Mon histoire
Tu as peut-être été beaucoup de personnes différentes, mais ceci est à propos de ce que tu es présentement.
Dis-moi qui tu es et dis-moi comment tu l’es devenu.
Une vie désuète
Je suis né un froid hiver en janvier 2174, à Canton, petite ville appauvrie de l'Ohio. Même l'ancien aéroport est à l'abandon. Et ce n'est pas notre gouverneur "Chuck" Anghel qui va arranger les choses, au contraire ...
J'ai grandi dans une atmosphère équilibrée, mes parents n'étaient pas très riches mais le manque de moyen était compensé par un amour protecteur. Amour qu'ils ont partagé quelques années plus tard avec la venue d'une petite puce. J'adore ma sœur, je la charrie tout le temps, elle n'aime pas quand je l'appelle la puce, alors vous imaginez bien que je m'en donne à cœur joie.
Mon père est ébéniste-charpentier, le travail se raréfie mais les clients sont toujours présents. Il ne supporte pas l'idée d'abandonner l'entreprise de son père, de son père avant lui et son père encore... Une entreprise familiale dans toute sa généalogie.
Ma mère quant à elle a réussi à trouver un emploi de domestique auprès d'une famille de la bourgeoisie. Vous savez, ces gens qui rêvent de faire partie des Nobles, mais qui ne le sont pas. Son salaire compensait le manque à gagner de mon père, il lui arrivait souvent de faire des heures supplémentaires. Je parle au passé car elle est ... Décédée. J'ai encore du mal à en parler. Elle fut arrêtée en possesion d'un ancien livre,
The Jim Crow Laws, qui recensait une série d’arrêtés et de règlements où les citoyens étaient distingués selon leur appartenance raciale, et où une ségrégation entre les blancs et les noirs était imposée dans tous les lieux et services publics.
Comme vous le savez ces textes auraient dû être détruits, et leur détention est interdite. La garde de fer vint ravager notre maison, cherchant d'autres objets de l'ancien temps, en vain. Et pourtant... Mes parents collectionnaient tous ces trésors du passé, mon père a fabriqué un coffre secret dans la charpente du grenier où nous les gardions.
Ils nous arrivaient d'y passer des heures avec ma sœur, réinventant le passé.
Revenons en au fait. Ma mère fut accusée de traîtrise et de travailler avec la résistance. Mon père ma sœur et moi avons subi un interrogatoire brusque. Ils ont conclu que ma mère travaillait seule, nous étions sa "couverture". Elle fut exécutée...
Pardon, ma voix tremble. Parlons de choses plus gaies.
J'ai toujours eu une fascination pour les animaux, tellement moins cruels que l'homme. J'avais trois chats, deux blancs et un noir. Je les choyais mes petits
Pumpkins. J'aurais aimé devenir vétérinaire, prendre soin de ces petites bêtes. Mais le destin en a voulu autrement. Comment aurions-nous pu financer mes études, et qui aurait voulu d'un fils de charpentier comme apprenti ? J'appris donc le métier de mon père. Vous l'auriez vu, fier de m'enseigner les ficelles de sa passion. Je m'appliquai, fus très attentif et accompagnai pour la première fois mon père à 18 ans. Un an et demi plus tard je commençai mon premier chantier seul. Ma méticulosité et ma patience fit ma popularité. Je repris la suite de mon paternel à 21 ans, anéanti par la mort de ma mère il s'était retiré "du marché". Ce fut difficile pour moi d'assurer seul la rentrer d'argent pour toute la famille. Ma sœur fut donc mise à contribution. J'aurais aimé lui assurer un avenir meilleur, mais j'en étais incapable.
Je rencontrais le professeur Oliver quelques années plus tard. Un individu froid et d'une antipathie sans pareil. Il vint me trouver afin de réparer une construction de son laboratoire que mon père avait réalisé quelques années auparavant. Sa nonchalance ne m'inspirait pas confiance, mais je ne pouvais refuser ce chantier au vu de la somme d'argent qu'il me proposait. N'ayant aucun travail en cours je décidai de suivre cet homme dès le lendemain. Moins je perdais de temps plus vite je retrouverais ma famille, et plus vite je serais payé. Mon père accepta de tenir la boutique en attendant, assurant aux clients éventuels mon retour. Il s'était remis à travailler le bois. Il fabriquait des jouets pour enfant, et cela me permis de partir l'esprit tranquille. Quant à ma sœur, je l’enlaçai affectueusement. Elle était forte, elle saurait gérer mon père et sa dépression. En route pour Michigan.
Je ne sais ce qu'il s'était passé dans ce laboratoire, mais la cloison que mon père avait fait était dans un piteux état. Il me faudrait bien plus de temps que je n'avais pensé pour tout réparer.
Le chantier dura trois long mois. Trois mois durant lesquels nous discutions de la vie régit par les Anghels. Quand il en parlait tout en lui manifestait le dégoût qu'il avait pour ce monde. Alors nous parlâmes d'une terre utopique où la Terre serait vierge de toute humanité, ni corruption, ni barbarie. Où la nature y régnerait en Reine, assouvissant les hommes à ses humeurs. Puis il commença à s'intéresser à ma santé, si j'avais eu des antécédents d'une quelconque maladie. A part quelques rhumes hivernaux j'ai la chance d'avoir une santé de fer. Je me demandais d'où venait cet intérêt soudain, il restait ce type pessimiste qui ne se préoccupait de personne.
Mon travail étant terminé je retournais auprès de ma famille et repris le peu de commande passé par les clients de Canton. Le Docteur me rappela à peine quelques semaines plus tard pour revenir dans son laboratoire avec cette petite précision : "
prenez de quoi survivre". Sa demeure était certes aussi austère et froide que lui mais de là à parler de survivre ... Je repris donc mon sac fétiche dans lequel je mis quelques changes et mes outils. Mais ce n'était pas pour une quelconque réparation qu'il m'avait rappeler. Alan Oliver comptait m'envoyer dans ce monde utopique dont nous parlions. Je cru à une vaste blague, mais voyant son air sérieux je finis par m'interroger. Comment était-ce possible ? Il m'accorda trois jours pendant lesquels il m'expliqua son projet, la vie sur Terra, les dangers et ce qu'il attendait de moi. Je pouvais amener quelques objets simples qui me permettraient de survivre. Je jouais le jeu en gardant mes changes et en prenant le vieux couteau qui appartenait à mon père. Alan avait refusé que je prenne le couteau multifonction. J'eus du mal à croire en tout cela jusqu'au fait accompli. Je remis une lettre au professeur que j'avais rédigé la nuit même à l'attention de ma famille. Sans révélé le projet secret du Docteur je leur demandais de ne pas m'en vouloir pour cet abandon, mais que j’œuvrais pour une découverte qui pourrait révolutionner nos vies. Que j'espérais sincèrement les retrouver dans un monde meilleur, et qu'ils profitent de l'argent que j'avais gagné grâce au dernier chantier que j'avais réalisé. En aucun cas je n'avais mentionné le Docteur Oliver mais ma sœur saurait à qui s'adressait pour de plus amples informations sur ma disparition. Après avoir vérifié le contenu de la lettre le scientifique accepta de l'envoyer chez moi et il m'indiqua la direction de sa création.
Mon cœur bat la chamade, le sang cogne contre mes tempes. Je monte dans la machine du professeur, j'ai à peine le temps de lui lancer un dernier regard qu'il l'enclenche, son visage toujours aussi impassible. Une lumière intense m'oblige à fermer les yeux, me donnant presque la nausée. Quand je les ouvre à nouveau, tout ce que je connaissais avait disparu.La renaissance
Je suis arrivé au Printemps de la deuxième année du projet, et j'ai atterri sur la pointe du triangle des tempêtes. Trois îles qui portent bien leur nom. Fort heureusement je fus recueilli par quelques pionniers déjà sur place, je me suis rapidement lié d'amitié avec eux. J'ai aussi découvert la faune locale, et j'adoptais une petite hermine saisonnière. Je passais beaucoup de temps à vouloir domestiquer les animaux que je croisais.
Jusqu'à ce que la vie devienne vraiment difficile. Un Ouragan plus violent que les autres tua nombre d'entre nous, alors nous décidâmes de quitter les îles. Mes talents pour construire plusieurs embarcations furent mis à contribution, sous la directive de Charli et Rose-Aimée. C'est avec tristesse que je laissais mes compagnons sauvages sur ces terres dangereuses, mais l'errance qui nous attendait n'était pas pour eux.
Nous naviguâmes pas loin d'un an d'île en île jusqu'à trouver refuge sur l'île rouge. Certains membres du groupe nous quittèrent définitivement, une déchirure à chaque perte, mais quelques égarés les remplacèrent. L'île nous promettait enfin la sécurité tant attendue, les habitants y avaient érigé des palissades qui nous rassurèrent. Pas bien longtemps. Après avoir été accueilli à bras ouverts, nous découvrîmes une dictature digne de l'Ancien Monde. Les Incendiés, ainsi ce nommé ce peuple, étaient terrorisés par les manières de leur Chef et de ses sbires. Mais ils échappaient au danger extérieur. J'eus détesté mon séjour en ces lieux, et cherchais à tout pris à fuir le village, vagabondant ci et là à la découverte des environs. Même les animaux ne s'aventuraient pas autour du campement. Rose-Aimée tenta de m'apprendre le français pendant ce séjour. J'eus une aventure avec un membre pionnier de cette terre avant de quitter à mon grand soulagement ces lieux.
Nous fuîmes en masse vers le désert, une cinquantaine d'individus. Notre groupe ainsi que des Incendiés qui ne supportaient plus d'être sous le joug de Markus. Markus qui n'entendait pas nous laisser partir si facilement. Il envoya ses guerriers nous pourchasser. Ce fut une longue chasse à l'homme, nous obligeant à très peu de repos et laissant derrière nous les plus faibles. Une horrible traque qui s'arrêta une fois dans le désert, laissant les conditions météorologiques prendre la relève. Les animaux sauvages se mirent à nous pourchasser, nous étions pour eux un véritable festin. Nous arrivâmes tant bien que mal à nous protéger les uns les autres. Nous n'étions plus que 35. Je fus de nouveau sollicité pour la construction de navires qui nous couperaient définitivement de l'île rouge. Sous mes ordres les embarcations naquirent rapidement. Et nous reprîmes la mer avec très peu de vivres. Nous nous arrêtâmes régulièrement sur de petites îles à la recherche de nourritures et de plantes médicinales principalement.
C'est lors d'un petit séjour sur l'une d'elles que je recueillis une portée de cinq
Follecs noirs. Ils criaient famine, étaient amaigris. Deux d'entre eux étaient extrêmement faibles, et en explorant aux alentours je découvris un Follec adulte femelle qui commençait à entrer en décomposition, prouvant une mort de plusieurs jours déjà. Je ne pouvais me résoudre à les laisser mourir, car sans leur mère c'est ce qu'il arriverait. Mes nouveaux compagnons ne firent pas l'unanimité sur le bateau, mais tout le monde connaissait mon amour pour les animaux et ma bienveillance, Charli me soutint et je pus garder mes protégés.
Malheureusement la cohabitation avec mes nouveaux compagnons fut de courte durée, à peine eurent-ils le temps de se requinquer que nous fîmes naufrage. L'océan engloutit nos bateaux tandis que la plage nous avala.
Je me réveillais étourdi. Autour de moi les corps de Charli, Leilani, Beha et Mathaëlle. Je me précipitais vers eux, prenant leur pouls. Ils étaient tous bien en vie, inconscients. Aucune blessure grave apparente, ils allaient bien finir par se réveiller à leur tour. Trois de mes Follecs étaient près de moi, je devais partir à la recherche des deux autres. Le plus petit avait la respiration saccadée, ce qui m'inquiéta fortement. Plus loin sur la plage une petite masse sombre sortait de mon sac abandonné, j'accourus la récupérer, mon petit bébé. Au même moment
Bee, le petit Follec mal en point, expia. Une larme coula le long de ma joue, et mon cœur se déchira à nouveau. Il me faudrait l'enterrer.
Je me devais de retourner auprès des autres naufragés et de leur prêter main forte, je fis demi-tour à contre cœur, espérant retrouver
Bamboo, mon dernier Follec.
Je croisais Eloïse claudiquant dans ma direction. Je la soutins afin de l'aider à marcher, son pied gauche était blessé. Lorsque nous arrivâmes auprès de Charli celui-ci avait érigé un campement de fortune avec Beha et Rose-Aimée qui les avait retrouvé. Leilani s'occupait de Mathaëlle et venait maintenant récupérer Eloïse pour la soigner à son tour. Elle me demanda si j'allais bien, voyant mon visage meurtri. Je lui répondais que je ne souffrais d'aucune blessure, et lui montrais
Bee. Comprenant ma douleur elle me prit dans ses bras et me rassura, après tout il fallait que je prenne soin des frères et de la sœur de mon Follec disparu. Quant à
Bamboo il s'était montré le plus débrouillard des Follecs jusqu'à présent, il n'y avait nul doute qu'il s'en sortirait et nous retrouverait. Je la remerciais avant d'aider mes amis à confectionner un petit nid.
Un avenir animé
Nous ne sommes plus que 9, nous espérons que nos 26 camarades se réveilleront comme nous et survivront à cette nouvelle épreuve. Je garde espoir de tous les retrouver.
Un village est établi un peu plus loin de notre base. Nous avons réussi à trouver notre équilibre ensemble. Charli et Rose-Aimée sont méfiants et préfèrent que nous restions entre nous. J'essaie de les convaincre de me laisser faire une première approche avec les membres de ce village, et dévaluer les risques et les bénéfices de nous dévoiler à eux. Mais ils refusent catégoriquement.
Il ne me reste plus maintenant qu'à vous conter mon futur. Restez bien attentifs, l'histoire devrait vous plaire.