Sujet: Ni des grands fonds de la durée Dim 24 Jan - 2:56 | |
| Pionnier
Gavin Matthew | Gambader dans les bois avec Ashton en mimant de faire quelque chose d’utile pour le village ; en évitant les obstacles camouflés sous les feuilles dorées, ils dialoguaient ensemble, nantis d’un dédain cultivé. Après toutes ces années, ils s’en nourrissaient mutuellement avec un amusement féru. Somme toute, l’escapade n’était pas désagréable… ils devraient éventuellement pouvoir retourner vers le village après une bonne discussion, avec un peu de bois, quelques plantes, quelques champignons et l’appréciation de Lena. Ils marchaient et marchaient. Ils parlaient et geignaient et riaient.
Gavin était devenu doué pour identifier les rares plantes médicinales qu’ils connaissaient, et Ashton était doué pour s’assurer que Gavin ne se perde pas seulement pour revenir bredouille.
Gavin marchait, parlait, geignait et riait sans regarder où il allait, à la place, il regardait Ashton. Il ricanait en réponse à une pique sarcastique et mijotait dans sa gorge une rétorque précautionneusement pensée. Mais avant de pouvoir répondre, les sons crus s’évadèrent par gros bouillon de sa gorge et ses pensées s’évaporèrent, les deux retombants finalement ensembles en un gros bouilli de catastrophe.
Tout son air fut pressé hors de ses poumons. La brulure. La douleur.
Bien avant la sensation poisseuse qui s’étendait dans ses vêtements, ce fut l’odeur vermeille qui l’avait alerté : une odeur de chaud, de métal, de rouille : une odeur qu’il savait produite par une réaction chimique entre les molécules de fer contenues dans son sang et l’exsudation imprimée sur sa peau. Il aurait déjà su dire qu’il avait quelques côtes de cassées, ou au moins de déboitées. Malgré tout, l’oxygène se reglissait dans ses poumons avec une douceur étonnante.
Il remua, il se tourna, seulement pour sentir sur son flanc une plaie profonde qui embrassait le corps étranger qui la pénétrait.
- Ashhhh’ton ! crie-t-il dans un murmure.
Il avait besoin d’aide au plus vite. Il allait devoir expliquer à Ashton comment faire cesser l’hémorragie, mais sans retirer la branche cruelle qui était la seule chose qui l’empêchait de se vider de son sang. Ça allait être très désagréable, d’autant plus qu’il allait ensuite devoir trouver un moyen de remonter la pente, puis de retourner au village où il allait subir, et peut-être même de sa propre main, une opération douloureuse, sans garantie de survivre au choc, aux infections ou à un potentiel empoisonnement. Une rémission complète serait possible, mais elle serait lente et pénible.
Il expira de soulagement en entendant Ashton qui dévalait la crevasse en proférant tout un tas de jurons qu’il ne comprenait qu’à moitié. Un rire silencieux se dessina sur ses lèvres alors qu’il constatait, presque surpris, qu’il savait son compagnon capable de le sauver. Son plan d’urgence se précisait dans sa tête : en le suivant bien, il vivrait.
Il riait en silence parce que cette réalisation ne l’apaisait pas.
Au-delà de mal charnel, une profonde lassitude irradiait de sa blessure. Il n’avait pas envie de bouger et d’avoir mal, de rentrer et de guérir. Il avait évité la mort plusieurs fois dans sa vie, et il avait continué à vivre malgré tout ; malgré le froid et la faim, malgré la peine et le désespoir. Vivre malgré tout, vivre malgré lui. Et maintenant que la vie s’enfuyait devant ses yeux, il n’avait pas du tout la motivation de la pourchasser.
-I’m fine Ash’ Dit-il d’un ton faible. Et si la branche meurtrière, bien en vue, criait au mensonge, tout dans son ton indiquait qu’il pensait ce qu’il disait.
-I’m fine. Répète-t-il en tâtant à l’aveuglette son flan perforé. Ses mains étaient faibles, chaque muscle criait scandale, ses nerfs, forfait.
Il pousse un soupir. Il avait mal, mais c’est la frustration qui serrait sa mâchoire, jusqu’à ce qu’enfin, sa main, la branche. Enfin, il commence à se détendre. Il était au bord de lui-même comme au bord d’un vide plein de tout ce qu’il avait perdu, et alors que le sang chaud s’évadait enfin de ces veines, il sentait le froid le gagner, et il s’y abandonnait. Au-dessus de leurs têtes, les arbres pleurent des feuilles qu’un vent hardi conduit au trépas ; un oiseau fui sa branche, alors que le vol des souvenirs s’alanguit sur son visage.
- He’s my son, you know…
Ses yeux embrumés fixent la brunante en plein jour. Une main tremblante caresse le vide où il distingue maintenant l’infini. Ses doigts qui frémissaient se perdent dans cette pénombre, et enfin, il s’y engloutit tout entier.
Il ferme les yeux, et il respire le silence. Achievement Unlocked ! Succès ! Tu as accompli un défi : Traiter de la mort d'un personnage. Tu peux désormais disposé de l'icône ci-dessus à ta guise pour afficher ton accomplissement ! |
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Sujet: Re: Ni des grands fonds de la durée Dim 15 Jan - 0:47 | |
| Frostbitten Requiem to a Forgotten Elegy
S. Ashton Awyer | SAVE ME.
STEP TWENTY-TWO. « Ton sang, s'exaltant de blanc. » - Je crois que toutes mes contemplations à son endroit démarraient contre le firmament opalin de ses cheveux, contre le reflet absent du vent dans ses mèches, et terminaient quelque part ailleurs, plus souvent contre la courbe délicate de son poignet ou l'extrémité de l'une de ses phalanges, alors qu'il m'incitait à considérer son espace personnel dans une tentative vaine de me motiver à cesser mes élans de proximité à son égard. La consistance de nos rapports s'était modelée au fil des années, décrivant un arc tortueux et brodé de non-dits que nous pallions de silences et de piqûres orales évidées de sens. Le sourire sur ses lèvres infectait mes joues, les affligeait d'une brûlure que la froideur de l'automne tentait d'engourdir, et je riais à en fendre les gerçures de mes lèvres, égaré au cœur d'un amusement que je n'avais jamais trop cherché à baliser de mots.
This sometimes felt like home.
La familiarité du décor ne m'échappait pas, galvanisait mes sens d'une sensation de déjà-vu qui imitait jusqu'au craquement des branches. Nous retracions nos pas d'antan, les feuilles de l'automne tapissant notre chemin là où la neige l'avait autrefois fait. Le calque du passé se voyait dessiné si précisément contre ma rétine que je ne remarquai pas immédiatement la dissonance. Le souvenir se raya à la manière d'un vieux vinyle, sautant contre mes tympans, m'arrachant une exclamation de stupeur, alors qu'il crissait vers sa complétion.
Gavin tombait, sa posture défaillant, disparaissant en contrebas. Mon cœur s'emballait, ma gorge s'asséchait et je blâmais ses dispositions distraites, jurant au néant, tout en m'élançant à sa suite. La pente était suffisamment abrupte pour imposer une vilaine chute à ceux qui ne sauraient pas la remarquer, mais ne présentait aucun réel danger si on l'apprivoisait intelligemment. La vivacité d'esprit ne fut toutefois pas mon outil de prédilection et j'esquissai une chute vers l'arrière, éraflant mon postérieur sur des brindilles dissimulées parmi les feuilles mortes. Ce fut dans cette position, fesses contre terre et pantalons troués, que je dévalai l'espace me séparant de Gavin.
Cobalt, lilial, le duo chromatique qui peignait sa silhouette se voyait accompagné d'un sournois partenaire, qui s'élargissait posément autour de l'un des sceptres que Dame Nature avait négliger de ranger. Le rouge assujettissait les autres couleurs, imposant une cadence que le corps du médecin n'était pas en mesure de suivre. Il haletait, je paniquais, la cacophonie de nos respirations respectives résonnant comme une nuée d'insectes au creux de mes oreilles. Le disque rayé refusait de fonctionner, répétait en boucle les mêmes inepties.
Fine ? That's a fucking lie.
La branche pointait, appendice cruel d'un monde qui ne croulait pas sous la domination humaine, qui ne s'éteignait pas un souffle à la fois, sous le poids de nos intempéries existentielles. Sur son écorce luisait des filaments internes, alliage de chaires vivantes que l'impact avait brusqué.
« Fuck being 'fine'. You need to tell me what I have to do to get you out of here. »
Nous tremblions sans que nos corps ne répondent aux mêmes stimuli – défaillance versus vitalité – et mes paumes chevrotaient contre l'hémoglobine maculant son flanc dans une tentative idiote de cautériser la plaie par mon simple touché. L'une de ses mains effleura mon bras, remontant jusqu'à en empoigner le poignard végétal qui l'empalait et, malgré toute ma naïveté, malgré toute mon inadéquation médicale, je savais qu'il ne fallait jamais retirer un objet qui traversait un corps. Jamais.
La branche glissa dans un chuintement de viscères qui me retourna les tripes et j'aboyai une opposition qui ne fit qu'alourdir ma conscience. Mes paumes se pressèrent contre son corps dans l'espoir d'adoucir le flot du sang, alors que mes yeux cherchaient les siens, quémandaient une explication qui rendrait logique cette prestation funeste. Ils ne trouvèrent que le vague d'une existence qui se noie, qui se laisse emporter vers les abysses de la finalité, soufflant, dans une dernière secousse vitale, les ébauches de dernier discours.
Un discours de six mots, déconnecté des échanges qui nous avaient reliés, associés à la clarté de l'un des visages rebondi qui avait égayé certaines de mes heures. Elys ; une dernière confession, un aveu.
Mes mains enfoncèrent des côtes déjà précairement incurvées, exacerbant foulures et craquelures jusqu'à ce que son souffle le lâche pour de bon.
Gavin Matthew n'existait plus.
-
J'avais laissé le cadavre parmi les tombes symboliques du champs de pierres, laissé les coureurs des champs épier son corps depuis le couvert des hautes herbes. L'abandon de la carcasse avait rendu mon périple jusqu'au village moins rude. J'avais rejoins l'esquisse d'une civilisation que d'autres avaient bâti sur des membres rendus vacillants par l'émoi et l'effort, mon cœur tambourinant la messe funèbre que mon cerveau associait à l'image de ma mère. J'avais trouvé Lena, quelque part entre deux habitations, à l'extérieur, au bout d'un souffle que je n'avais pas réalisé, avant ce moment où la réalité reprenait ses droits, être imbibé de larmes. Ce fut avec des bras tâchés d'un sang qui n'était pas le mien que je l'attirai contre moi, chuintant le désir de me réapproprier cette léthargie ensommeillée, cette nonchalance quasi-suicidaire qui avait ma compagne avant l'arrivée d'Eve.
Lena, do you know what it means to die ? FOR I AM DEAD.
Il me fallut trois jours pour aller à la rencontre d'Elys, trois minutes pour passer de mon habitacle à celui de Félicie Grimson et trois secondes pour braver le regard désapprobateur de la jeune femme, alors que je lui arrachai le bambin des bras.
Six mots pour me responsabiliser. Six mots pour m'imposer une réalité. Il n'avait fallu que six mots. Gavin Matthew, jusqu'au bout, avait été une saleté hypocrite.
Ha. |
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