous s’accrochent à l’idée idéaliste d’un retour impromptu. Mais le temps passe, et toujours rien. Des rides se creusent au coin des yeux respectifs de Lawrence et Alexander, leur octroyant une apparence digne, alors que la peau de William et Kohaku semble demeurer aussi lisse que de la porcelaine. Lorsqu’Ashton ne broie pas du noir, damnant l’existence de le punir ainsi, il contemple l’existence qui régit les entités anormales que sont Mary et Joshua. Eux qui ne paraissent pas vraiment vieillir, eux qui évoluent différemment du reste des gens. Qui sont-ils, ou plutôt, que sont-ils ?

Il pose la question à William, un matin près du lac, filet de pêche à la main et ce dernier semble observer les tréfonds de son âme. Il finit par lui répondre que le temps n’évolue pas de la même manière pour tout le monde, que lui-même ne saurait expliquer avec justesse le phénomène qui l’entoure. Ashton pressent qu’on lui ment, mais ne cherche pas plus loin. Les choses sont telles qu’elles sont et il sait très bien qu’il ne peut les changer.

De plus, la motivation n’y est plus. Tout va trop mal.

Peut-être devrait-il consulter ?

Hm. Kohaku ne lui adresserait plus jamais la parole.


- 10 -
– The Soul Eater Doll : Chess


« Et si les catholiques disent vrai et que c’est bel et bien un Dieu qui régit la Terre, bah, il est amoureux de moi. Il me donne tout ce que je veux. »

Ça fait un an que Sacha n’est plus des leurs, avalé par le mysticisme étrange d’une salle de bain lambda et quelques mois qu’Ashton a élu domicile dans l’appartement de Lawrence et Chess. Le large loft situé au-dessus de leur bar n’est pas très adapté à trois locataires, et ce faisant, Sacha se retrouve logé dans la chambre de Lawrence qui profite de sa présence pour s’imposer dans celle de Kohaku. Plus apathique qu’auparavant, Ashton n’a pas réellement la force de jalouser, s’octroyant plutôt le droit d’écouter, voyeur auditif, les soupirs se faisant parfois entendre dans la nuit.

En ce moment, il comate devant la télé, s’attardant une fois de plus sur les évènements l’ayant mené à cette vie dissociée de la réalité, alors que Chess se perd dans une contemplation orale et narcissique. Apparemment, cette créature transcendante se croit au-dessus de l’humanité, se permet de dénigrer des religions ancrées dans le monde depuis des années et ce, sans le moindre petit remord. Il réfute le néant, la constitution même du monde pour se l’approprier, désirant plus que tout se détacher de cette enveloppe corporelle qui l’attache au monde matériel. L’ironie dans laquelle Dieu se serait épris de lui se perd aux yeux d’Ashton qui la réceptionne avec dédain. N’importe qui se fascinerait de cette version difforme de Cheshire. Ce sourire, ce regard, qui vous dépouille de votre être, vous arrache votre âme.

Ashton soupire, fiche ses jambes en bas du meuble mou et se lève, zombie à la peau de pêche. Il porte son regard miel sur la figure anguleuse de Kohaku qui cuisine posément un repas quelquconque, chantonnant cette mélodie atroce, psalmodiant sa dominance certaine. C’est infernal, dantesque. Ashton le détaille du regard. Combien de fois s’est-il adonné à cette activité distraite, appréciant les contours fins que décrivent la silhouette de son ‘oncle’, se perdant dans la courbe fine de ses hanches, l’aspect divin de ses mèches opalines qui coulent comme des glaçons luisant dans son cou ? Trop souvent, à priori.
Et c’est qu’il se parle tout seul le chaton, emplissant l’espace restreint de sa voix suave, dérangeante.

Ashton se meut, progresse jusqu’à l’autre occupant de l’appartement, Lawrence manquant présentement à l’appel, et lui lance un regard morne, presque apathique qui réussit tout de même à se charger de sous-entendus. Il vient poser son menton sur l’épaule osseuse de Joshua, contemplant la nourriture qui prend lentement forme dans une casserole.

« Lawrence cooks better meals than you. »

Et il ne s’agit que de la pure vérité. Lawrence Evelynn s’est passionné toute sa vie des subtilités du goût et de l’estomac. Il a transmis une part de savoir à son neveu qui ne se retient pas de le rappeler constamment à leur colocataire. Kohaku tourne la tête, pousse son nez contre celui de Sacha, provocateur, effronté. Ashton soutient son regard noir, sans lentilles, laisse leurs respirations respectives s’entrecroiser.

« Swan rentre pas c’soir. »

Onomatopée se voulant désintéressée s’impose en tant que réponse et les lèvres d’Ashton se courbent en un vague sourire qui ne perdure que quelques secondes. Acte de présence d’une joie fade et absente noyée dans un cynisme grimpant. Ses doigts, serpents à l’agilité simple, viennent pianoter le long d’une colonne proéminente, escaladant l’os d’importance notable par-dessus la peau. Dans ses rêves les plus fous, ses mouvements arracheraient un frisson discernable à Kohaku. Mais il ne s’agit que de méandres douteuses ; l’autre se contente de délaisser sa cuisson pour se retourner et faire face au plus jeune. Même si physiquement, il ne semble pas particulièrement plus âgé. The years are still there to prove it.

« Qu’est-ce que tu veux ? », demande-t-il trop innocemment, curiosité sautillant dans les tréfonds de ses jolis yeux noirs. Ashton ricane sans humour, moquerie des manières habituelles de son obsession.

« Toi. »

Hameçon lancé, la réponse se fait immédiate. Les lèvres de Chess dessinent un large et dantesque sourire, s’étirant et s’étirant dans une brillance hilare. Il attrape l’idée de jeu que lui présente Sacha de la même manière qu’il réceptionne toutes les autres. Avec cet entrain moqueur, cette joie empoisonnée qui lacèrent et brusquent tout sur leur passage. Jouer. Réagir. N’est-ce pas la seule manière de réellement attirer le regard de ce monstre ? Si Kohaku Joshua refuse de ne voir que lui, de réellement le remarquer, Sacha s’approchera bruyamment de Chess. Car Chess n’est pas humain, car Chess désire et se joue des réactions. Et n’importe quels moyens sont bons pour arriver à ses fins.

« Plus que n’importe quoi d’autre dans ce monde ? » Un ronronnement affamé.
Ashton déglutit, pomme d’Adam illustrant une vague, remontant pour redescendre. Sa voix se fait un brin plus pâteuse. Juste l’instant de deux mots.

« Of course. »

Et les cartes ont changé de camp. Ashton ne domine plus cette partie du jeu sans règle qu’il a débuté, laissant le Chat s’octroyer tous les droits. Le droit de le questionner, de lui arracher la vérité de l’œsophage. Miel, sucre, fascination profonde. Épice, cannelle, obsession charnelle. Le mixte de la voix, du corps et des paroles s’échappant de cette enveloppe opaline le fige. Il regarde, mystifié. L’odeur de brûler emplie la pièce.

« Oh. Et que serais-tu prêt à donner pour ça, Lovely ? »

Tout. Tout. Tout. Absolument tout.

Joshua éteint la cuisinière avant de retourner jouer avec sa proie. Sale, magnifique, fauve.
« Anything. N’importe quoi. »

Cela semble lui plaire, certainement dû à l’absence de limites fondées que la réponse exhale. Chess sourit, compréhensif, vient glisser sa paume le long du cou du neveu de son . . . de Lawrence. Enfant, Ashton l’a considéré lui aussi comme son oncle, mais maintenant il se réjouit dans l’absence de lien de sang pour les unir.

« Bien. Soon then. »

Le visage de l’hilare s’approche vivement, de la même manière qu’Ashton l’a souvent surpris à faire avec Swan. Peau d’albâtre, regard d’ébène, une œuvre d’art aux yeux de Sacha. Il voit de la splendeur dans cet être que trop ont déjà comparé à une vipère, se perd dans la sensation distincte de légères calleuses sur son échine. Douces, rudes, jeunes.
La question qu’il s’est toujours posé sans jamais penser à la prononcer s’expose naturellement. Demandes d’explications concernant ces épidermes sans rides, ces corps sans vieillesse. Kohaku et William sont très certainement des êtres anormaux, mais, pourquoi, pourquoi le sont-ils ?

« . . . pourquoi tu ne vieillis pas ? »

Éclat de rire, gloussement hystérique.

« Mais bien sûr que je vieillis ! Here. », il tapote sa tempe, visiblement amusé et Ashton abandonne. Pour le moment, pour les cent prochaines années. Quelle importance, au final ? Un jour, il saura, un jour, on lui expliquera tout.

Le reste de la soirée s’égare sur un pan de comptoir, près de la cuisinière, se résume par des mains vagabondes et des lèvres entrouvertes.

Ashton aurait presque souhaité que Lawrence les coince.


- 11 -
– The Cold Comatose : Unknown


« Tu vois cette boîte métallique à tes pieds, honey ? », commence-t-il de sa voix trop sordidement mielleuse, épée de Damoclès dépouillant Ashton de sa raison. Ce dernier hoche de la tête, résigné, son épiderme détaillant les contours d’un tube cylindrique, qui laisse dépasser sa tête. Comment en est-il arrivé à courber sa volonté face à Kohaku, a accepter de lui donner jusqu’à son existence ? Si cette expérience échoue, il mourra, si elle réussi, il se heurtera à une réalité vide de sens. Quoique Maintenant n’a pas nécessairement plus de sens qu’Ailleurs dans cette existence dépourvu d’ambitions et de rêves. Le chemin de Sacha Jr. est déjà tracé pour lui ici, peut-être que là-bas il trouvera son père, trouvera une raison autre que Kohaku d’accepter son état de vivant. La tête lui tourne. Cette institution scientifique risque d’être son tombeau. Et Kohaku, la dernière chose vivante qui franchira son regard. Il sourit. C’est très bien comme ça, non ? Il n’a plus de motivation, plus d’envies, mis à part cet homme translucide qui lui parle, lui explique. Il veut pleurer, il veut rire, il ne sait plus trop. Indéfini. Tout lui parait trop ennuyant. Tout sauf les jeux difformes de son tortionnaire.

Il écoute.

« Elle contient tout ce qui te suivra dans ce futur où tu te retrouvera. Pour que jamais tu n’oublies qui tu es, pourquoi tu es et d’où tu viens. Rappelle-toi éternellement cette dévotion que tu associes à mon image . . . adorable cadeau que je lègue à ce futur qui ne sera pas mien. Les gens commencent à se rendre compte que les aiguilles laissant filer mon temps sont immobiles . . . »

Clignement d’yeux caramel attrapés par l’incertitude. Tout cela n’est qu’un jeu supplémentaire pour lui, n’est-ce pas ? Une maigre contribution à son amusement aliéné. Pourtant, Ashton n’arrive pas à réellement regretter. Il sent les larmes qui lui picorent les globes oculaires, devine l’eau saline qui raye ses joues, se tord intérieurement d’une douleur purement sentimentale, psychologique, mais ne regrette pas. Ou plutôt, il n’a pas la force de regretter. C’est ce qu’il a toujours voulu, toujours cherché. Quelques chose de plus que toute cette simplicité. Par l’intermédiaire de ses questions et de ses soupirs, de toute cette curiosité trop avide et mal placée, c’est comme s’il s’était lui-même infligé son sort. Kohaku va le congeler, va le couper de ce monde à tout jamais, mais . . . comment le blâmer lorsqu’il a octroyé la possibilité à Ashton de refuser ? Alors qu’il a demandé à Ashton ce qu’il serait prêt à faire pour l’avoir, ce dernier à répondu sans la moindre hésitation qu’il oserait n’importe quoi. Réponse suffisante pour que la langue envenimée de Kohaku s’enroule autour de son coup et le dépouille de sa vie. Chess mange son âme, se la délecte et la garde pour lui, le laisse pleurer sans se garder d’en sourire, d’en rire.

Quel horrible personnage. Quel fascinant spécimen.

Bien sûr il ne voit pas la boîte que Joshua range avec lui dans le compartiment cylindrique, son regard flou figé vers l’avant, embrouillé par l’amertume. Il le savait pourtant. Il l’a toujours su. Évidemment, ce n’est que lorsque confronté au terrible visage de la vérité qu’on l’assimile réellement. Il ne tente pas le moindre mot, ce serait futile. Comme tout ce qu’il a fait jusqu’à présent a été futile. Là où il s’est imaginé frivolement une histoire dans les baisers ne résidait qu’usurpation. Et, peu importe ce qu’il fera, où il atterrira, il ne pourra jamais oublier cela. Cicatrice qui forcera ce visage à s’imprégner partout, comme un paysage.

« Aurevoir, fruit de mon labeur, monstre que je laisse en hommage à l’incertain futur sur lequel s’attardait Valentine. Dame la mort ne t’attrapera pas . . . »

Oui. Aurevoir, Adieu. Paroles insensées qui n’ont de sens qu’aux yeux du receveur. Intouchable dans sa prestance transcendante, Roi de son propre univers. Ashton hoquète piteusement, ne réussit pas à étouffer les sanglots qui déchirent sa gorge. Contradictoires. Chess s’avance posément et ferme le cylindre, abaisse le couvercle dans un tintement métallique affreux. Il pianote sur le dispositif s’étendant tout près et enclenche un mécanisme obscur. Incubateur de froid, morgue des vivants. Ashton lit une dernière phrase sur ses lèvres avant d’être engouffré dans noir le plus total. Gelé.

« Ne me déçoit pas, Ashton. »

-

C’est à pas posés que Kohaku Joshua Mitsumasa sort de la firme scientifique abandonné qu’il avait acheté quelques années auparavant. Le bâtiment désaffecté renferme plusieurs expériences incomplètes et appose une couverture boiteuse à l’homme aux antécédents encore plus questionnables. Il descend le petit chemin de gravier menant à son véhicule en pianotant, moue dubitative, un numéro sur son téléphone. La sonnerie familière calme un peu ses ardeurs. De l’acte qu’il vient de commettre, il ne redoute qu’une chose ; la réaction de Lawrence Swanster. Il sait que Carter comprendra, la vieille femme aigre semble toujours comprendre. Mais Swan . . .

La voix de son compagnon blond lui répond, il tressaille. Malgré son sourire.

« Bonjour ! Lawrence Swanster à l’appareil, que puis-je faire pour vous ? »

Le sourire maniaque de Chess s’adoucit et il ricane un brin avant de se lancer dans son demi-monologue, avant de faire appel à de vieux souvenirs chargés d’amertume, avant de discuter de ce surplus d’humanité détestable dont il avait fait preuve. Il ya longtemps. Ses phalanges caressent son sans-fil.

« Swan . . . te souviens-tu du jour où j’ai disparu ? » , il n’attend pas de réponse et continue après une légère pause. Bien sûr que Lawrence se souvient, comment aurait-il pu oublié ? « J’avais tué c’vieux dépravé de Gontrand dans mon propre appartement, m’étant une seconde pris pour Michelle au lieu de Chess. J’étais allé chercher des réponses entre Berri et Honoré-Beaugrand, uniquement pour me faire avaler en envoyé, là-bas. Tu te souviens ? I was so scared, so lost and I had made one huge mistake . . . »

« Oui, je me souviens . . . chaton. »

La voix préalablement enjouée de Lawrence semble plus éteinte, plus grave, mais on y décèle une pointe d’humour. Humour horrible lorsqu’on comprend ce qu’il implique, certes, mais humour quand même. Ne l’avait-il pas surnommé chaton ce jour là ? Joshua ricane à nouveau, idiotement rassuré.

« Bien. Je vais te dire ce que j’aurais dû te dire c’jour là, et tu te doute que c’est parce que j’ai encore fait une grosse connerie . . . »

Il hésite.

« Qu’as-tu fais, Ku ? »

. . .

Moments de silences qui n’égrainent nullement la patience divine de Monsieur Swanster. Kohaku l’imagine parfaitement attendre au bord d’une fenêtre, enroulant une mèche blé autour de l’un de ses longs indexes. Alarmé, mais étrangement calme. Il inspire, puis expire. Il lui dira tout, plus tard, dès que Swan lui aura promis de ne jamais, jamais, l’abandonné.

« . . . j’ai cultivé une graine, une toute petite plante, puis je l’ai envoyé éclore très loin. Mais c'pas important. Je . . . Viens avec moi cette fois, okay ? Viens avec moi, Swan. J’aurais tu de le demander la dernière fois. Viens, okay ? »


- 12 -
– The Unique Awakening : Alan Oliver


This agitation without release, the weight of this love
In the blue sky, light reflects on particles
The world is falling apart, but even so I still love you
A suffocating love that is a crime
I’m such a fool

Froid. J’ai si froid. Il fait si noir. Je ne vois rien. Je n’entends rien. Où suis-je ? Je n’arrive pas à bouger, je n’arrive pas à comprendre. J’ai froid. Tellement, tellement froid. Des échos de voix me parviennent, cristaux auditifs qui me percutent avec rudesse. Je n’ai pas envie d’entendre sa voix, de voir son visage. Les mots qui résonnent sont indéchiffrables, les gens qui les prononces méconnaissables. Je redoute qu’elle lui appartienne. À lui. Je cherche la quiétude du silence et du néant. N’était-ce pas en leur centre solide et frigorifié que je m’étais réfugié auparavant, acceptant sa proposition démentielle comme la mienne ?

Absolument. C’est ce qu’il aurait répondu, ce dantesque personnage.

Il fait terriblement froid. Où suis-je ? Comment suis-je arrivé ici ? Mes sens n’arrivent à me transmettent rien d’autre que des bribes sonores indéfinies, me privant de toutes connaissances en ce qui concerne mon emplacement, en qui touche aux êtres m’entourant. Quoique, ce n’est pas grave, je ne veux pas savoir. Je ne veux pas quitter ce tombeau.

Am I even alive ?

I tried to yell out, but this voice is so weak
No matter how much I raise my voice
It probably still won’t reach you
Before I realize it, dawn is coming already
I can see you whom I can’t reach
Time, please stop.

UNTIL THIS SONG REACH YOU.


-

Encore des voix, plus claires, plus distinctes. Une sensation me tiraillant les bras, un picotement incandescent. J’ouvre les yeux, me voit confronté à une salle piètrement éclairée. Le monde me semble flou. Alien. J’essais de me relever, mais mes muscles ne m’obéissent apparemment pas. Je tourne mes globes oculaires dans leurs orbites, les dirige vers la droite. Deux formes, deux hommes. Incapable de bouger, la panique s’immisce en moi et là où mon sens du toucher se fait moindre, je sens très bien l’appréhension ramper dans mes veines. Je suis impuissant dans cette atmosphère inconnue. Comment suis-je arrivé là ? Ma mémoire défaille un brin, les limbes du sommeil essaient de m’entrainer de nouveau dans leur paisible centre. Je me souviens du sourire de Kohaku, de sa voix perçant mes organes internes, du désarroi, de l’effroi, de l’amertume. Puis plus rien.

Et maintenant ce décor inconnu qui me désoriente un peu plus. Comme si ce n’était pas déjà suffisant. Je tente de me relever. Nouvel échec. J’ai davantage l’impression que mon corps s’est vu parcouru d’un risible spasme. Foireux. Les têtes se tournent vers moi. J’ai peur, j’essais d’ouvrir la bouche.

Quelque chose. Communiquer. Ma gorge me semble poussiéreuse, enduite d’un halo de goudron infranchissable. C’est douloureux, mais je ne peux rester silencieux, je ne peux rester coucher là comme un cadavre, immobile, inerte. Mes paroles se glissent telles du papier sablé hors de mon orifice, syllabes se perdant dans un amas de voyelles indistinctes. Je sens leurs regards sur moi, je devine leurs carrures différentes du coin de l’œil. J’ai froid.

« . . . ho a’e ou ? »

Une quinte de toux haineuse suit ma tentative piètrement fructueuse de parler. J’ai l’impression qu’on m’arrache la peau, qu’on me lacère la gorge. Des larmes me montent certainement aux yeux et le picotement qui lèche mon épiderme me rappelle soudainement une pluie d’aiguilles.

J’ai froid. J’ai mal. Une voix masculine me somme de me calmer et j’entend la porte s’ouvrir, la voix ordonner à quelqu’un d’amener un truc quelconque, des pas délicats marteler le sol jusqu’à moi.

Les limbes me semblent soudainement beaucoup plus tente. La cacophonie, l’overdose de sensations, me semblent assourdissante. Je veux le silence, je veux le rêve. Un paysage opalin et onirique loin du noir. Je veux me réveiller cette fois. Plus tard. Pas maintenant. Même si Maintenant offre peut-être de nouvelles possibilités.

-

Cela fait quelques fois que je me réveille, prisonnier de moi-même avec pour seuls outils des sens défectueux. Toutefois, à chaque réveil, j’ai l’impression d’être un brin plus tangible, un brin plus moi-même. Quelque chose d’autre qu’une coquille. Cette fois, j’arrive à me redresser sans trop de peine, élan de fierté accompagnant le mouvement. Je cligne des yeux. J’arrive à bouger. Depuis combien de temps suis-je ici ? C’est où ici, criss ? Je pianote mes doigts de manière gauche sur ma joue, fasciné par la sensation. J’ai l’impression de retrouver un vieil ami. Vieil ami s’avérant être mon propre corps, la seule chose n’étant pas inconnue dans cette pièce. J’avale la boule qui pèse dans ma gorge. Cette dernière me semble encore un peu irritée. J’ai soif. Un peu froid, aussi.

« Tes affaires sont dans l’armoire juste devant toi. J’ai pris la liberté de lire tes journaux. Ils sont dans un état impressionnant. Bien conservés. »

Je crois que j’ai disloqué mon cou. Élan de surprise ; j’ai tourné ma tête vers une voix soudaine. Une voix qui parle un anglais américain. Peut-être celle de l’une des deux figures que j’ai préalablement remarquées. Je le distingue mieux cette fois. Un homme, comme prédis, un peu . . . pêle-mêle à priori. Cheveux sombres rivalisant presque, presque mais pas tout à fait, avec ceux de William, désordonnés au possible, mais plus courts que ceux de mon oncle. Des lunettes pendues au bout d’un nez fin. Avoir été friand des stéréotypes, je l’aurais catégorisé en tant que ‘Careless Genius’ un peu comme le personnage de cette série manga dinosaure ‘Death Note’. Mais à la place, je ne vois qu’un mec plus âgé que moi, à l’aspect négligé (mais avec une sorte de style indéfini) qui me regarde de manière presque hautaine. Presque hautaine. Je n’aime pas ce regard, mais ne suit dans aucune position de me plaindre. Pour le moment.

Qu’est-ce qu’il a dit au fait . . . ? Mes affaires ? Quelles affaires ? Je détache mon regard de sa silhouette pour le faire vagabonder tout autour. J’attrape la dites armoire de l’œil, lève un sourcil curieux, puis me retourne vers mon interlocuteur. Il a parlé de journaux aussi. Journaux . . . Journaux . . . Ça me dit vaguement quelques choses, mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. J’étais dans un cylindre. Il y avait Kohaku. Et une boîte en métal.

La boîte !

Ma voix se fait rauque, loin de sa constante habituelle. Je sonne comme un itinérant, comme un Hermite revenant des montagnes. Comme si je n’avais pas utilisé ma voix en cent ans.

Quoique c’est peut-être le cas.

« Ce n’est pas moi qui a écrit dans ces journaux. »

Il me sourit. Une sorte de sourire dédaigneux, condescendant. Je ressens l’envie de lui arracher les lèvres et de les mâcher. Ça me défoule. Dans ma tête. Kohaku l’aurait aimé. Il aurait adoré se cambrer contre cette attitude froidement incendiaire. Moi, ça ne fait que m’énerver. Leur sourire est très différent pourtant il arrive à transmettre cette même impression de supériorité distincte. Ça me donne mal au cœur. Il me répond lentement, me prouvant que ma prise de parole s’est avérée vaine. Une voix presque lasse.

« Je sais. C’est consigné, Sacha Ashton. »

J’enfonce mes ongles dans mes paumes fraîches. Si c’est ce type qui m’a tiré de la machine, je suis sérieusement très peu enclin à lui payer une quelconque dette. Pshh. Je tente de me redresser un peu, laissant des couvertures simples glisser le long de mon torse découvert. Je réalise avec une pointe d’embarras mal-placé, qu’on m’a certainement changé, considérant que même si mon corps à survécu au traitement infligé par la machine, mes vêtements n’ont probablement pas eu cette chance. Je déglutis, partagé entre ma consternation et mon dégoût catégorique de l’autre occupant de la pièce. Parfois on déteste des gens sans raison, juste parce qu’ils nous inspirent un mauvais goût. Et bien, qu’il m’ait sauvé ou non; je déteste définitivement cet homme. Ce qu’il dégage, cette atmosphère . . .

Je lui jette un regard féroce, caramel percutant des tréfonds classique.

« T’es qui ? »

Il lève un sourcil dont je discerne à peine l’élévation vu les cheveux qui obscurcissent son front et me toise un instant. Comme si j’étais un insecte. Vulgaire et insignifiant.

« Ton hôte. »

Puis, il sort. Sans rien ajouter.

NAN, MAIS POUR QUI IL SE PREND !?

-

C’est décidé, ce docteur est un taré. Car oui, au bout de ce que j’évalue être une semaine, j’ai réussi, plus ou moins, à connaître son identité, ainsi que les raisons m’ayant amenées ici. C’est l’homme qui m’a trouvé dans l’ancienne institution scientifique, Gardien et Résistant Dannyck Charron, qui a tenté de tout m’expliquer, uniquement pour être coupé par les commentaires concis d’Oliver. Docteur Alan Oliver. Mon hôte du moment. Ugh. Il ferait, à priori, partie d’une caste discrète surnommée la résistance. Je ne comprends pas vraiment en quoi cela consiste précisément, mais ça ne présage rien de bon. Qui dit résistance, dit conflit, et l’idée d’être tombé en plein centre d’une guerre froide ne m’enchante pas vraiment. Surtout qu’à priori, je suis du côté des faibles.

M’enfin je sais maintenant que Dannyck Charron ( J’ai ris. L’homonyme du Styx qui me tire de mes limbes gelées. Ha. Ha. Ha. ), m’a déniché dans un bâtiment désaffecté parmi d’autres créations loufoques et démantelées. Puis, ayant conscience des découvertes impossibles qu’il venait de faire, s’est chargé de me faire transporter jusqu’à l’un des docteurs les plus réputés du monde. J’aurais préféré crécher chez chez lui pourtant. Plus sympathique, plus vivable, moins hautain.

Soit, je suis en réhabilitation dans la clinique d’Alan. Sans frais, considérant que je n’ai pas le moindre sou et qu’on vient de m’extirper d’un sommeil cryogénique. C’est dans cette clinique qu’ils m’ont extirpé de ma catatonie frigorifiée, qu’ils se sont chargés de me rendre à nouveau fonctionnel. Ça me dégoute d’être redevable à ce personnage suintant de dédain, mais les faits sont des faits. Je dois ma vie à Alan Oliver. Pfft. Fuck my life. Aux yeux de Dannyck et du Docteur, je suis, en quelque, sorte une découverte scientifique jamais faites auparavant, une nouveauté inusité, un vestige intouché. L’histoire qu’ils ne connaissent plus, je l’ai vécu. C’est dantesque, exactement comme le sourire de Kohaku. Et la tête me tourne atrocement lorsque j’y pense. Ils ne m’ont toujours pas dit depuis combien de temps j’ai été enfermé dans une boîte, mais ce doit être depuis un sacré moment . . . Je me demande si Jane est toujours vivante, si elle a eu une vie paisible. La vieille Carter doit être morte, elle aussi. Kohaku est sûrement dévasté . . . D’entre les draps de mon lit momentané, je soupire. Et lui, que lui est-il arrivé ? Kohaku . . .

Nouveau soupire. Dans la petite caisse qui m’a accompagné dans mon sommeil se trouvent des souvenirs porteurs d’émotions ambigües, mitigées. En ce moment, j’ai l’une des montres de Lawrence autour du poignet, ainsi que les lunettes, totalement inutiles, de William sur le nez. Un des pendentifs de ma mère repose en dessous de mes clavicules et les vestiges d’une chemise rougeoyante ayant appartenue à mon père entoure mon cou. Un foulard bancal, mais ô combien poignant. J’ai pleuré lorsque j’ai vu ces artefacts, j’ai pleuré pendant des heures à l’idée de ne plus jamais revoir ces êtres chers. Dévasté. Puis, larmes ravageant mes joues, j’ai continué de fouiller la petite caisse, me suis emparée de la peluche à l’effigie d’un chat, uniquement pour la serrer en pleurant de plus bel. C’est une expérience bien particulière que de se rendre compte que nous n’existons plus. Aucun dossier ne datant pas d’une époque antécédente ne porte ma marque. Et bien que des petits cousins ou neveux rampent certainement ci-et-là, je n’ai plus d’attachements autres que sanguin avec eux. Je suis seul avec des breloques tout aussi venimeuses, qu’affectueuses. Pour ne jamais oublier tout cet amour, pour ne jamais délaisser toute cette douleur. Tout ça est submergeant et bien que je sois plus calme à l’instant, le goût âcre de l’amertume m’embaume la gorge. Au fond de la boîte, j’ai trouvé les journaux qu’avait mentionné ce suffisant Docteur. Écriture nette, remarques cinglantes, épopées déstabilisantes ; ces épais manuscrits contenaient tout de Kohaku, toute cette vérité que j’avais toujours désiré connaître.

Pourtant, je n’ai pas osé lire plus loin que la première page. Plus tard. Je découvrirai tout ça plus tard. Pour l’instant, je préfère me concentrer sur mon état physique. Je dois recommencer à bouger indépendamment des autres.

-

Je ne sais pas trop depuis combien de temps je moisi dans cette chambre, ma notion du temps n’ayant pas le moindre repère pour se situer. Il n’y a pas de fenêtre dans cette pièce, je ne peux même pas voir le soleil. Mes doigts tiraillent amèrement le rebord de la courte pointe qui me couvre. J’ai hâte de pouvoir reprendre une certaine forme d’autonomie. Quoique je ne pourrai pas aller bien loin sans identité, sans papier pour prouver mon existence. Oliver ne semble pas pressé de m’en procurer. Je crois qu’il aime bien me garder en tant que souris de laboratoire, trophée inédit de temps passés. Saleté d’érudit . . .

La porte s’ouvre, discrètement, doucement. Je lève les yeux. Mèches d’encre, démarche agile, c’est la fille qui m’amène habituellement à manger. Silencieuse, elle me rappellerait un fantôme si ces yeux verts ne pétillaient pas d’une vie refoulée. Beaucoup plus intense que mon regard désuet, j’en suis certain. Elle tient entre ses mains un plateau contenant l’une de ses crèmes de légumes. On pourrait croire la mixture pâteuse dégoutante, pourtant, elle a un goût plutôt enchantant. Qui qu’elle soit, c’est une bonne cuisinière. Soupir. J’aurais presque préféré qu’elle ne le soit pas. Je n’aurais pas eu besoin de me remémorer Oncle Law à chaque bouchée enfoncée dans ma bouche.

Elle s’installe sur le bord du lit, je la regarde silencieusement, comme à l’accoutumée. Il m’arrive de lui poser des questions, mais celles-ci restent évasives, généralement sans réponses nettes. Au final, ce n’est pas très grave, j’ai l’habitude de stagner sans éclaircissements à mes interrogations. De plus, elle ne me dérange pas, la gamine. Calme, apaisante. J’ouvre la bouche et réceptionne une cuillérée de pâte avant de poser une question. Je sais que nous ne sommes plus en 2038, mais . . . j’ignore complètement combien de temps s’est écoulé depuis ma congélation. Deux jours ? Six mois ? Un an ? Dix ?

« What year are we ? »

Elle m’accorde un regard terne. Peut-être que mes questions récurrentes l’agacent, l’énervent. Je n’en ai que faire. User de mes cordes vocales est l’une des seules distractions que j’ai la permission de m’octroyer.

« I don’t know. You should ask my uncle. »

Je croyais qu’elle était comme moi, une gamine héberger par le docteur au profit de la science. Dans mon for intérieur, ça me rassurait de la percevoir comme une bête de foire, homogène à mon cas. Une vague de solitude mal-placée m’envahit. Je la refoule instantanément. Si il elle a un oncle, cela veut dire que je pourrai peut-être avoir des réponses. Les réponses qu’Oliver s’obstine à ne pas me donner, certainement pour l’amusement que lui procure ma mine déconfite.

« Your uncle ? »

Elle hoche la tête lentement, presque perplexée par ma question. Presque.Toutefois, elle ne commente pas, ne s’attarde pas sur mon manque de connaissances. Soulagement. Je n’ai pas besoin qu’on souligne que je fais tâche dans le décor.

« The Doctor. »

. . . ah. Évidemment. Cela explique certainement pourquoi, mis à part ces deux là ( et Dannyck qui a disparu depuis un moment. Oliver dit ‘rentré chez lui’. D’autant que je sache c’est de l’autre côté de la rue, hein. Rentré chez lui. Nan, mais . . . SÉRIEUSEMENT ALAN ? Ça ne m’était pas DU TOUT passé par la tête ! ) je n’ai croisé personne. Ou plutôt, personne ne s’est aventuré dans ma chambre. Je ne leur trouve pas d’air de famille si ce n’est de leur contenance trop détaché, mais ça m’embête qu’il partage un tel lien. Je la jalouse, je la lamente, c’est dantesque.

Et puis, si son oncle est réellement l’autre taré qui me tient enfermé pour mon ‘propre bien’, je peux dire adieu à la moindre forme de compréhension de ce qui se passe. À jamais.

« Well, le criss de Docteur refuses to give me answers ! »

Elle ne répond pas, semble ignorer mon emportement, solide comme une tour, inébranlable. Kohaku aurait adoré essayer de la pousser à bout, aurait tenté de glisser sa langue dans les confins sombres de sa conscience. Quelle chanceuse, il n’est pas ici pour la tourmenter. Une nouvelle vague de nourriture orangée s’approche. J’ai hâte de manger autre chose que des légumes confis. J’inspire, collectant les bribes de mon calme éparpillées dans la pièce. Je hais tellement cet enfermement forcé . . . mais je ressens encore des picotements douteux dans mes pieds, chatouilles qui me rappellent que je me suis extirper d’un cylindre glacial il n’y a pas assez longtemps. Je ne pourrais pas partir même si je le pouvais.

. . . dire qu’à mon époque, tout ça était cliniquement impossible. Comment Kohaku a-t-il réussi son coup ? En est-il fier ? M’a-t-il oublié ? Probablement. Je mordille ma lèvre, échafaudage d’un souvenir corrompu par le malaise. Reprenons la conversation, basculons dans la réalité. Ou ce que je crois être la réalité.

« . . . Anyway. You’re Oliver’s niece ? It certainly explains why you don’t seem all there . . . »

Bien qu’horriblement directs, mes propos sont dénués de méchanceté. Je l’observe, l’évalue. Elle ne semble pas particulièrement insultée, opinant silencieusement avant de me répondre. Elle a une conscience d’elle-même inouïe, cette fille. En apparence du moins. Un pilier, solide. Elle n’est pas réconfortante comme une peluche en coton, mais plutôt comme une vétérane pleine de certitude. Tout est plus simple lorsqu’elle le dit, j’ai l’impression.
Impression.

« My uncle is a crazy old man. »

Je ris sobrement, trop souvent titillé par l’incandescence de l’esprit d’Oliver pour m’amuser du commentaire autant que je l’aurais fait en d’autres circonstances. Mon sourire est tout de même franc, bref, mais conviant clairement mon amusement. Son expression à elle ne change pas vraiment. Stable.

« . . . Obviously ! D’you know where we are ? »

Je tente de lui retirer l’ustensile des mains, mais, sournoise, elle m’en empêche, esquivant mon avancée d’un mouvement banal. Sourcil levé. Je crois que c’est la première fois que je m’amuse depuis mon réveil. Au dépend de celle qui s’occupe de moi, mais . . . elle ne semble pas trop s’en formaliser. J’essais à nouveau de lui prendre la cuillère, uniquement pour la recevoir dans la bouche.

« In the Michigan. In his clinic. »

J’avale, je frôle l’étouffement.

« Au States ? We’re in the States ? »

J’avais conscience de ne plus être au Québec, mais il y a quelque chose de particulièrement . . . poignant dans le fait de l’entendre clairement. Mon sang se fige, mon regard rencontre le vague, j’ai l’impression que je vais perdre connaissance. Je regarde la nièce d’Oliver, sent mes entrailles se tordent. Un haut de cœur que je masque tant bien que mal.

« Yes. But we don’t call them ‘the States’ anymore. »

Plus les États, plus chez moi. Je déglutis, refuse la bouchée tendue, lui présente une joue plus creusée qu’elle ne devrait l’être. Je ne suis pas encore remis de mon séjour dans le néant, pas encore remis de ce froid qui m’a fragilisé les os. Ma vois se fait tremblotante, incertaine, car je me trouve tellement loin de mon point de départ qu’une hallucination me semblerait certainement plus crédible que toute cette pagaille.

« How long as it been since 2038 ? »

Elle rit. Un rire léger qui rebondit frivolement dans la pièce.

« Okay. You’re that lost. »

Je grimace, blessé. Que croit-elle ? Que j’ai choisi de me retrouver dans ce futur étrange ? Je croyais que j’allais mourir, j’espérais me réveiller en sa compagnie. Je voulais simplement qu’il me regarde vraiment. Rien qu’une fois. Mais . . .

J’ai envie de crier sur cette gamine, l’injurier, car elle devrait être apte à s’imaginer combien il est difficile de se réveiller dans un tout autre univers. Kohaku a perforé les mailles du temps avec ma tête. Et j’ai mal. Tellement, tellement mal. Et je n’ose pas crier, car peut-être que si je me laisse aller à ma frustration, à ce désespoir qui anime mes veines, elle n’osera plus venir me donner à manger, plus me répondre. Je n’aime pas les foules, je n’aime pas particulièrement les gens, mais . . . je ne veux pas être totalement seul non plus.

Et Oliver est une horrible compagnie.

« The last birthday I celebrated was in 2188. »

J’hoquète. Visiblement, lourdement. J’ai passé plus de 150 ans dans un tube de metal. Plus d’un siècle. Une éternité. Je me passé une main dans les cheveux, essaye, sans succès, de calmer les battements erratiques de mon cœur. Je chavire sous son regard limpide. Je communique avec la voix d’un enfant, sans parole recherchées ou métaphores fignolées, je communique au travers d’une épaisse brume de désorientation, de confusion. Pourquoi n’aie-je pas mieux considérer les possibilités s’offrant à moi avant d’accepter d’être encastré dans une machine futuriste ?

Sacha Ashton, tu es un idiot.

« And how old were you ? »

Elle ne rit plus, mais c’est tout comme. Ça résonne, comme de l’écho sur du métal. Mon cœur se tort dans l’anticipation des mots qui vont se glisser hors de ses lèvres. Et j’’attends, j’attends, un court instant, trop long pour mes neurones. Comme l’imbécile désespéré que je suis. Qu’est-ce que j’espère exactement ? Une réfutation complète de ses précédentes affirmations ? Je veux l’entendre me parler du Canada, l’entendre me parler du journal de la semaine passer. En 2040, peut-être ?

« Six or seven years old. Eight, maybe. »

Mes dents s’enfoncent dans ma langue. Toute jeune, à l’époque. Maintenant, elle fait plus vieille. Encore une enfant, mais plus une bambinette de primaire. D’autres années s’ajoutent à un compteur déjà bien trop élevé.

« And now . . . ? »

« Fifteen or sixteen. »

J’ose de nouveau la regarder, abattu. Elle me tend la cuillère qu’elle s’amusait à m’empêcher de saisir, presqu’empathique. Je prends l’outil de fer, toujours flageolant, bercé rudement par les vagues de mes propres craintes. Ça tourne dans mon esprit, je tente d’avaler l’information et un silence ignoble s’installe dans la petite chambre. J’observe la parente de mon détestable hôte qui me fixe. Patiente, stagnante. Quelque chose dans les lignes d’une immobilité souveraine à la déraison.

Après de longues minutes durant lesquelles je joue, destitué de la moindre motivation, avec ma purée, la toute jeune se lève, m’accorde un regard concis. Je suppose que ma mine accablée reflète mon incompréhension, car elle s’explique. C’est sa plus longue phrase depuis notre rencontre.

« Well I have to go hunt tommorrow’s meal. The Doctor wants you to start eating meat again. »

Je cligne des yeux, mes paupières sont lourdes, les jambes me chauffent. Chasser ? Pourquoi doit-elle chasser pour se sustenter ? Le docteur est supposément reconnu, la nourriture ne devrait pas être un problème pour eux. L’argent non plus. Alors . . . pourquoi ? Une pointe d’intérêt se manifeste pour autre que chose pour moi. Je me demande . . . je formule des hypothèses. Et je mangerai de la viande demain.

Soudainement, j’ai l’impression de faire un pas en avant. Perdu, seul, aliéné, mais . . .

I think I’m going to be okay. Somehow.






Dernière édition par S. Ashton Awyer le Sam 3 Nov - 13:42, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Sacha Ashton Awyer Sacha Ashton Awyer  EmptyMar 14 Aoû - 6:48

Frostbitten Requiem to a Forgotten Elegy
Masculin

S. Ashton Awyer

S. Ashton Awyer
FALSE FAIRYTALE



- 13 -
– The World-Ending War : Malovius Anghel


« Donc, récapitulons, je suis coincé dans un trou à rat, près de deux siècles après mon époque, et le monde est en proie à la dictature d’un mégalomane foireux ? Godamn it . . . File-moi le billet de sortie, Docteur. Immédiatement. »

Un livre d’histoire résumant l’ascension des Anghel dans le système politique international repose sur mes genoux lorsqu’Oliver entre dans le petit salon que j’occupe tranquillement. Depuis que j’ai retrouvé plein usage de tous mes membres, que cet affreux picotement a disparu, il y a de cela bientôt huit mois, je vagabonde dans cette clinique plutôt large à la recherche de distractions. La cour est grande, la nature est alléchante, mais mon plus grand intérêt, ici, réside dans les connaissances que les ouvrages historiques du docteur me procurent. Les informations concernant autres choses que la famille de monarques qui domine le monde de son armée de fer se font boiteuses et rares, empreintes d’un halo de mystère qui m’indispose. J’apporte des précisions là où je le peux, les annote avec un stylo à l’encre turquoise, mais . . . environ 150 années demeurent dans une brume insolite. Et je ne peux strictement rien changer à cela. C’est dantesque, digne de Kohaku. En plus ballot, en moins touchant. De plus, le fascisme actuel me dégoûte. Si le système capitaliste de mon époque me paraissait par instants, ces moments où je sondais les raisons confinant mon existence à sa simplicité morbide, ces jours où Kohaku désertait mon esprit, brutal, ce régime impartial m’apparait comme une sanction de mort. Ils vont se détruire, tourner en rond dans les tas poussiéreux qu’engendreront leurs cendres. Ces viles créatures sans scrupule . . .

Ces humains.

Voilà pourquoi je ne peux me soustraire à l’envie d’éblouir Oliver d’une de mes tirades, déposant un œil couleur miel sur sa figure désordonnée, lui envoyant un sourire en coin, goguenard au possible. Tsk ! Évidemment, ce scientifique de malheur, dont l’attitude ne s’est pas particulièrement améliorée avec le temps, ne réagit pas comme je l’aurais voulu. Quoique pour une fois, il semble sincèrement intéressé par mes propos. Une lueur, un je-ne-sais-quoi, lui traverse vivement le regard et il hoche la tête, semble aboutir à une décision fondamentale. But, of course, cet abruti croit que je comprends les moindres variantes de son langage corporel et oral défectueux, imagine le monde, malgré son dédain apparent, sur le même pied mental que lui et se satisfait de me répondre en deux mots. Deux foutus mots sans le moindre impact pour accompagner ce dodelinement de tête banal. Oliver de merde. Hérétique à la con.

Deux vulgaires syllabes. Un pronom et un verbe.

« Je vois. »

Puis, il reste là, immobile, penaud, et je soupire, réprimant un rire. Pour tout le supposé génie contenu dans ce bout d’homme négligé, il fallait bien qu’il n’affiche aucune prédisposition en ce qui concerne les tâches les plus essentielles à sa survie. Il ne sait ni cuisiner, ni s’affairer aux corvées ménagères. Je me demande parfois s’il se lave et s’habille seul. Quoique je ne sais pas trop si je désire réellement laisser ma curiosité remporter cette manche et obtenir des réponses. Alan me fixe toujours, patient. Ou pas, qu’importe. Il attend.

Depuis que sa nièce, Lena, la demoiselle à la crème de légumes, a quitté la maison dans des conditions questionnables toujours enfouies dans l’inexpliqué, il n’y a plus personne pour nourrir les pensionnaires qui viennent parfois temporairement crécher chez le Doc. Et là où je me refuse catégoriquement à faire le ménage des pièces autres celles que j’utilise régulièrement ( c’est-à-dire la salle de bain, la cuisine et ma chambre provisoire-plus-vraiment-provisoire ), j’accepte allègrement de cuisiner pour la maisonnée. Les plats d’Oliver sont infects et je ne veux plus jamais me risquer à en ingurgiter un. Ni d’infliger leur goût atroce aux pauvres âmes qui viennent errer ici. Ne suis-je pas d’une gentillesse divine, huh ?

Passons. Je fiche un bout de papier dans le bouquin avant de me lever, de dépasser Oliver sans la moindre parole supplémentaire. Les déclarations passées des Anghel sautillent toujours dans mon crane.

Des moutons baignés de sang.

-

Ce n’est que quelques jours plus tard que la raison de la lueur, de l’intérêt précédent d’Oliver se manifeste. Plus surprenante et terrible que ma vie en entière ou presque. Rien n’est plus terrible que Kohaku, nul ne peut l’égaler. Et c’est cela, dans un nouvel élan de désorientation dramatique, que je crache au visage du docteur qui à peine quelques secondes avant me débitait des âneries impossibles à la figure. Un projet. Le projet de sa vie. Terra, l’épopée d’une brèche informe vers la possibilité d’un monde verdoyant de vie et de pureté. Il me parle tel un illuminé annonçant la fin du monde, présage le ravage des flammes de la cupidité, pressent le tranchant de la stupidité humaine. Il les déteste, eux, ce groupe, comme Kohaku le détestait. En est-il de même pour l’individu en son centre ? Je ne souhaite pas le savoir, je persiffle contre ses paroles, m’emporte dans une frustration sans détour. Comment ose-t-il se prendre pour dieu, alors qu’il ne comprend strictement rien aux mécanismes de ceux qu’il compte diriger, comment ose-t-il tenter de rivaliser avec Kohaku, s’octroyant un piédestal qui ne lui reviendra jamais ? Un connard d’idéaliste, un mégalomane tout aussi foireux que cette panoplie cataclysmique d’Anghel. Alors que les autres résistants luttent pour leur intégrité, cet égoïste leur usurpe leurs forces potentielles, les envois dans une alternance incertaine. Ailleurs. Et le dynamisme contre-productif de cet idéal me donne envie de vomir sur son sarrau nacré, ce que je fais par l’intermédiaire d’insultes lourdement jetées. Il ose me proposer de me joindre au pilonnier de ce qu’il surnomme, d’une façon horriblement affectueuse, Terra. Affection mal-placée dont l’intention est de se jouer de l’humanité. Toute cette mélodie me semble familière, pleine de discorde et de faux-fuyants. Je grogne, je sermonne, je crie. Je vois du blanc et des prunelles sombres allumées d’arc-en-ciel, je vois un sourire et une sature féline.

Et Oliver qui se la joue grandiose avec son autre planète. Et Oliver qui se la pète royalement avec son cerveau de deux mètres ! C’est probablement là que se trouve la stabilité, la petite Lena, Reine inusitée d’un univers possiblement intouché.
Je vois tant d’images, je ressens tant de haine . . .

. . . Avant de claquer la porte de devant et de courir, courir aussi loin que mes jambes ne peuvent me porter.

-

Des immeubles apparaissent lentement, valsant dans les teintes du métal et de la terre, ternes, ne s’élevant pas trop haut, ne se trouvant pas particulièrement loin de leur prochain. Mon souffle se fait court, mes jambes hurlent de douleur, mon cœur tambourine. L’hystérie ayant animée mes actions s’est évanouie et je me retrouve égaré au beau milieu d’un endroit plus ou moins populeux. Des gens remontent tranquillement le long de la rue que je viens de dévaler, s’engouffrant dans un commerce de travail manuel aléatoire. On ne m’accorde pas vraiment de regards, mais je ne peux refouler la paranoïa qui croît lentement en moi. Bien que plus calme, mon malaise se poursuit et j’observe tous ces gens qu’Oliver déclare perdus. Un souffle agoraphobique me murmure à l’oreille et je bifurque brusquement dans une ruelle exigüe dépaysée. Cela fait si longtemps que je n’ai pas foulé l’extérieur de mes chaussures, un peu plus d’un an.

Non . . . un peu plus de 150 ans. Un haut de cœur, submergeant. Je suis littéralement une momie vivante.

J’appuis mes paumes contre le béton, haletant tout ce mal de cœur qui me dévore les entrailles, inspirant et expirant de manière contenue. Le monde tourne, je n’arrive pas à digérer les élucubrations d’Oliver. Elles me paraissent tellement tirées par les cheveux, sordides et impossibles. Pourtant, le pire dans toute cette histoire, c’est que je n’ai aucune difficulté à croire en ces propos, leur véracité prouvée en partie par ma simple présence dans ce recoin calme de la ville. J’y crois, je ne doute pas en la brèche trouvée. Toutefois, je n’appuis pas la même certitude que Doc-Wannabe-Dieu en l’endroit où elle débouche. Peut-être envoi-il des pauvres gens dans les flammes d’un volcan, sur une planète où ils ne peuvent respirer l’air. Il n’en sait rien et n’a aucun moyen de le savoir. Il ne compte pas sacrifier un seul innocent, mais plutôt des dizaines. . . Il crache sur l’éthique, crache sur la morale.

Comme . . .

« Are you okay, Mister ? »

Je sursaute, vraisemblablement. Un petite frimousse se détache de l’embouchure de la ruelle, mèches blondes encadrant un visage que l’enfance n’a pas encore complètement délaissé. La jupe qu’elle porte est rapiécée et son haut, composé d’un t-shirt blanc cassé et d’une veste d’automne, a certainement vu de meilleurs jours. Elle me fixe curieusement, s’égarant dans l’inquiétude sans afficher le manque de lucidité classique des jeunes filles naïves. Elle se tient à une distance raisonnable de ma personne et guette mes mouvements, pour nos sécurités respectives. Je mets un moment avant de lui répondre, la détaillant d’un regard qu’elle interprète peut-être comme hautain. Ses chaussures rappellent de vieilles converses à la mode ( il arrivait parfois à Kohaku d’en porter ) et je m’adoucis instantanément à leur vue. Je toussote, inconfortable. Toujours tourmenté.

« Uh . . . Yes. Yes, I am. »

Elle me semble dubitative, pinçant enfantinement ses lèvres dans une moue affichant son doute.

« Are you sure ? You look really shocked. »

Je glisse une main dans ma tignasse, notant distraitement qu’une coupe ne me ferait pas de mal, avant de hocher de la tête en sa direction. Je redresse ma posture en une ébauche plus acceptable, lissant la courbe apparue au fil de mes mois d’enfermement, raffermissant ce regard divaguant qu’à causer Oliver.

« I assure you. »

Pourtant, elle ne semble toujours pas convaincue et esquisse quelques piétinements de souris dans ma direction. Elle me sourit, compatissante et la simple vue d’une expression si pure et vide de malice me donne envie de pleurer. Bien évidemment, je ne succombe pas à l’appel odieux des larmes, me contentant de lui rendre un sourire maladroit, d’enregistrer sa vaillance dans ma mémoire.

« I can help. Will you let me ? »

C’est la première personne qui me demande mon avis sur la question, ne m’imposant pas la moindre action que je n’aurai pas eu l’initiative d’accepter préalablement et rien que pour cela, je lui suis incroyablement reconnaissant. Cette adolescente me rappelle vaguement tante Anita. Elles ont une coupe de cheveux semblable.

-

Nous n’avons pas reparlé de Terra, nous n’avons pas abordé ma balade dans ville non plus. Ce qui s’est passé cette journée là est voilé dans les cris et les regrets. Mieux vaut laisser tout ça enfoui dans un coin oublié, notre cohabitation déjà rocailleuse n’a nul besoin de l’être davantage. Une liberté d’action et de pensées mutuelle nous profite beaucoup. Maintenant, Oliver me laisse filer dans la conurbation lorsque bon me semble et j’ai tout le loisir du monde d’aller vagabonder en compagnie de ma jeune guide, Mathaëlle Offsbourg. Débrouillarde, dévouée et armée d’un cœur d’or, cette gamine m’apprend tout ce que j’ai à savoir sur la vie quotidienne que vivent les gens normaux. Bien que très maternelle et constamment en train de chercher une raison de me couver ( elle m’évoquerait presqu’Alexander si elle se montrait un tantinet plus humoristique et bavarde ), elle ne se montre que très rarement indiscrète. Nous ne parlons pas de nos vies respectives et me connaissons rien d’autre que nos noms et ce que nos sens veulent bien nous dévoiler. C’est très bien de cette manière, je peux m’échapper loin de l’oppression de la clinique de Doc-Jésus-Christ et réapprendre à vivre. En temps normal, j’aurais certainement trouvé gênant de passer autant de temps avec une gamine plus jeune que moi, mais . . . ici, je n’ai absolument et strictement rien à cirer. Bravo les commérages, bravo les rumeurs. Comment puis-je me laisser atteindre par de telles idioties lorsqu’on m’a pris mon existence, lorsque j’ai plus d’un siècle d’âge temporel ?

Depuis cette rencontre, je tente de réaffirmer ma tangibilité par l’intermédiaire du même médium que Kohaku employait. Je réalise qu’en faisant cela, je ne fais que m’enfoncer plus profondément dans le venin de son ombre, mais . . . écrire soulage, écrire éclaire, ce faisant, je poursuis son dernier journal des courbes de mes lettres et planifie remplir d’autres acquisitions récentes. C’est précisément ce à quoi je m’adonne présentement, je consigne mon passé, mes appréhensions, me décrit exhaustivement. Pour ne pas oublier, pour ne pas perdre de vue ce qui m’a mené ici.

. . . exactement comme il le souhaitait.

Oliver entre dans ma chambre, ses chaussure atroces, le pire échafaudage plantaire jamais vu, un beige douteux côtoyant des lacets et une fermeture éclair ( et je soupçonne des adhésif de se cacher quelque part dans le textile ), claquant sans trop de bruit sur le plancher. Je ne m’attarde pas sur sa présence avant qu’il ne vienne perturber ma rédaction, s’aventurant trop près de ma forme, me forçant à remarquer l’objet qui balance dans ses mains serrées. Il me toise un long moment qui lui vaut une élévation de sourcil de ma part. Que veux-tu Docteur Dieu ?

Reprise de mouvements. Il jette un regard curieux sur mes textes, puis dépose un miroir sur le coin du bureau, un vestige de métal qu’il envoi vers moi avec une lenteur exagérée. Calculée.

« N’oublies pas ton reflet, Ashton. »

Oh, l’ironie. Le Ashton qui me regarde est fendu en deux, séparée par une craquelure qui enlaidie ma structure faciale. Quel drôle de message Alan tente-t-il de me communiquer cette fois ?



- 14 -
– The Burdened Legacy : Ashton


Je sens la peluche me glisser hors des mains, regarde la petite demoiselle qui s’en empare, doigts frétillants de nervosité. Je lui lance un sourire, incertain, brisé. Je l’aime bien cette petite, moi. Mais elle ne peut pas m’accompagner là où je m’en vais. Elle existe, elle. N’est-ce pas ? Mathaëlle a la place que j’ai perdue lors de ma cryogénisation. Bien sûr, si j’y mettais un peu du miens, je pourrais sans aucune doute me recréer une existence un tant soit peu digne, mais . . . Les mêmes méandres reviendraient me hanter et sa voix continuerait de résonner. Je veux voir plus loin que les confinements imposés de la société, plus loin que les remparts érigés par l’homme. Je ne veux pas d’un but limité et préconçu, ni d’un chemin tout tracé dans la richesse et l’argent, dans la pauvreté et l’affection. Oliver peut peut-être, malgré sa vision foireuse des choses, m’offrir ce que je désire et, dans tous les cas, il me propose une option à laquelle très peu d’autres auront accès. J’ai navigué trop loin, à travers trop de dédalles impossible pour ne pas me rendre jusqu’au bout. Jusqu’au bout de tout.

Mathaëlle resserre son foulard effiloché autour de son cou, force un sourire et un malaise me prend à l’idée de le lui arracher. Rien qu’à la regarder, on sait qu’elle ne mène pas une vie de luxure, une vie facile où tout lui est donné. Ma disparition soudaine aura certainement un plus gros impact sur son moral que la sienne sur le mien. Nos expériences sont visiblement différentes . . .

« You’re really leaving ? »

J’ai mentionné le projet Terra lors de notre avant-dernière rencontre, lui ai parlé de l’Eden incomparable qui m’attendait sans entrer dans les détails. Je devais me confier à quelqu’un, en parler pour véritablement assimiler la réalité qui m’attendait. Elle sait que je quitte supposément le pays pour une excursion sponsorisée par des gens pour qui il est préférable de demeurer dans l’ombre. Je n’ai jamais autant apprécié sa faculté à ne pas poser de question avant cet instant, alors que ces prunelles orageuses me dévoraient d’un regard plein d’inquiétude. Depuis le départ de la silencieuse nièce du Doc, je n’ai pas eu de contact un tant soit peu . . . chaleureux et là où l’absence de cette petite ne me tourmentera pas tout le reste de mon existence, je ne peux m’empêcher de songer aux vides diverses que laisseront les absences de nos randonnées et conversations. Mathaëlle va me manquer.

Mon amie serre le chat en tissu contre sa poitrine, glisse le bout de ses doigts dans les replis cotonneux de la bête synthétique. Je vois les larmes qui scintillent dans son regard. Après tout, cela fait bientôt six mois que notre relation de compréhension à cahoteusement débuté. La tristesse est compréhensible. Je tapote sa joue de l’extrémité de ma main et l’enveloppe dans une courte étreinte, chaste, mais nécessaire. Bonne continuation, petite chérie.

« Yes. You’ll take good care of yourself, right ? »

Je me sépare d’elle et tourne les talons, lui envoyant la main, la tête à-demi tournée, une lueur décidée éclairant ma route.

En route vers mon avenir.

-

« Je . . . »

Rares sont les fois où j’ai pénétré dans le domaine privé d’Oliver sans permission, sans rendez-vous médical préalable ou hargne en cours d’éruption. À vrai dire, je ne suis jamais allé le voir en proie à une telle nervosité. Il me fixe d’au travers de ses lentilles, cheveux en bourrasque, tel un oiseau de proie entament notre énième joute de regards. Habituellement, c’est un événement quelconque qui vient sectionner nos joutes, mais cette fois, je détourne les yeux de mon plein gré. Il me demande ce que je veux et pourquoi je viens le déranger dans sa paperasse. J’ai envie de rire, je ferme les yeux, uniquement pour mieux les ré-ouvrir quelques secondes plus tard. J’ai l’intention de voir son expression lorsque je lui annoncerai la nouvelle, en l’honneur de tous ces vestiges qui ont moisis derrière. J’inspire profondément, la tension s’immisçant dans ma moelle osseuse.

« Je veux faire parti du Projet Terra. »

Un bruit innommable s’extirpe de sa gorge, comme une sorte de hoquet de surprise muté et contenu. Ses sourcils se perdent derrière l’océan hirsute et violent de ses cheveux, sa bouche prend l’aspect comique d’une balle de golfe, alors qu’il cligne des yeux répétitivement tentant visiblement d’en terminer avec un rêve incongru. Je ne l’ai jamais vu si expressif. Bien que je sache que ça ne durera pas, je profite de son bris cérébral momentané, victorieux.

Heh. La tronche qu’il tire vaut tout l’or du monde.

Et il ne s’agit que d’une question de temps avant que mon navire futuriste ne m’emmène vers de nouveaux horizons.

Things, maybe, are looking up.

-

Je ne suis plus trop certain que ce soit réellement ce que je désire, mais il me semble que l’option ‘reculer’ ait été détruite lorsque j’ai annoncé mon intention de prendre part à son projet de fou à Oliver. Depuis quelques semaines, j’ai pratiquement passée toutes mes heures éveillées en sa compagnie en me faire labourer le crâne de guide de survie comprimé à la vitesse du son. Overdose d’Oliver much ? Si une chose ne me manquera pas, ce sont bien ses manières de primate surévolué accouplées à ses lubies étranges. Mais tout de même . . . je pense à Mathaël, à Dannyck, aux habitudes que je me suis faite ici pendant les deux dernières années. J’ai horriblement peur de ce qui m’attend, du dénouement de cette situation. J’ai conscience des raisons qui m’ont poussé à me rendre jusque là et jamais je ne les réfuterai, mais . . . mais . . .

J’aimerais qu’on me donne un signe, qu’on me rassure. Il n’y a pas de retour en arrière et je ne suis pas certain d’être réellement prêt à assumer cela. Mon sac de cuir animal pendouille sur mon épaule, le pendentif de ma mère réchauffe ma clavicule droite, le vêtement de mon père repose sur mes épaules, la montre de Swan me rappelle le moment de ma première mort et les lunettes de Will me donnent de la perspective. Oncle William était toujours calme, alors . . . alors . . . qu’aurait-il fait ? Il aurait pesé le pour et le contre. Je n’aurai pas à subir le régime des Anghel, à entendre les histoires de des gens traités tels des animaux, je forgerai un avenir libre de toutes contraintes, je m’opposerai aux désirs initiaux de Kohaku sans le décevoir, je deviendrai ma propre existence. . . Inspiration. Une lumière diffuse émerge autour de moi.

Je suis prêt, je suis prêt, je suis prêt.

Le visage d’Oliver se dessiner dans l’éclat incandescent sorti de nulle-part. La lumière s’épaissi et malgré l’aveuglement je garde les yeux largement ouverts pour ne pas perdre une seconde du dernier paysage que j’observerai sur terre. Ses cheveux, ses yeux, son nez, sa bouche, sa mâchoires, ses lunettes, ses horribles chaussures, son sarrau blanc. Alan Oliver, pseudo-créateur et destructeur d’une nouvelle ère, d’un nouveau territoire. Celui qui aura tenté d’être Dieu uniquement pour s’effondrer dans la terre de ses remords. Du moins . . . du moins . . . Moi, je ne vénérerai jamais un tel homme. Cupide, dans cet hérétisme scientifique, dans cette soif d’actualisation indépendante. Effroyable que ce soit lui la dernière personne que je côtoierai en territoire terrestre. Danstesque. Pourtant . . . ce n’aurait pas pu être autrement. Je lui hurle de ne pas m’oublier, je lui crie de faire attention, la lumière perfore mon regard de sa blancheur, une odeur d’herbe me titille les narines. La voix d’Oliver me parvient tel un murmure se superposant à ma première expérience du genre.

« Bonne chance. »

« Ne me déçoit pas, Little Tree. ~ »

J’oserais presque dire avoir aperçu Kohaku dans l’espace temps baigné de lumière me faisant basculer, mais c’est absolument impossible. Je plisse les paupières, la lumière me fait mal, Alan n’est plus présent et le rire de mes pires fantasmes gambadent autour de moi, m’enveloppe. De nouvelles sensations fraîches et inquiétantes explosent mon épiderme, la peur me ravage les nerfs. Vais-je mourir ?

Une brise légère, une chaleur apaisante, des aiguilles doucereuses attaquant mes bras.

J’ouvre les yeux.



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Sacha Ashton Awyer

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