Sujet: Nébuleuse Sam 27 Aoû - 6:27 | |
| Pionnier
Terrence Clément | Émilie-Anne était belle. La brume qui nageait dans ses yeux se dissipait très lentement. Elle était toujours présente, mais elle laissait maintenant filtrer une timide lumière qui venait enluminer de rose ses joues et ses lèvres. Ses cheveux étaient encore un peu ternes, mais il lui semblait de plus en plus souvent apercevoir des reflets chauds et chatoyants.
Elle était présentement étendue devant l’âtre du foyer, presque nue, enrobée par les reflets des flammes qui combattaient la noirceur de la nuit. Son corps menu s’épanouissait doucement et ses formes se renouvelaient pour accueillir une nouvelle fois la vie, un ultime vestige de son amant maintenant disparu. L’enfant dans son ventre était demeuré discret pendant les premières semaines de la grossesse à cause du stress et de la malnutrition, mais s’était révélé au docteur attentif dès qu’elle avait repris des forces.
Il était tard, mais les jumeaux avaient été réveillés par la faim, et après les avoir nourris, Émilie-Anne les avait gardés auprès d’elle. Couchée sur son flanc, le ventre encadré par des coussins, elle se dressait à l’aide de son coude. Elle jouait paresseusement avec les bambins sur la fourrure étendue au sol, les hissant tour à tour sur leurs jambes qui tremblaient au même rythme que le rire dans leurs gorges. Ils restaient sans mal en équilibre, sautillant même sur leurs jambes menues, mais chancelaient vite après quelques pas.
Terrence était installé dans la pénombre, en dehors du halo familial. Il laissait Émilie-Anne profiter des bons moments avec les enfants, mais accourrait au premier signe de détresse, comme quand, après être tombé sur les fesses, Frederick se mit à pleurer.
Il hissa le bambin contre lui devant le visage de sa mère qui déjà se barbouillait d’impuissance, mais elle se ressaisit lorsque les pleurs soudains, sous ses doigts papillonnants, se transformèrent à nouveau en éclats de rire.
Il s’était ensuite agenouillé auprès d’eux pour rejoindre les jeux, et après peu de temps, s’était étendu à son tour face à Émilie-Anne. Les deux adultes encadraient les petits qui jouaient maintenant ensemble. Ils observaient tendrement les gestes maladroits des rouquins, échangeant ici et là des regards affectueux et communicatifs. Dans cette bulle, Émilie-Anne avait la mine heureuse, et il aurait menti s’il avait prétendu ne pas l’être également.
Des chuchotements les avaient peu à peu menés à se rapprocher dans une timide et chaste intimité. La distance était confortable, ou du moins, le fut jusqu’à ce qu’il remarque l’insistance avec laquelle elle observait maintenant ses lèvres. Sans changer de position, leur proximité s’enfuyait soudainement alors qu’il évitait son regard pour se concentrer sur les jumeaux.
Dehors, il y avait du bruit.
Il se redressa prestement en entendant la porte s’ouvrir derrière lui. |
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Sujet: Re: Nébuleuse Lun 19 Sep - 22:38 | |
| Je suis mère des terres fertiles, j'accueille en mon sein celui qui y chasse
Émilie-Anne Larose | Le printemps s’était installé en laissant fondre la neige qui avait emporté Pavel, mais les nuits fraiches ne permettaient pas encore aux avalés de se passer des flammes une fois le soleil couché.
Une nuit, Émilie-Anne s’était étendue sur une fourrure près du feu. Elle avait aidé Terrence à y nourrir les deux gamins, puis s’était sustentée elle aussi... En fait, à ce point, il aurait été plus juste de parler au pluriel : peu de temps après l’arrivée de Terrence dans la maisonnette, ce dernier avait effectivement remarqué le bas-ventre grossissant de la mère.
Elle attendait un nouvel enfant, ce qui plaçait la rouquine dans un grand dilemme émotionnel : elle aimait autant l’idée de donner encore une vie, qu’elle avait la peur à celle de ne plus pouvoir subvenir au besoin de toute sa famille. Selon elle, sans un père pour chasser, les petits risquaient de manquer de viande, de protection, de discipline.
Qu'importe. Pour le moment, elle ignorait ces inquiétudes pour profiter plus d’une belle soirée auprès de ses deux angelots et de son ténébreux colocataire qui les avait mis au monde. Pendant les semaines passées auprès de lui, elle avait su développer des réflexes infaillibles pour chasser vers plus tard ses problèmes. Sans jamais les confronter ou les régler, cela dit.
Étendu devant le feu sur une large fourrure de Porcalo, Émilie-Anne ne portait rien de plus qu'une jupe en lambeau, un vestige de l’Ancien Monde. Son ventre rond annonçait l'arrivée prochaine du quatrième enfant de la maison, et témoignait des soins assidus pourvus par le médecin improvisé.
Cette proximité avec le médecin avait d'ailleurs bien nourri les lubies à la jeune fille : elle entretenait l'espoir timide que ce dernier devienne bientôt son nouvel amant. Il l'attirait, physiquement et émotionnellement, mais elle voulait par dessous tout un nouveau mari, et un père pour ses enfants présents et à venir.
Elle avait peur de finir seule, sans compter que ces trois enfants, bientôt quatre, seraient surement un élément dissuasif pour une nouvelle rencontre. Ces craintes prenaient racine dans son éducation et dans les souvenirs qu'elle avait de son père et de sa conviction qu'une femme ne pouvait pas vivre convenablement sans un homme.
C’est d’ailleurs alors qu'elle lui lançait un regard rempli de sous-entendu que la porte s’ouvrit impétueusement, annonçant l'entrée d'un nouvel acteur. Émilie-Anne fut traversée par un violent sursaut, puis chercha furieusement du regard l’intrus qui venait interrompre de ce moment parfait.
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Sujet: Re: Nébuleuse Mer 26 Oct - 21:57 | |
| Frostbitten Requiem to a Forgotten Elegy
S. Ashton Awyer | NÉBULÉE.
STEP TWENTY-THREE. « You are one of the few things that currently hold meaning to me so you have to live. You have to live. You have to prove me that this wasn't all in vain. You fucking have to. » Il y avait eu quelque chose durant la nuit qui m'avait frappé avec plus de force que les paumes d'Eve contre mon plexus – Papa ! Listen ! – , qui avait percé le rideau blanc de mes cauchemars – Gavin, Joshua, le froid – m'arrachant tout souffle et laissant mes yeux écarquillés d'effroi. J'avais tâtonné le relief de la nuit du bout de phalanges tremblotantes, calmant mon cœur affolé contre les sinues de la silhouette de Lena. Elle m'avait semblée si menue, dans la pénombre, dépossédée de ses muscles et avalée par les replis désaturés d'une fourrure habituellement rose. Je m'étais accolé à elle, basculant mon poids contre son flanc et triturant légèrement son épiderme de mes ongles. Des chuchotements expédiés dans les confins de ma gorge avaient remontés jusqu'à ses cheveux, illustration d'une givre fissurée par la lame d'un affolement dont le sens m'échappait. Je m'étais accroché à elle, solvant les fantômes d'engelures contre sa peau, m'apaisant, une inspiration à la fois, au travers la présence des enfants écrasés contre mon dos.
Un cocon de chaleur que je ne comprenais pas. Puis le sommeil, embrouillé et picoré du fantasme d'une nébuleuse incendiée. Une aorte flambée, un hypothalamus congelé, un entre-deux difficile à cerner.
À mon éveil, elle s'était évanouie à l'extérieur, re-possédée par ces muscles que la nuit lui avait doucereusement emprunté. À sa place se tenait la frêle silhouette d'un autre des locataires intermittent de ma maisonnette. Cheveux bruns dispersés sur la fourrure qui avait regagné sa teinte rose, mâchoire crispée dans une anxiété qu'il me faudrait laver de ses traits, Olivier sommeillait.
Je frissonnai.
Sa présence n'avait rien de particulièrement surprenant, le poids de son corps m'étant, pour le moment, encore plus familier que celui d'Elys contre mon dos. J'étais son pourvoyeur d'occasion, le havre qui lui offrait refuge lorsque sa mère et ses frères se montraient trop étouffant. Cela ne m'avait jamais posé problème, et ne m'en poserait décidément jamais.
Toutefois, des interrogations inquiètes fourmillaient contre ma peau.
I needed answers." . . . ena. "
" . . . m'so cold. "
" Let me sleep. "
( . . . )
Nous étions trois, implantés dans le décor que les gazouillements de pantins de chair se chargeaient d'éloigner du silence. Fred et George babillaient des sons que j'imaginais être les squelettes de farces explosives, la suie de leur bruitage s'imposant à mon cerveau comme les flammèches des feux d'artifices qui avaient poursuivi Ombrage. Je les fixai de longues secondes, interdit, m'accrochant à un instant d'ignorance, avant de laisser mon regard couler jusque sur Émilie-Anne.
Je venais de m'expédier dans le portrait mordoré d'une intimité dont je ne connaissais rien, voleur d'une tranquillité qui se faisait si rare sur la surface du Nouveau Monde. Je relevai sa nudité et l'identité de son partenaire d'un sourcil arqué de non-dits vitriolés, mes lèvres s'ouvrant sur une question dégoulinante de présomptions, d'insolence :
« Interromprais-je quelque chose ? »
Entre félicité et méconnaissance, nous étions trois, nous étions des antithèses, et je m'opposais à leur équation simple – 1 + 1 = 2 – en dépassant le cadre de l'entrée, me glissant par l'intermédiaire de pas tout autant mesurés qu'impérieux près du feu, les lorgnant avec insistance, peu désireux de masquer les interrogations furibondes qui s'affrontaient à l'intérieur de mes pupilles. Le langage corporel de la jeune mère ne laissait transparaitre rien d'autre qu'un consentement auquel l'atmosphère conférait des airs léthargiques et celui de Terrence - Ombrage sans le rose, mais avec probablement plus de sang logé sous les ongles - tranchait contre les accusations infondées qui rampaient le long de ma gorge.
Restait que fuck you-i don't care-get the fuck out, shall rears its ugly head. Je les toisais, mâchoire serrée, rassemblant les variables qui pourraient résonner la présence d'Olivier dans mes draps et excuser celle de Terrence dans son intimité. Je ne savais pas si c'était la sensation d'avoir été écarté d'une information qui ne me concernait pas réellement qui me dérangeait ou si ma frustration émanait de l'impulsivité protectrice - parce qu'elle doit vivre pour que je vives or something like that because holding onto silly requests was all that made some days matter - que j'entretenais à l'égard de cette femme et de sa petite famille.
Dans tous les cas, je m'infectais de mon propre venin, froissant mon foulard d'une main rigide.
« C'est pour ça que tu négliges Oli ? »
Je grinçai des dents. |
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