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n m'a raconté qu'à ma naissance, le monde était d'ores et déjà gris et que le peuple de ce monde ne vivait pas réellement. Tous étaient menés d'une poigne de fer et tous menaient une vie paisible à condition de rester soumis à l'état et à son régime dictatorial. Le monde entier vivait sous un régime des plus déments et notre Écosse y échappait à peine. Un jour, l'air fut frais et il fut bon vivre or, jamais je n'aurais la chance de savoir ce que vivre réellement signifie. Je ne saurai jamais ce que la liberté fut et ce qu'elle pourrait être. Ma liberté se limitait à travailler pour la nation et à aider mon paternel à s'occuper de la serre. Il était ce que l'on peut appeler botaniste. J'étais la cadette d'une famille de trois et, de surcroît, la seule fille. Au grand dam de mes frères et de mes parents, j'étais la plus fragile d'entre eux physiquement, mais, ô, que j'enregistrais tout ce que l'on m'enseignait rapidement!
On m'a raconté qu'à ma naissance, le monde était d'ores et déjà gris et que le peuple de ce monde ne vivait pas réellement. À la suite de ma naissance, ma mère tomba gravement malade et malgré les nombreuses connaissances botaniques de mon père, il lui fut impossible de la sauver. J'avais alors un an et plus que trois êtres chers sur qui compter. Cependant, les premières années de ma vie ne furent pas une bénédiction puisque, au grand dam de tous, j’étais une malade chronique. On eut dit que je canalisais les maux de la société dans laquelle nous vivions tant ma santé provoquait sans relâche la peur de mes proches.
Le soir de mes quinze ans, le froid du nord faisait déjà écho dans les montagnes de mon Écosse natale. J'avais fui les murs chauds et douillets de la demeure familiale, pour une balade dans la forêt jouxtant le village, afin de m'éclipser discrètement tandis que mes deux frères ainés se querellaient à propos je ne-savais-quoi encore. Il était rare qu'il me soit permis de quitter notre demeure étant donné ma santé précaire, mais il n'y avait pas un meilleur moment que celui-ci pour fuir la réalité morose. Ces promenades me revigoraient l'esprit et me permettait de rêvasser, action bannit du commun des mortels depuis le début du régime Anghel. Il fallait dire que mes problèmes de santé ne laissaient pas place à beaucoup d’autres activités que d’étudier la profession de mon père ou de me reposer.
Malgré le froid de la brise, je me sentais réconfortée par le calme serein de mes montagnes. La nuit était belle et le sifflement du vent était une musique à mes oreilles qui avait subi le tintamarre habituel des mercredis soir. Je marchai, regardant les étoiles. Ces jolies étoiles, si blanches et minuscules. Elles brillaient, elles étaient là-haut et veillait sur le monde tout entier. Elles me regardaient perchées dans le ciel nocturne et elle me calmait. Enfin, je pouvais me tenir debout et avoir une minute pour moi seule loin de tout. En cet instant, le monde semblait être à mes pieds et le firmament à ma portée. J’aimais le rêve, j’aimais le saisir du bout des doigts et m’immerger dans ce que j’appelais mon univers. Ce monde bien à moi était à la limite du psychédélique où arômes, sons et couleurs s’entremêlaient. C`était, en quelque sorte, mon jardin secret. Le soir de mes quinze ans allait chambouler mon univers.
Lorsque je revins de mon escapade, mon père était mort d’inquiétude et pourtant, je n’avais été absente qu’une courte heure. Lorsque je m’étais éclipsée, il avait tôt fait de repérer ce qu'il manquait à la maisonnée : ma présence. Il n’était pas fou de rage, mais m’expliqua que je n’avais aucun droit de partir ainsi sans être accompagnée de lui ou de l’un de mes frères. Il me punit et m’enferma dans ma chambre quelques jours pour réfléchir aux conséquences de mes actes. Je ne fis que lire et détailler, dans mon cahier de dessin, la faune de mes montagnes. Ce que je ne savais pas, c’est que le jour où il me libérerait, nous devions nous envoler pour les États-Unis afin de participer à des recherches.
Nous étions partis tôt en matinée, car, disait-il, quelqu'un d’important nous y attendait et, ajoutait-il, il changerait nos vies. « Tu verras ma libellule, on ne sera pas plus mal parmi eux.» Il m'avait priée, pendant le vol, de soigner ma personne : nous allions à une rencontre concernant notre nouvelle vie. Jamais il ne me signifia que nous nous rendions chez l'un des membres de la résistance et l'on me dit encore moins que celui-ci n'était nul autre que le Dr Oliver. Le docteur avait toujours été un ami depuis ma naissance (mon père l'avait connu sur le lit de mort de ma mère).
Mon père aida le Dr Oliver à élaborer des calculs permettant une soi-disant prévision de la flore de Terra selon le climat et les probabilités déjà trouvées et il l,aidait dans la préparation des départs des colonisateurs du Nouveau Monde. De plus, sous sa couverture, il était désormais un des assistants en chef du docteur. Il devait aussi être prêt, d'ici un an, à partir pour Terra puisque le docteur avait besoin d'un homme de son gabarit ayant une capacité extraordinaire à identifier les plantes et leurs caractéristiques. Cependant, lors d'un voyage à l'extérieur sous sa couverture de recherchiste dans l'un des laboratoires de la nation, il contracta un virus expérimental et en succomba sans que son bon ami Alan puisse le sauver. En Amérique, j'étais désormais orpheline. Je passai alors tout mon temps enfermée dans les quartiers de mon père, enfermée dans ma tête. Je refusai de manger ou même de parler à qui que ce soit. Je m'affaiblissais, mais le Dr Oliver se refusa à perdre la fille d'un ami qui lui avait été aussi cher et, de plus, il se refusait à perdre une botaniste aussi douée. Oui, j'avais hérité du talent paternel en botanique. J'avais même hérité de sa passion débordante des plantes. Ce ne fut que le lundi de la deuxième semaine qu'il me vît enfin manger convenablement alors que je n'avais aucun désir d'exister encore. Je n'eus, à la nouvelle du décès de mon père, qu'une envie : avoir été la défunte.
Un jour, je fus promptement rétablie et Dr Oliver m'arracha de la chambre de mon père. Je ne saurai pas dire, outre que l'annonce qu'il avait un dessein bien plus intéressant pour moi que de me laisser moisir dans cette chambre, ce qui m'avait transformée. Depuis la mort de mon père, deux mois s'étaient écoulés et il était temps de me renseigner adéquatement sur terra. Il m'enseigna ce que je devais savoir, me conseilla fortement de lire les carnets de mon père et puis, une bonne journée il décida que j'étais fin prête.