Mon histoire
War, kid, war never changes, so you might as well keep walking.
You can bawl and cry, but the world ain't stopping. If you don't stand up, you might as well be dead.
Snow... Snow... Always more snow...
Il marche. Il n'a plus d'eau. Plus de nourriture. Ses jambes tremblent sous son poids.
Il ne va nulle part. N'attend personne. Sous son manteau, un livre. Dans sa main, un souvenir.
La faim, la soif, la douleur attaquent ses souvenirs, pourtant toujours si vifs...
"
W-...Who are you!? Get out! Get out! Silvio! Get this man out of our house! Silvio!!"
Un jour, son père était parti. Comme tous les matins, il avait quitté la cabane. Mais l'enfant savait. Il savait.
Where are you going?
Hunting son... I'll be back soon, like usual...
Ce soir là, personne n'était rentré.
L'enfant avait attendu. Toute la journée. Toute la nuit. Assis devant la porte, guettant le moindre son. La cabane était loin, loin de tout... Il se souvenait de l'expression de papa. Souriante, mais fausse. Ses yeux l'avaient trahi. Une expression de dégoût, mais surtout de terreur. La légère accélération dans sa voix...
I'll be back soon, he said.Personne n'était rentré.
Le feu s'était éteint. La soleil s'était levé.
Personne n'était rentré.
Il n'avait pas pleuré. Il savait. Il avait attendu, mais il savait. Son père était parti. Son père ne reviendrait pas. Pas cette fois. Un peu plus loin, en haut des marches, la voix faible de sa mère. Il hésita, mais se leva. Alla jusqu'à son chevet.
Silvio... Silvio... Where are you...? Silvio...?
He'll be back soon, mom. I'll go get him.
...Bon garçon...
Il avait 9 ans.
Il avait quitté la maison. Il savait chasser. Son père lui avait appris. Il pouvait le faire. Même sans aide, il pouvait. Il devait. Parce que plus personne d'autre ne le ferait.
Il s'apprit lui même comment nourrir sa famille. Comment trouver. Comment traquer. Comment tuer. Comment rentrer. Comment apprêter. Ce fut difficile, mais il apprit. Il devint meilleur. Bien meilleur. L'expérience, au fil des mois, lui donna de l'assurance. Tous les matins, il partait. Tous les soirs. Il cuisinait.
Where's your dad, son...?
I saw him, today mom. He'll be back soon. He's coming home.
Bien... Bien...
Il aurait pu lui dire la vérité, mais il n'en fit rien. Même si il l'avait fait, elle ne s'en serait pas souvenu. C'est ce que papa disait toujours.
Des fois, des gens passaient. Des coureurs des bois, des trappeurs. Il avait appris à les connaître. Il avait appris à échanger. Il avait appris à se défendre.
Les mois passèrent, puis une année. Ses seuls compagnons la nature, une mère qui ne répondait pas, et un livre. Ce livre, il l'avait lu, lu, et relu. Chaque page, chaque phrase... Imbriquée à jamais dans sa mémoire.
"
I'm sorry mom... I shouldn't have left I... mom?"
Avec le temps, il était devenu plus fort, plus habile. La chasse, la traque, désormais ne l'effrayaient plus. C'était devenu un jeu. Et il gagnait. Il gagnait toujours. Silencieusement, il s'approchait, murmurait quelques mots, et abattait. Il ramenait plus de viande. Faisait des repas plus gros.
Il avait 11 ans.
L'état de sa mère, lui, se détériorait. Des fois, elle ne disait rien. Elle regardait, dans le vide. Prenait du temps avant de le reconnaître. Il s'efforçait de faire comme si de rien était. Quand elle n'arrivait plus à tenir sa fourchette, il le faisait pour elle. Il avait demandé de l'aide, mais on ne pouvait pas lui en donner. Chaque jour, de pire en pire. Chaque jour, il endurait. S'échappant dans la chasse et la lecture, il survivait. Jusqu'à une certaine journée...
"Don... Don't touch me... I... I have no son! NO! Leave! Silvio-"
As she backed off... She fell. Right through the window. She fell. And as the glass, her bones broke. He panicked. He looked. There she lay, dead.
She wasn't coming back either.
...
.....
......
Il entend du bruit. Sa tête tourne. Un animal, peut être. Mais même si s'en est un, il ne peut pas l'attraper. Pas comme ça. C'est trop tard.
Il n'avait pas pu la sauver. Comme son père, il avait échouer. Lâchement, il avait fui, comme si la distance pouvait effacer son pêcher. Il serra son livre... Cette fois, il n'avait plus pour lui de réponse. La bible ne le sortirait pas de cette impasse.
Il s'arrête. Il cherche la source du bruit. Il ne trouve pas. Les sons se clarifient. Ce sont des pas. Ils s'approchent. Qui cela peut-il être, ici, au milieu de nulle part? Il est fatigué. Il abandonne. Dans la neige, il s'écrase.
Un homme s'approche. Il a l'air vieux, bâti très solidement. Son long manteau traîne dans la neige, laissant derrière lui de feintes gouttelettes rouges. Dans sa main droite, un revolver. Il plisse des yeux, voyant le gamin s'effondrer. Il range son arme. Il est désormais au dessus du corps inconscient du garçon, debout de toute sa hauteur.
"Dear lord kid... What the hell happened to you?"
Il le monte sur son épaule, et repartit en direction de son transport.
That night, many corpses could be found in the icy canadian wasteland. The Kid wasn't one of them.
****
Mission: Clair de la Lune
Paris, hiver d'une certaine année. La froide saison n'est plus ce qu'elle a été; dehors, les gens s'habillent léger. Il fait nuit, le ciel arbore un ciel noir, sans étoiles, sans lune, cachées par l'obscurité des nuages et l'éclat des lumières de la ville de l'amour - titre d'ailleurs, qu'elle ne mérite probablement plus. Les rues pullulent de gens, mais commencent à se vider, plus la nuit s'avance et le couvre feu s'approche.
Le décor demeure splendide, les rues brillantes et illuminées, la tour Eiffel grandiose, et les quelques énormes bâtiments non trop communs, et non sans charmes. C'était là les réflexions d'une femme. Solitaire, elle était assise dans un fauteuil du lounge d'un hôtel. Elle était loin d'y être seule, pourtant. L'endroit était aussi spacieux que rempli; des hommes pour la plupart, bien habillés de surcroît, sans doutes avec un minimum de pouvoir, et en face d'elle, un autre fauteuil, vide. Elle attirait toutefois les regards, et les retournait sans hésitations. Des rougissements, des sourires, des hochements de tête hâtifs... mais personne n'allait jusqu'au bout. Personne ne faisait le pas jusqu'à la seconde place.
Elle y était habituée désormais, et ce n'était pas sans l'amuser. Il y avait en elle quelque chose d'intimidant, tout aussi attirant que terrifiant. Était-ce son physique, grande, mince, accentuée à tous les endroits recherchés, ou bien son visage, les traits fins, sans une ride, maquillée à la perfection, sans abus ni masque, mettant en valeur chaque subtilité de son apparence. Peut-être ses cheveux, professionnellement coiffés, mi-longs, bruns presque blonds; peut être sa tenue, provocatrice sans plus, exposant ses jambes, son dos, et une peau pratiquement immaculée. Peut-être toutes ses choses, et l'air d'assurance infatigable, arrogant, menaçant. Elle savait; elle connaissait ses atouts, et savait comment exciter la curiosité, le désir... mais pas seulement.
Ainsi elle lisait, souriait, et patientait. Sans attentes, au cas où quelque événement hors du commun surviendrait, comme ils survenaient parfois. Du coin de l’œil, entre deux pages, elle entrevit un homme s'approcher. Se mordant un peu la lèvre en anticipation, elle tourna la tête vers lui, pleine d'attentes. Il était vieux, et portait de petites lunettes rondes. Déçue en reconnaissant le barman, elle replongea le nez dans son livre.
Un verre fut posé sur la table. Curieuse à nouveau, elle posa les yeux sur le contenu rouge qui venait de lui être apporté. Elle entreouvrit ses lèvres pour parler, mais le vieil homme pris la parole en premier.
"My fair Lady, Madame. Du jeune homme, là-bas."
Elle tenta de voir ou il pointait. Ses yeux croisèrent les siens. Son cœur se serra une seconde.
L'homme, tacite, plongea lui aussi son regard dans le sien. Ses yeux étaient calmes, froids, mais ne cachaient aucune malice. Son visage plutôt foncé était illisible. Il lui leva son verre, et avala son bourbon d'un trait. Il le reposa étonnamment délicatement sur le comptoir, pour un homme d'une stature et carrure aussi massive. Sans un mot, il quitta le lounge, le pas lent, et sans un son.
Figée, les yeux brillants, la femme le suivit du regard jusqu'à la sortie, mordillant le coin de sa lèvre. Après plusieurs secondes, elle retourna son attention sur le barman.
"Que pouvez-vous me dire sur lui?"
Il esquissa un sourire.
"Rien que ce verre ne puisse-vous dire, Madame."
Il s'en retourna à son poste. Ahurie, elle fixa le cocktail, intensément rouge. En le soulevant, elle constata un petit morceau de papier, posé juste en dessous. Elle le lit.
Son expression s'illumina un peu. Elle ferma son livre. Paisible, perdue dans la rêverie, elle sirotait la boisson, en savourant chaque gorgée.
La Dièse; 221 rue Anghel
Je vous attend, my Fair Lady.
***
Knock. Knock. Knock.
"Ah! Oui! Entrez entrez! Monsieur Jaeger, je présume?"
L'homme penche un peu la tête, pénètre dans le bureau. Bien décoré. Riche. L'interlocuteur est un homme puissant. Très puissant. Mais pas aussi puissant qu'il voudrait le faire croire. Trop de superflu. Trop de tape-à-l'œil.
"
Agent Eleven, Jaeger division, monsieur."
Il incline la tête en signe de respect. Il s'approche au niveau du bureau. Il y a une chaise. Il ne s'assoit pas.
" Bien, bien... Votre réputation vous précède vous savez? Ce qu'il vous manque en expérience... vous l'avez en entrainement. C'est pour ça que nous vous avons sélectionnez pour cette opération."
L'homme s'incline encore une fois.
"J'apprécie votre confiance, monsieur..."
"
Pierrot. Vous pouvez m'appelez ainsi durant notre courte... collaboration. Ne perdons pas de temps. Bienvenue à Paris."
L'interlocuteur jette sur le bureau un dossier.
"Tout ce que je vous dirai à partir de maintenant ne quittera jamais cette pièce. Cette opération est délicate, agent Eleven. Vous n'avez pas droit à l'erreur."
L'homme hoche la tête, et soulève lentement le document. D'une voix calme, et ferme, il en lit le titre.
"...Clair de la Lune."
***
"... Hey. Tu m'entends gamin? Kid? Ya hear me, Kid? Wakin' up anytime soon?"
Il est réveillé. Il respire. Ces yeux restent fermés. Il respire. Il réfléchit. Il n'est pas prêt. Ses paupières ne bougent pas. Il n'a pas encore posé les yeux sur l'homme qui lui parle. Sa voix est grave, rauque. Ses mots semblent résonner à travers toute la pièce. Ses paroles sont informelles, son ton calme et posé.
Le gamin lui-même est assis sur une chaise. Ses pieds touchent le sol. Pierre brute. Il sent la lumière sur son visage. Il fait certainement nuit. Probablement le clair de lune. Ou alors une fenêtre. Sur son dos, des vêtements qu'il ne reconnaissait pas au touché. Il avait soif, il avait faim, mais pas autant qu'avant. On l'avait certainement nourri.
"I haven't got all night. Réveille-toi, gamin. Tu comprends ce que je dis? Wake the fuck up, kid."
Du bruit, un frottement. Des pas. L'homme c'est assis, en face de lui. 3 mètres probablement. Chaise en bois sûrement, comme la sienne. Puis le silence. Il attend. Le gamin est satisfait. Confiant d'avoir tiré ce qu'il pouvait de la situation, il se redresse. Lentement, il ouvre les yeux, les plantant directement dans ceux de son interlocuteur. Son regard est terne. Ses pupilles inertes. Ses iris sans vie. Son expression sans volonté. Il ne brise pas le silence. Il hoche la tête.
"Ah... Bien, bien. Il comprend. Glad we understand each other, kid. T'es quelque chose, tu sais?"
L'homme se penche vers l'avant. Il semble âgé et jeune à la fois. La carrure et la vitalité d'un homme dans la force de l'âge, mais le visage ravagé par l'expérience. Il sourit, il semble heureux. Cependant, un je-ne-sais-quoi de très perturbant rendait l'homme très loin d'être rassurant.
Soudain, il se mit à applaudir avec beaucoup de forces. Ses mains étaient larges, sa peau épaisse et couverte de cicatrices. Il rit.
"Bien! Bien!! Très bien! These eyes, son... These eyes! You're EXACTLY what I've been looking for. No joy. No love. Yet... at the same time... No hatred. C'est ça gamin, c'est exactement ça!... The eyes of a killer."
Il ne répond rien, se contente d'observer l'homme. Il ne détourne pas son regard une seconde. Il savait désormais ce qu'il y avait d'aussi dérangeant chez lui. Malgré ses mots, malgré ses airs, malgré toutes ces impressions... Sur son visage, on ne pouvait pas lire une seule trace de bienveillance. Comme pour accompagner la révélation, le ton de l'homme se durcit.
"C'est quoi ton nom, gamin?"
Aucune réponse.
"Pas du genre bavard... Bien... très bien... Visiblement, tu comprends Français, et anglais, correct?"
Itzhak hoche la tête, lentement, et avec méfiance. L'interlocuteur se penche un peu vers l'avant.
"C'est spécial, tu sais. Marcher comme tu as fais. Seul, dans la neige. C'est spécial. C'est pas tout le monde qui peut faire ça. Tu as marché longtemps, non?"
Il acquiesce.
"Now let me ask you kid... What kind of a man falls down and needs to be saved by a stranger? Can you answer me that kid?"
Le gamin reste impassible, mais l'homme perd soudain toute façade de gentillesse, son expression tordue de haine. Il tire sa chaise vers l'avant, et s'approche dangereusement près du gamin. Ses yeux plongent dans les siens. D'une part un regard qui a perdu la vie, de l'autre un regard qui a côtoyé la mort.
Il continue, dur, cassant.
"No man. No man at all."
L'enfant inspire fort, mais toujours, se refuse à détourner les yeux. Cependant, cette fois, c'est lui qui prend la parole.
"You're right, sir."
Le sourire revient aux lèvres de l'homme, qui se recule légèrement, satisfait.
"Mon nom est Erik Jaeger. Général Erik Jaeger, pour ce que ça vaut dans ce monde pourri. Je te repose la question, gamin. Quel est ton nom?"
"Isaac, Sir."
"Quel âge as-tu, Isaac?"
"11 ans, Sir."
L'homme est pensif.
"Hmm... Maigre, mal en point... Tu as un père? Une mère?"
Il indique non de la tête.
"Est-ce que tu penses que tu serais capable de tuer un homme, Isaac?"
"J'ai déjà tué."
Le général se lève. Il est grand, massif. Son regard est froid, intimidant. Toutefois, le gamin, sans hésitation, fait suite, et se lève à son tour, malgré ses jambes toujours endolories, et la fatigue toujours imprimée dans toutes les fibres de chacun de ses muscles.
"Son, do you want to live?"
Son expression se durcit à son tour. Déterminé il répond.
"Yes, Sir."
Le général pose une main sur sa tête, fermement appuyée.
"Then prove it."
Le coup est fulgurant, puissant. Le poing s'enfonce dans son abdomen. Cric, Crac. Comme des allumettes, ses côtes se brisent. Se tordant sur lui-même, crachant du sang, le gamin s'effondre au sol en un grognement violent.
"Time to show me, kid. Are you a man? Or a child? Stand up, Son. Show me just what kind of a man you are."
***
"C'est un charmant endroit que vous avez choisi-là. Vous savez, si vous vouliez m'inviter... il n'y avait qu'à demander."
L'ambiance était discrète, l'endroit était calme. Rappelant les cafés et bistros d'une époque depuis longtemps disparue, la Dièse était un petit îlot de romantisme et d'intimité au cœur d'un univers qui assassinait le premier comme la seconde. L'endroit était sur une grande artère, mais était discret. La clientèle était riche, puissante, mais anonyme. Un musicien, seul, jouait du saxophone au fond de la pièce, juste assez fort pour que ces airs doux parviennent aux oreilles de la clientèle. La fenêtre ouverte donnait sur l'eau. À l'extérieur, peu de son venait déranger la tranquillité. L'homme était assis, posture droite, tout à fait détendu. En face de lui, la chaise était tirée, invitant la jeune femme à s'y asseoir.
"C'est ce que j'ai fait, mademoiselle."
La voix de l'homme était grave, ses mots posés, parlant une langue qui ne semblait pas être sa première avec une élégance et mélodie toute maîtrisée. Elle sourit, et prit sa place avec attention en face de lui.
"Votre invitation est acceptée, dans ce cas! Je suis... toute à vous."
Elle plongea son regard dans le sien, tentant de scruter l'impénétrable et fascinante froideur du personnage en face d'elle. Il lui rendit la faveur. Malgré tout son talent habituel pour cerner les gens, elle se ne put rien discerner dans le néant couleur noisette qui s'était ouvert devant elle. Il n'y avait la ni joie, ni peine, ni colère, ni luxure. Simplement du calme. Une tranquillité sans rivale. Il ne prononça pas un mot. Elle n'en fit pas plus. Le ruissellement de l'eau, les murmures des autres convives, et les notes délicates du saxophonistes était seules à se mélanger harmonieusement au battement de son propre cœur. Ba dum, ba dum, ba dum, les percussions se joignaient au décor, pour elle et seulement elle, accélérant un peu plus, seconde après seconde. Voulant échapper à cette transe, elle commença la conversation, sur un ton un peu nerveux.
"Alice. Mon nom est Alice. Enchantée, mon cher."
Il ferma les yeux un instant.
"Alice... Alice... C'est un très beau nom. Le mien est... November."
Elle se mit à rire.
"November?? Vraiment? Ce n'est pas votre vrai nom..."
Son regard redoubla d'intensité.
"Pas plus qu'Alice n'est le vôtre."
Son rire cessa, et elle plissa les yeux. Sa curiosité flamboyait, agitait chaque fibre de son être.
"... Mais qui êtes vous donc...?"
Il sourit à son tour, subtilement, portant son verre à ses lèvres.
"Je suis un... Entrepreneur.
Freelance. J'accomplis toutes sortes de travaux dans de nombreux domaines pour divers clients."
Elle se mordit légèrement la lèvre.
"Ça sonne... Mystérieux. Qu'est-ce qui vous amène à Paris alors, monsieur... l'entrepeneur. Un client quelconque? Trop privé pour en parler, peut-être?"
"...Pas ce soir. Ce soir je suis... à mon propre compte."
Il prit une autre gorgée, approcha un peu son visage du sien, et poursuivit.
"Et vous... Qu'est-ce qui vous amène ici?"
Elle l'imita, laissant seulement quelques centimètres entre son visage et le sien. Elle lécha sa lèvre supérieure.
"L'aventure."
Il posa sa lourde main sur la sienne, et, ne bougeant pas son visage d'un pouce, remplit le verre de sa partenaire de l'autre. Il s'éloigna enfin, et leva sa propre flûte de champagne, sa paume toujours posée sur la sienne.
"À l'aventure, Miss Alice."
Elle rit, et leva le sien à son tour.
"À l'aventure, November."
***
Il se faisait de plus en plus tard, la conversation avançait. Ils parlèrent de tout, de rien. De passion, d'inconnu. De passé, de futur. La jeune femme finit par se relever, ayant bu un peu plus qu'à son habitude, sans pour autant que son jugement en soit affecter. Elle glissa sur la table une carte magnétique.
"La chambre 1705, juste à côté, est la mienne. Donnez moi 20 minutes, puis rejoignez moi... Je pense qu'il est l'heure du dessert."
L'homme fit une révérence, s'inclinant avec respect, glissant la carte dans son manteau.
"J'y serais sans fautes, Alice."
Elle rit un peu en lui tournant le dos.
"...Je vous attends. Et....."
Elle prit une petite pause, hésitante, et continua.
"Vous pouvez m'appeler Claire."
***
Épaules carrées. Dos droit. Tête haute. Regard fixe. Jambes écartées aux omoplates. Mains croisées. 1 mètre de distance.
Tension. Force. Respect. Intensité. La grande salle sombre, semblable presque à un entrepôt, rassemblait en son sein plus d'une cinquantaine d'hommes. Talentueux, pleins de promesses, pleins de jeunesse, ils avaient répondu à l'appel. L'appel d'un homme, garantie d'un futur remplis de brillance, mais pavé d'épreuves presque insurmontables. Et pourtant, ils étaient là, alignés, solennels, anonymes pour la plupart. Et ils étaient prêts. Prêts à travailler, prêts à souffrir.
Et peut être pour certains, prêts à mourir.
Le vieil homme, debout devant eux sur un piédestal de fortune, était dans la même position, yeux clos, attendant, comme eux tous, l'heure de départ. Plus que 10 minutes. Par-ci, par là des trous dans la foule. Des retardataires, ne répondant toujours pas à l'appel, ou alors, ceux qui avaient déjà changé d'idées, s'étaient retirés du programme.
Numéro 11, Itzhak. Premier rang, directement devant son Général. Ce jour-là, comme tous les autres, il ressortait du lot. La plupart, aussi talentueux soit-il, montraient toujours les signes de la jeunesse. Certains étaient nerveux, et malgré tout, jetaient des regards de droite à gauche. D'autres étaient remplis de toute la détermination du monde; dans leurs yeux se lisait la passion, la rage, leur regard enflammé fixé droit devant eux.
Et puis, il y avait lui. Il ne tremblait pas, n'était pas fébrile. Il n'était pas non plus enragé, et sa figure, bien qu'imposante, n'avait rien de féroce. Ses yeux étaient vides. Ses pensées étaient claires. Il était là, c'était son devoir, et il n'y avait aucun autre endroit sur terre où il aurait pu être à cet instant. Bien qu'il eût été au même niveau que tous les autres, on lisait déjà sur lui l'air tacite propre à l'expérience.
Le général l'avait lu.
À sa droite, le numéro 10. Basil J. Sawyer. Il était un peu plus grand que tous les autres dans la salle, un peu mieux bâti. Chez lui se lisait un certain calme, une paix d'esprit qui lui était unique, souriant presque. Lui aussi, comme son voisin, était un homme de peu de mots, mais toutefois un peu plus facile d'approche. Ses performances aux évaluations étaient reconnues. Parmi tous les membres du programmes, grand nombre l'auraient considérés comme le favori.
Il n'y avait plus qu'une minute avant le début de la rencontre; au delà de ce délai, plus personne ne serait admis au programme. Pourtant la place à la gauche du numéro 11, elle, restait résolument vide. Certains à l'arrière murmuraient entre eux. La première rangée, les 12 premiers, étaient sensés représenter l'élite du groupe. Plus que 45 secondes. S'imaginer qu'un d'eux ne se joignent pas aux rangs était pratiquement impensable. Lui était-il arrivé quelque chose? Les retardataires n'arrivaient plus depuis un moment... plus que 20 secondes... Comment se faisait-il qu'il ne soit pa-
"
Sorry, sorry... I had some business, if you'd just... kindly... let me pass through, that would be... lovely, quite lovely indeed... Thank you, thank you! Very sorry! At least I didn't end up being late... Oh! That should be my spot! Yeah! 12! That is me! okay! Don't mind me guys!"
Se raclant la gorge et arrangeant ses cheveux une dernière fois, le numéro 12 examina son voisin en vitesse, et mima la pose de celui-ci, sans grande rigueur, se balançant un peu d'avant en arrière. Plus que 10 secondes. Il pencha la tête, à gauche, puis à droite, grimaçant devant la rigidité de ses compagnons. Toutefois, son regard s'illumina en tombant sur l'homme à sa droite. Il murmura entre ses dents.
"
Hey! Aren't you our new brother? Itzhak right? You can call me Anton!"
Il lui adresse un clin d'œil.
"
Let's get along, eh?"
Tout en parlant, il lui jetait un regard de côté et un très large sourire. De son dos, une main se tendait dans la direction du numéro 11. Ce dernier lui adressa un regard furtif à son tour, le regardant de haut en bas. Il refixa son attention devant lui, mais ne répondit pas.
Plus que 5 secondes.
La main d'Anton persistait. Aucune réponse. Itzhak le regarda encore une fois.
La poignée de main fut échangée, ferme, brève, et claire.
"
Let's."
Itzhak reprit la position. Anton, satisfait, poussa un bâillement. Et s'étira un peu.
L'œil froid et furieux de Jaeger était sur lui cette fois. Il reprit à son tour position, et se redressa, les lèvres retroussées.
"
Riiiiiight..."
Il était l'heure. Les dés étaient jetés. Le général fit face à tous ses nouveaux élèves. Il parla, sa voix forte retentissant résonnant dans toute la salle.
"Welcome young ones. Welcome to Requiem!"
***
Requiem. Le projet capricieux d'un général eccentrique auquel on ne pouvait plus rien refusé. Seule l'élite était admise: des résultats exceptionnels depuis un plus jeune âge ou alors l'invitation directe du général en personne étaient les seuls possibilité pour avoir accès à la
Jaeger Unit.
La sélection pour l'admission était un grand honneur. À l'issue du programme, une seule personne allait être choisie, et tous les autres participants seraient assurés d'avoir une position de prestige. Plus on avançait, plus les perspectives futures étaient heureuses.
Toutefois, il n'en demeurait pas moins que le programme avait un seul objectif unique: former l'assassin parfait. De ce fait, il n'y avait que 3 façons de sortir du programme. Être le dernier survivant, abandonner, ou mourir. 200 participants avaient été choisis pour le programme, répartis en 4 groupes selon leurs compétences et chances de survivre au programme. De ces 200, une poignée seulement étaient des femmes, et 5 d'entre elles avaient étés dans la première vague d'abandon. Après 4 semaines d'entrainement, ils n'étaient plus que 120. Quatre étaient morts, et six avaient disparus.
Jaeger, impassible, ne faisait que rendre l'entrainement plus violent, plus rapide. Au bout de 3 mois, tout ceux qui resteraient seraient vraiment prêts à rejoindre les rangs; là était l'objectif. De sa voix imposante, il hurlait les ordres. 10 tours de plus. 10 kilos en plus. Répétez l'exercice. Si la forme n'est pas parfaite, il est impossible de prétendre à l'être. La performance était récompensée par plus de travail, l'incompétence par des coups. Se relever ou mourir. Les ennemis, eux, ne laisseraient pas même cette option.
Au bout du second mois, 100 candidats étaient toujours présents. Un top 20 avait établi. Y figurait les numéro 10, 11, et 12, fils biologiques et adoptif du général, ce qui eut très vite fait de surprendre absolument personne. Plus intéressant encore, c'est que une majorité du dernier groupe constituait ce classement. Certainement motivés par leur faible classement initial avaient-ils mis plus d'efforts que les autres.
"That's interesting, isn't it? Who would have thought!"
Anton fit son service. La vitesse fulgurante de la balle fut reçue férocement par son tacite adversaire, plaçant le premier dans une situation délicate. Il ne réussit pas à la replacer sur le terrain.
"Man, you're good brother! I used to destroy you but I'll be damned! You're a fast learner if I ever saw one."
Itzhak, qui n'aimait pas beaucoup parlé; Anton, qui y excellait. Les deux frères malgré eux s'étaient très vite liés d'une amitié assez importante, si bien qu'il eût été rituel pour eux de se lier à quelques parties de tennis dès qu'une journée de repos se présentait à eux. C'était une belle façon de concilier l'amour du jeu d'Anton et la volonté de poursuivre l'entrainement d'Itzhak.
"This program is a sacrifice of sweat and blood, Anton. Not a mere..."
Il fit son service directement sur la ligne, sans que son frère n'eut simplement le temps de réagir.
"Showcase of talents."
Le perdant grimaça un peu, l'air embarrassé.
"Blimey brother! You may not care much for speaking, but you don't quite mince your words either!"
En effet, les mots du frère adoptif n'était pas sans le cibler. Depuis le début, il avait démontré une certaine facilité par rapport aux autres à effectuer les exercices, et bien que son niveau de performance soit très impressionnant, il était soumis à sa propre paresse qui l'empêchait de monter plus haut dans les rangs, là où il aurait définitivement sa place. En attendant, il demeurait au 13ème rang, tandis qu'Itzhak, peut être moins talentueux à l'origine, était au 5ème, repoussant un peu plus ses limites à chaque jour.
Au deuxième rang se trouvait leur autre frère, Basil. Bien qu'ils soient semblables de caractères, lui et Itzhak se parlaient très peu, bien que sur des termes amicaux. Méfie-toi en, avait dit Anton, sans pour autant vouloir préciser ce qu'il signifiait, mais l'expression de dégoût et de honte qu'il avait alors affichée sur son visage avaient été suffisamment convaincants et authentiques pour que la question ne soit pas poussée et le conseil suivi.
Le match non arbitré touchait à sa fin, et une petite remontée avait rendu les scores plus équitables. Itzhak l'avait tout de même remporté sur le dernier set. En sueur, les deux se serrèrent la main et s'écrasèrent au sol à côté du filet, prenant quelques minutes de repos. Le perdant rebrisa le silence.
"You know what? Today's a special day. Let's go to the showers. There's someone I think you should meet. Try and look decent for once, alright?"
***
Anton Sawyer était un homme qui requérait beaucoup d'explications, et pour lequel il en existait peu. Ces comportements, ces avertissements, son éternel sourire. Aux premiers abords, on pourrait croire à une personne joviale, un peu maladroite et désintéressée, qui n'avait pas sa place dans les positions qu'on lui accordait. Toutefois, il y avait plus. Beaucoup plus. Ses prouesses physiques dépassaient d'une longue marge grand nombres d'orphelins bien plus appliqués, ce qui, en soit, est intéressant. Cependant, ce qui faisait de lui quelqu'un de redoutable, quelqu'un de dangereux, c'était l'érudition.
Anton était un homme instruit. Un homme qui lisait. Un homme qui savait. Itzhak avait vite compris que son "frère" possédait une qualité qui à lui même manquait, et que l'État voulait à tout prix faire disparaître. Anton Sawyer était un idéaliste. Itzhak, pour sa part, ne comprenait pas grand chose d'autre que la force brute, et rarement n'allait faire qu'autre chose que ce que l'on attendait de lui.
Brain versus Brawn. Et pourtant, depuis le premier jour, celui-ci avait traité Itzhak, qui pourtant n'était son frère que sur papier, adopté par un père dont il rejetait l'identité, comme son propre sang. Bien plus, en tout cas, que son réel frère de sang.
Basil Sawyer était, quant à lui, un homme dur à jauger. Il parlait peu, était économe tant avec ses paroles que ses actions. Sa diligence à l'entraînement comme partout ailleurs était exemplaire, et son potentiel immense. Bien plus immense encore que celui d'Itzhak, celui-ci avait-il bien vite reconnu. D'un homme tacite à un autre, on aurait pu croire qu'un lien ce serait tissé entre ces deux frères, mais, comme le confirmaient les mises en gardes d'Anton, rien ne s'en était fait. Même sans avertissements, l'homme doux, serein, soigné, rendait Itzhak - et il était un des rares - profondément mal à l'aise. Il ne pouvait pas exactement mettre le doigt dessus, mais cette façade immaculée semblait cacher quelque chose.
If you try this hard not to stand out, you stand out. Il n'y avait pas trop laissé traîner ses pensées.
Ainsi, jusqu'à ce jour, il était tout à fait juste de dire que le fils adoptif du général n'avait au monde qu'un seul et unique ami, et, malgré lui et dans sa propre naïveté, lui livrait une confiance presque totale. Il avait toujours fait confiance au jugement de son frère cadet; c'est pour cela qu'il l'avait suivi sans ciller quand celui-ci lui avait demandé de s'infiltrer hors de leurs quartiers alloués vers ceux réservés à d'autres Orphelins, malgré l'interdiction catégorique.
"We're not quite supposed to mingle with people not assigned to us. Ya know, to avoid forming bonds and whatnot. That's fair - well not EXACTLY fair, per say - but at least it makes sense. What makes less sense though, is applying such a rule when "I got lost" is such a complicated excuse to disprove without way more effort than anybody cares to give. You follow?"
"I do not."
"Awesome! You coming still?"
"Yes."
Et ainsi, ils déambulèrent dans le complexe, passant derrière un membre du personnel d'entretien, dans cette portion théoriquement hors-limites. Comme l'avait prédit Anton, bien qu'ils eurent croiser bon nombre de gens, aucun n'avait même daigné leur accorder un second regard, bien trop occupés à faire peu importe ce que c'était qu'ils faisaient. Cette section, selon ce qu'Itzhak en savait, étaient réservés aux étudiants à circonstances spéciales, qui suivaient des leçons particulières, soit par leur statut ou par leur compétence. C'est ici que ceux qui avanceraient plus loin dans Requiem demeureraient dans un futur proche, une fois le nombre suffisamment réduit et l'entrainement revu à la hausse dans sa complexité.
"Where are we-" avança Itzhak.
"To the infirmary brother! Got a friend there. What DO you think I'm doing when I disappear for a while during the nights?"
"Are you seriously asking that?"
"Yeah!"
"Jacking off was my guess."
"What!? No!... Well... not... Oh sod off."
Et bientôt ils arrivèrent à leur destination. L'infirmerie de chaque secteur était, en réalité, une multitude de chambres de repos. Elle permettait plutôt d'avoir un lieu de convalescence au besoin. Une vraie clinique existait, et était pour sa part commune à tous les secteurs. On passait par l'infirmerie, si nécessaire, on bougeait à la clinique, et on étaient renvoyés à l'infirmerie pour le suivi si il y avait lieu. On évitait ainsi de surchargé les capacités en soin du complexe, où les blessures étaient plus que communes.
Anton s'approcha du bureau de la seule infirmière.
"Bonjour! J'ai une amie que je dois voir, elle vient d'arriver je crois. C'est..."
Avant qu'il ne put terminer et que Itzhak eut le temps de lever un sourcil au changement de langue subit, celle-ci acquiesca, et glissa un papier numéroté au cadet. Il la remercia, et s'aventura dans le couloir des chambres.
"Room 713, uh? Oh yeah... I DID forget to tell you. The person we'll be seeing... she doesn't ACTUALLY speak english just yet. So... Just try and look decent and not too dumb alright?"
Avant qu'il ne puisse protester, ils étaient arrivés, et Anton cogna à la porte plusieurs fois.
"Entrez!... Sauf si c'est toi Anto! J'ai vraiment pas envie de voir ta sale gueule."
Il sourit, et poussa la porte. La voix était celle d'une fille - leur age, probablement. Bien qu'il n'y comprenait pas grand chose, Itzhak trouva qu'elle sonnait bien. Plutôt bien même. Pas trop grave. Pas trop aigue. Pleine de vie. Juste... Bien. Bien. Le plus jeune entra, l'autre continua d'attendre un peu à l'extérieur.
"Tu me fais de la peine tu sais! J'ai pris la peine d'enfreindre le règlement et tout pour t'apporter des fleurs!"
"Quelles fleurs?"
"J'ai un peu perdu mes objectifs de vue en cours de route. Oops?"
"...T'es vraiment aussi con que t'en as l'air en fait."
"Bon bon! C'est pas grave! Je suis là pour te remonter le moral! Je suis surpris! T'as une bonne mine, quand même. Impressionnant! Ça te donne un ptit air."
"...Est-ce que tu veux te battre? Parce que si tu me cherches ça peut s'arranger."
Il éclata de rire.
"T'es malade ou quoi? Je tiens toujours à ma vie! Mais sérieusement... Ils t'ont pas manquée."
"La mafia n'aime jamais vraiment les espions. J'suis chanceuse que ton papa adoré m'ait sorti de là. En plus c'est toi qui m'a dit d'accepter la mission. En fait c'est ta faute. C'est LITTÉRALEMENT à cause de toi que s'est arrivé!!"
"Wow wow wow! Du calme, du calme... J'ai déjà dit que j'étais désolé okay? Je pensais pas que... bah... Oh! J'ai quelqu'un que je voulais te présenter, question de te remonter un peu le moral!... Hey brother? What the hell are you still doin' outside! Come in! Don't be shy! She won't bite. Not on the first date anyway."
La voix de la jeune fille sembla un peu paniquée.
"Hey! Attends attends! J'suis pas présentable là! C'est quoi l'idée d'amener du monde!? Donne moi deux secondes quoi!"
"Bon, sois pas stupide, t'as l'air géééééniale. Come in brother! Hey now, do I have to pull you in or something? This isn't grade school!"
Poussant un soupir découragé, et ajustant un peu son col, Itzhak s'aventura très lentement dans la chambre. Elles n'avaient jamais rien d'intéressant, ces chambres. Un lit de fortune, une petite fenêtre. Une table, avec plusieurs piles nettes de manuels et autre livres, tous écrits, de ce qu'il en savait, en français. Son regard passa du sol, au lit, à la table, à la fenêtre, à Anton... puis, lentement, il s'aventura vers la jeune femme sur le lit. Camisole blanche, joggings noirs, pieds nues, elle était assise en tailleur par dessus ses couvertures. Un livre épais ouvert entre ses jambes croisées. Elle ne semblait pas particulièrement grande, ou imposante, mais elle était définitivement en forme, et son corps, bien que l'ai meurtri, montrait définitivement les signes d'une force physique exemplaire. Sa peau était pâle, et avait l'air si... Et... des cheveux courts, noirs, en bataille qui... hum...
Elle détournait résolument le regard, visiblement un peu embarrassée, ce qui fit qu'Itzhak ne puisse voir que son profil, montrant que ses yeux étaient noisettes, apparaissant presque jaunes avec cette éclairage. Son regard était pétillant, et la rougeur sur ses joues ajoutaient vraiment à son charme... et bien qu'Itzhak voulut retenir ses pensées il....-
"Well look at you two. Don't you just look absolutely stupid. I'd tell you to get a room but considering this is a room...-"
"Fuck you Anton." cassa Itzhak.
"J'ai aucune idée de ce que t'as dit, mais oui, te connaissant, j'suis d'accord. Fuck you, Anton." renchérit-elle, sans retourner ses yeux vers les deux jeunes hommes pour autant. Anton reprit.
"...J'fais les présentations, ou.....?"
Elle poussa un soupir résigné, et fit directement face à Itzhak, lui tendant sa main fermement.
C'est alors seulement qu'il remarqua les bandages. Ces bandages blancs qui couvraient l'autre moitié de son visage presque intégralement, ne laissant paraître qu'une chose: une immense tâche rouge là où aurait du se trouver son autre œil. Elle baissa un peu le regard, se mordant un peu la lèvre devant l'expression un peu choquée du visiteur. Sa main resta tendue, et prenant une bonne inspiration, elle le fixa de nouveau, l'air pleins de courage, presqu'enjoué.
"Anise. Anise Liebnitz. Enchantée."
Il s'empressa de joindre sa main à la sienne.
"...Itzhak. Itzhak Jaeger. An... An-tchon... tay?"
Se fut au tour d'Anton de secouer un peu la tête, l'air un peu découragé.
"That's close enough. Meet Anise brother. Meet Jaeger Unit number 01; code name: January."
***
Cette nuit-là, un homme s'était rendu à la bibliothèque pour la première fois depuis qu'il était associé aux Orphelins. Timidement malgré sa carrure, il rentra à sa propre chambre un manuel sous le bras.
"Learning French: Beginner Level"
*****
"...Alright, my children! That is enough for the day! I have an announcement."
Avec diligence, sauf exception (une exception), les participants restants du programme se dépêchèrent de s'assembler devant la plateforme du général. Ils n'étaient plus si nombreux, mais leur détermination était désormais palpable; leur maladresse, principalement disparue.
"For all of you that are still present, before anything else, I have to say: Congratulations. You are tough, tougher than most. You have made it safely to the end of the first portion of Requiem. Not many others could have done it."
Il prit une pause.
Quelques mois avaient passés depuis la petite escapade d'Anton et Itzhak. Comme l'avait prédit Anton, elle fut absolument sans conséquences. Itzhak avait très vite été surpris par son frère à marmonner quelques phrases d'une langue bien familière, et s'était empressé de bien se moquer de lui.
"I don't know how you think she's cute. She's more of an... animal, ya know? Hardly lover material... hardly person material, now that I think about it. A bit like you, actually!"
Aucun nombre de claques derrière la tête ou coup de poing au ventre n'étaient venus à bout de son sourire niais. Itzhak s'était résigné, et avait commencé à l'ignorer. C'est à ce moment là que les moqueries avaient cessées, et quelques conseils de prononciation les avaient remplacées.
Jaeger continua.
"Starting today, we begin the second phase of your training... Since we began, you bunch have learnt what it meant to be tough, to endure, to have power. As of right now, you will be taught what it truly means to be strong. You will learn to fight!"
Au début, un murmure se serait probablement propagé dans la foule des étudiants. Pas aujourd'hui.
"You have all been assigned a rank, since you've started training. This rank is what determines your worth. Up to now, it has been meaningless to all of you. This WILL change. Your rank will become everything. Every week, the lower ranks shall fight to see who will be expelled. Losers will either die, or be reassigned outside of this program. There is no more failure permitted. Only the truly strong will move on."
Il balaya ses disciples d'un regard grave. Les quelques un se sachant parmi les plus faibles déglutirent. À ce stade, plus personne ne voulait être éliminé. Ceux qui étaient encore là voulaient rester. Le climat d'entraide présent jusque là, en quelques phrases seulement, avait été envahi par les graines de la compétition.
"....Which brings me to my final point of the day. There is someone I would like to introduce to you all today..."
Il tourna la tête vers la porte de l'entrepôt, et hocha une fois. La curiosité de tous était attisée cette fois. Tous les yeux étaient rivés vers un seul point: l'entrée. Lentement, la lourde porte fut poussée... timidement d'abord, une svelte figure la passa. Vêtue d'une veste noire un peu courte et d'une jupe grise, pieds nus, elle se dirigea l'air de plus en plus confiant au fur à et mesure qu'elle avançait vers le podium. D'un œil, elle tenta à distance de jauger la foule devant elle, l'autre recouvert de bandages noirs.. Quand elle remarqua les deux frères, son expression s'illumina un peu. C'est sans effort qu'elle sauta au côté du général, atterrissant sur la plateforme de bois sans un son. Celui-ci reprit ainsi la parole.
"I would like to introd-"
Il fut interrompu sans vergogne par la jeune fille qui arborait un grand sourire un peu carnassier.
"Boooonjour! My name is Anise, and I am the first ranked~ ! Pas vrai, vieillard?"
Celui-ci avait l'air dépité, mais acquiesça, à la stupéfaction générale de tous les autres.
"...Yes, that's righ-"
"Indeed! You will excuse my bad english, I actually just... learned it!... Wait, that's one of the irreg-... Ahem! A-ny-way! It is possible that you would have questions! For example: why is such a small girl number one? Why did she not trained with all of us? Why introduce her now? There is a simple answer to all that..."
Son regard s'assombrit un peu; elle se lècha rapidement la lèvre supérieure.
"...Compared to you all... I am faster, stronger, better, in every way, shape, or form that matters. Henceforth... Oui c'est un mot!"
Son expression redevint joviale.
"I shall be your martial art instructor! Please treat me well!"
Silence complet.
"...est-ce que j'ai dit quelque chose de mal, capitaine?"
...Il soupira, puis pris la parole.
"I believe we will need a volunteer to come up here and attempt to fight. Who w-... Itzhak. That's a surprise. Yes, that'll do. Come up, son."
Sans vraiment réfléchir, la main du jeune homme s'était levée à peine le général avait-il eu le temps de débuter sa phrase, ce qui ne manqua pas de faire glousser son frère, juste à côté. Murmurant un Shut up rapide entre ses dents, il se dirigea jusque devant le podium. Anise sauta juste devant lui, dangereusement proche, sur la pointe des pieds, le fixant directement, une certaine lueur dans les yeux. Elle lui tendit la main. Il la saisit délicatement, tentant de cacher son frisson au contact. Elle approcha sa tête juste à côté de la sienne, juste assez pour murmurer à son oreille.
"...Don't get too excited, I'm wearing shorts under this. Also, I'm sorry."
"...Désolée pour quoi?"
Il pesa bien ses mots, l'effort mis derrière l'articulation leur donnant une certaine intensité. Même la jeune fille eu un moment de recul en l'entendant, son excitation et sa joie palpables. Elle eut un petit rire.
"Tu verras bien~"
Les deux reculèrent pour se préparer à échanger des coups. Itzhak était déterminé à ne rien retenir, décidé à l'impressionner. Pour sa part, ses pas étaient nonchalants, et elle offrit ses bras collés ensemble dans son dos, le général s'empressant de les lier ensemble.
"Small handicap, to make it funni- more educative."
Il aurait voulu protester. Il n'en fit rien. Tandis qu'il essayait de décider si il attaquerait en premier-
"Ready, set, Fight!"
Elle ferma la distance en une fraction de seconde. Il n'eut pas le temps de réaliser ce qui se produisait qu'elle était juste devant lui, et, quelques secondes plus tard, qu'un pied connectait directement avec son menton, le laissant complètement sonné.
"Kung fu, tornado kick"
Sa vision se troublant, il tenta d'avancer vers elle, mais elle recula, sa jambe se souleva à nouveau, d'un seul coup, le frappant encore, avec violence.
"Capoeira~ Feeling dizzy yet?"
Il s'avança vers elle, essayant de l'attraper et d'ignorer le son des cloches résonnant dans sa tête. Elle avança elle aussi, se contentant de l'évite légèrement sur le côté, son corps désormais derrière le sien. Elle sourit, et se contenta de le pousser sans effort vers sa jambe, le faisant trébucher et s'écraser au sol de tout son poids.
"Aikido! Aller! Debout! Montre moi quelque chose!"
Très lourdement, il se relève. Elle le laisse faire cette fois. Il s'approche à nouveau, lentement cette fois. Il décoche un coup de poing violent vers elle; elle l'évite vers le côté, de justesse.
"Ooo~ Powerful... Buuuut..."
Il n'a pas le temps de réagir qu'il sent son équilibre le lâcher, tandis qu'une jambe s'enroule autour de son cou. Avant qu'il n'ait compris ce qui se passait, il était de nouveau à terre, suffoqué entre les jambes de son adversaire, et incapable de lutter efficacement.
"...Jiu Jitsu. Tu es à moi maintenant... I win~"
Détachant d'elle-même ses bras liés, et relâchant son emprise sur Itzhak, elle laissa celui-ci retrouver sa respiration. Elle se tourna vers les spectateurs, dont la réaction est hétérogène entre l'ébahissement, la curiosité, et l'indifférence.
"If someone else wants to try, that's fine with me! If not... all of you get a partner! Not you Isaac. Tu... restes avec moi."
Elle lui lança un clin d'œil discret, et poursuivit.
"It's high time I teach you all how to use those big, strong, useless bodies of yours!"
Anton bailla, marmonant pour lui même.
"This is going to be a fun couple o' months, isn't it..."
***