Sujet: Dans l'abîme du jour Dim 19 Juin - 13:37 | |
| Je suis mère des terres fertiles, j'accueille en mon sein celui qui y chasse
Émilie-Anne Larose | La première nuit fut la plus dure : cette terrible nuit de doute où Pavel n’était pas revenu avec les autres chasseurs. Plusieurs n'étaient pas revenus, mais seule la disparition de son compagnon touchait particulièrement Émilie-Anne. Elle avait trois enfants desquels s’occuper, dont deux encore au sein, sans compter la ferme... mais à vrai dire, le pire était l'angoisse qu'elle éprouvait à l'idée de ne plus jamais revoir son amour. Les nuits suivantes furent dures également, mais la jeune mère cultivait un espoir tenace : Pavel était fort et débrouillard, et il saurait survivre durant ce dur hiver. Lorsque l'angoisse la gagnait malgré tout, Émilie-Anne imaginait son amant qui avait rejoint un abri de chasse et qui y attendait la fin de l'hiver pour enfin revenir dans ses bras. Mais l’espoir ne peut pas fleurir éternellement, et maintenant il se fanait à mesure où les glaces de l'hiver se fondaient en ruisseaux printaniers.
Dernièrement, elle ne voyait presque plus personne et elle était souvent sensible ou irritable. Depuis que la température le permettait, elle envoyait de plus en plus souvent Olivier jouer chez des voisins, refourguant ainsi ses taches de mère à d'autres. Heureusement, les habitants du village de la vallée aimaient beaucoup l'enfant et l'accueillaient toujours à bras ouverts.
Elle se renfermait sur elle-même, et dans son cœur hermétique fermentait lentement la dépression. En se tuant au travaille, elle oubliait son corps qui commença ainsi à perdre de sa beauté juvénile: des plis d’inquiétude tapissaient sont front, des cernes alourdissaient ses yeux et le deuil semblait empêcher tout sourire d’apparaitre sur son visage autrefois illuminé. Tout le village avait pu remarquer les nuances ternes qui gagnaient sa chevelure de feu.
Le soir, elle dormait mal et pour dépenser son insomnie, elle filait de la laine, tricotait des vêtements, ou même, transformait son blé en farine, mais malgré tout son temps libre, ses créations perdaient de leur qualité, de leur couleur et de leur beauté. Elle ne mangeait pas toujours, et toujours sans appétit, ainsi elle maigrissait de jour en jour. Ses nourrissons, Frederick et George, commençaient d’ailleurs à ressentir les effets de la malnutrition qui tarissait la gorge de leur mère.
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour Mar 21 Juin - 14:19 | |
| Pionnier
Terrence Clément | La ligne d’horizon se cachait dans l’éclat d’un soleil mourant. Terrence marchait lentement vers cette belle et chaude lueur qui s’enfuyait et se précipitait dans la nuit.
Il était fébrile, car il avait peur du noir : au matin, le petit Olivier lui avait mentionné avec plus d’inquiétude qu’un enfant ne devrait jamais ressentir que ses frères n’allaient pas bien. Pour l’avoir souvent observé alors qu’il séjournait chez Ashton, Terrence savait que le petit Olivier n’allait pas très bien lui non plus. Tout d’abord, il s’ennuyait de son père, et il comprenait sans doute plus qu’on l’aurait cru que celui-ci pourrait ne jamais revenir… Mais c’est surtout de sa mère qu’il s’ennuyant. Sa mère, qui, vraisemblablement, n’allait pas mieux que lui et que ses frères. Terrence vu Émilie-Anne au loin, alors que celle-ci devait rentrer de son pâturage. Il voyait déjà qu’elle était maigre sous sa fourrure d’hiver, et que sa chevelure était terne. Il revoyait du coin de sa mémoire ses cheveux éclatants comme des flammes vibrantes qui éclairent les plus sombres de ses nuits. Il avait peur du noir.
Émilie-Anne ne l’avait pas vu alors qu’elle entrait maladroitement chez elle en transportant un gros panier. En accélèrent le pas, il eut juste le temps de glisser sa cane dans la porte qui se refermait, puis d’attraper le fardeau de sa douce amie. Elle sursauta. Il chuchota.
- Émilie-Anne... Ce n’est que moi.
Le visage de sa douce était pâle sous les rougeurs du froid, et aminci par la peine. Il eut un pincement au cœur : il avait cru à son bonheur, et il souffrait de le voir se perdre.
L’un des garçons s’était mis à pleurer, et l’autre lui avait vite fait écho.
- ... Je viens pour ausculter les garçons.
Il mentait, mais sa voix était riche et chaude et elle s’épandait dans le froid ambiant. |
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour Dim 26 Juin - 19:56 | |
| Je suis mère des terres fertiles, j'accueille en mon sein celui qui y chasse
Émilie-Anne Larose | Le désespoir gagnait peu à peu toute la maisonnée autrefois si chaleureuse et enjouée. Pour remplacer l’attention que sa mère peinait désormais à lui accorder, le petit Olivier quémandait de plus en plus d’attention auprès des gens du village… Ce qui ne l’empêchait pas d’en redemander en vain lorsqu’il revenait à la ferme. Pour attirer l’attention de sa mère, il adoptait de plus en plus souvent des comportements osés et violents, ce qui n’était pas du tout dans sa nature.
En après-midi, Émilie-Anne était parti sans grande conviction vers l’étable. De façon machinale, elle ramassa de la laine pour filler. Elle avait également nourri les moutons et ajouté de la paille à la litière, mais sans avoir eu le courage de la changer.
Tictac. Les mouvements de ses bras étaient mécaniques comme ceux des bras d’une horloge.
Elle était un automate dont l’engrenage était bien huilé, mais que l’usure déréglait lentement. Le balancier poussant vers la droite, puis vers la gauche. Les mouvements cinétiques utilisaient sa force, et lui en donnait en retour. Malgré tout, l’énergie du geste étant sans sa conviction et la tâche sans ardeur, comme son corps, sans âme. Elle était déréglée, mais elle était encore fonctionnelle. Pour le moment.
Le temps s’écoule, la journée s’enfuit. Émilie-Anne avait terminé ses tâches, alors un nouvel engrenage plus lent s’était enclenché. Son panier en main, elle revenait vers chez elle avec encore moins de conviction que lorsqu’elle était partie. Le panier plein de laine lui semblait d’autant plus lourd parce qu’il avait été confectionné par un ami qui était récemment mort. Après tous ces mois, Ashton aurait eu raison de dire que ce monde était hostile et la vie ne serait pas assez forte pour s’y installer.
Ses pas étaient constants, mais las et démontraient le peu d’entrain qu’elle éprouvait à l’idée de retrouver chez elle auprès de ces enfants.
Tictac. Ces pas étaient machinaux comme les pas du balancier d’un pendule.
Elle marchait en regardant le sol gris sans vraiment rien voir. Elle aurait pu être aveugle que ça n’aurait rien changé, car son regard était aussi vide que son cœur.
Arrivée à son logement, elle fut dérangée dans son recueillement douloureux qui durait depuis déjà trop longtemps : c’était Terrence avec lequel elle partageait un monde à part plein de secrets. Soudainement, elle perdait de sa stabilité, comme si un débris venait de se coincer dans son pénible mécanisme. Ironiquement, c’est ce dernier qui l’empêchait maintenant de tomber.
Après s’être débarrassée de son fardeau, elle se redresse enfin un peu en échangeant avec son invité-surprise quelques regards complices, mais elle pousse un soupir de désespoir en entendant les jumeaux se mettre à pleurer.
Si elle avait pu, elle les aurait étouffés. Plus d’une fois, elle était allée à leur chevet avec cette idée, mais à chaque fois une force étrange l’en empêchait. Ils ressemblaient tellement à leurs pères…et la pensée que c’était peut-être le fantôme de celui-ci qui veillait sur eux et qui l’empêchait d’en finir la troublait encore plus. C’était à la fois réconfortant et terrible, un soutien, mais d’avouer que son mari était probablement mort.
- Ils pleurent tout le temps. Tout le temps. Tout le temps… Je ne sais plus comment les faire taire… Et j’aimerais vraiment qu’ils se taisent. |
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour Sam 2 Juil - 3:17 | |
| Pionnier
Terrence Clément | Le ton de sa voix était faible, et pourtant il perçait le silence avec une force douloureuse.
Terrence la regardait avec des yeux calmes. Elle était parfaitement immobile, mais son aura tremblait avec la force d’une crise de larmes. Il soutenait son regard en inspirant calmement, voulant ainsi la rasséréner. Il avait espéré respirer au passage son parfum lumineux, seulement pour sentir comme une odeur de tombeau. En l’observant longuement, il apercevait les humides nuages qui nageaient dans ses yeux, ainsi que les ténèbres que couvait son cœur.
Toujours immobile, l’ombre d’Émilie-Anne sursautait au rythme des pleurs des enfants. Sa propre poitrine se serrait, tout comme sa main sur sa canne. Son autre main vient frôler la joue droite de la jeune fille. Il sentit sa peau chaude, abimée par des sillons de larmes, puis redressa à l’aide de son pouce son menton bas. En la regardant une dernière fois, il passait en revue tous les malheurs qu’elle avait pu vivre, et surtout tout ce qu’elle avait pu accomplir malgré ceux-ci. Selon lui, plutôt que de courber la tête, elle avait droit plus que quiconque de la garder haute.
Il se détourna finalement d’elle pour observer les petits. Il était loin d’être pédiatre, mais il savait déjà qu’ils avaient faim et qu’ils auraient besoin d’un bon bain. En se retournant vers leur mère, un sourire en coin crispa son visage lorsqu’il eut la réflexion qu’elle avait visiblement les mêmes besoins.
- Je n’ai pas mangé avant de venir ici. Me laisserais-tu nous cuisiner quelque chose pendant que tu te débarbouilles ?
Proposa-t-il avec tact. Se disant, il prit avec précaution le petit Frederick dans ses bras. Bien qu’encore affamé, le contact chaud rassura l’enfant qui tua graduellement ses pleurs. Dans le berceau, son frère geignait encore, mais beaucoup moins fort.
Il le berçait maladroitement en clopinant vers l’âtre où les braises mouraient dans des dunes de cendres. Il prit place près de celui-ci et déposa l’enfant sur ses genoux le temps de mettre deux buches à bruler. |
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour Mar 5 Juil - 1:56 | |
| Je suis mère des terres fertiles, j'accueille en mon sein celui qui y chasse
Émilie-Anne Larose | Émilie-Anne était un pantin qui se noyait dans les soubresauts de ses propres larmes. Elle affichait un regard bas, emplie de honte et de tristesse. Malgré la main assurée de Terrence qui cherchait a reprendre ses rênes et touchant une joue et en relevant un menton, elle ne parvient qu'à vider son expression, ou plutôt à camoufler celle-ci, sans le moindre changement en dessous de la surface.
Finalement, Émilie-Anne acquiesça à la demande, puis le laissa se saisir de ses enfants, héritage vivant de son amant disparu.
Ombre d'elle même, sa tristesse vagabonda sur les quelques mètres qui la séparait de l’entre où elle reprit les quelques légumes, fruits, noix et lambeaux de viande séchée qu'elle avait en réserve. Dans sa cave froide, elle avait davantage, surtout des denrées salées ou séchées, mais elle n'avait gère l’esprit a descendre dans la noirceur de ce lieu. Elle apporta aussi à son ami ce qui lui servirait de chaudron, soit une coquille géante d’escargots.
Libérant l'espace de sa présence, elle alla se cacher dans les épaisses fourrures de sa chambre. Malgré sa grande fatigue, elle avait quand même apporté avec elle de quoi se faire une toilette rapide : un bout de tissu provenant d'un vêtement trop usé pour être encore porté et récemment transformé de sorte à faire de la guenille, de l’eau provenant de neige fondue, et finalement, un morceau de savon fait à partir de suie.
Les paroles douces du poète permirent à la jeune mère de se décharger de toutes ses responsabilités et de ne pas avoir a réfléchir. Elle ne se fit pas priée, ni ne prit le temps de peser le pour et le contre pour régresser à un état d’enfant vulnérable. Le chagrin et, surtout, la peur de l'avenir la tyrannisait. Selon elle, elle n'arriverait à rien sans la présence d'un homme, de son homme, de Pavel. Elle se sentait abandonnée, brisée, incomplète et inutile... C'était peut-être purement culturel, sans doute absolument faux, mais l'impact psychologique était poignant et dévastateur. |
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour Mer 6 Juil - 1:04 | |
| Pionnier
Terrence Clément | Grâce aux victuailles que son amie lui avait apportées, il avait préparé une soupe contenant des légumes et de la viande réhydratée par l’eau bouillante. Il en avait bu un peu pour rectifier le bouillon, puis encore à quelques reprises jusqu’à être assuré que la température soit convenable pour les enfants, mais sans en prendre plus. À l’aide d’un ustensile et d’un bol de bois, il avait transformé la première portion en une purée hétérogène. Le premier enfant répugna d'abord la nourriture molle, mais finit tout de même par taire ses plaintes en en étant sustenté. Ce n'était pas tout à fait liquide, ainsi Terrence craignait que les jumeaux souffrent de coliques plus tard, mais pour le moment, le premier était calme et repu. Le second enfant fut moins difficile et dégusta la purée avec avidité ; il mangea beaucoup, et tomba endormi aussitôt après.
Terrence coucha les enfants. George pleura un peu, et l'empathie réveilla son frère, mais il sut rapidement les apaiser en fredonnant une mélodie grave et lente. Le son de sa voix était doux et tragique et versait dans la pièce glacée une tiède mélancolie. Finalement, son chant mourut dans les ronronnements des enfants endormis et dans le crépitement des flammes.
Ensuite, il mangea ce qui restait dans le bol, puis remplit celui-ci d’une nouvelle portion qu’il amena précautionneusement jusqu’à la chambre d’Émilie-Anne. Il entra sans cogner et la trouva étendue dans les épaisses fourrures.
Une bonne période de temps s’était écoulée depuis le moment où elle l’avait laissé dans la pièce centrale de sa maison. Il trouva ses vêtements éparpillés sur le sol exigu, quant à elle, elle ne portait plus grand-chose. Elle était couchée sur le ventre et les fourrures cachaient tout juste ses formes, mais Terrence était assez habitué à l’anatomie humaine et à la nudité pour ne pas être choqué.
Il déposa avec une silencieuse maladresse le bol auprès d’elle, puis entreprit de s’assoir à ses côtés en s’aidant de sa canne. Les yeux d’Émilie-Anne étaient fermés, et bien qu’elle resta immobile, sa respiration indiquait à Terrence qu’elle ne dormait pas vraiment.
Il vu sur sa peau pale des zébrures familières qui animèrent chez lui des souvenirs qu’il aurait volonté laissé mourir avec son identité perdue.
Pendant un long moment, il l’observa en silence, avant de finalement glisser ses doigts sur une cicatrice dont il se souvenait très clairement être l’auteur. Les remords lui dévoraient la poitrine, mais il glissa vite par-dessous pour poser sa paume chaude contre son épaule et la secouer doucement.
- Tu dois avoir faim.
Affirma-t-il d'une voix posée. Le bol fumait doucement entre eux et infusait la chambre d’une bonne odeur de subsistance. |
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour Mar 9 Aoû - 23:57 | |
| Je suis mère des terres fertiles, j'accueille en mon sein celui qui y chasse
Émilie-Anne Larose | Le labeur du poète avait réussi à calmer les deux enfants. Repus et endormis, ils reposaient dans le sommeil du juste. Le temps avait passé, quinze minutes, une heure, peut-être deux depuis que Terrence avait libéré la mère de son fardeau? Cela importait peu, la dimension de sa chambre ne comportant aucune mesure, aucun repère autre que sa fatigue et la léthargie qui la gagnait.
Nue sous une large peau de porcalo, elle ne réagit pas lorsque l’homme s’assit à ses côtés. Il regarda, sans gêne se corps qu'il avait, jadis, profané de ces outils métalliques. Il osa même dessiner les contours d’une cicatrice dont il était l’auteur. Ce mouvement rouvrit une plait dans sur le cœur de la fermière :celle de sa laideur. Ce corps qu’elle avait offert à Pavel n’avait plus grand-chose de féminin. Sa peau abimée rappelait une carte qui traçait avec des lacérations les chemins arudeux que fut sa vie. Malgré l'ouragan d’émotions qui l'habitait, elle ne versa pas plus qu’une simple larme qui s'échoua sur son oreille.
Secouée par son étrange ami, elle lui donna raison: elle devait de manger. Elle s’assit et prit le plat gentiment offert. Dans son état, sa nudité ne la gênait pas, ou plutôt, elle n’en avait que faire. De plus, son gardien avait déjà vu le corps, et en bien plus piètres états. Il put tout de même observer les plaies qui avaient cicatrisé, certaines mieux que d’autres.
La veuve accepta de manger ce qu’on lui offrait puis supplia Terrence de rester à ces côtés. Émilie-Anne ne pouvait plus supporter la solitude, et elle vivait mal le noir de la nuit, et pas du tout celle de son cœur. Attendri, il accepta... Toutefois, il ne s'attendait peut-être pas à rester aussi longtemps. Ce fut la première nuit que Terrenca passa à la ferme, la première de plusieurs. |
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Sujet: Re: Dans l'abîme du jour | |
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